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II

Le plus ancien exemple d'une croix de désignation remonte probablement au ve siècle, comme on va en juger.

1. Le Bulletin monumental, t. VIII, p. 261, a le premier annoncé la découverte, à Saint Seurin de Bordeaux, dans un tombeau en marbre blanc du ve siècle, d'une petite croix en argent dont il donne le dessin. Je crois y voir le monogramme du nom du défunt, suivant un usage fort commun à cette époque.

<< Les ossements des doigts, encore entrelacés, annonçaient que les mains avaient été jointes; une petite croix latine, d'argent massif, y tenait encore, noircie par une épaisse couche de terre ; dépouillée de cette enveloppe étrangère, elle a présenté à mes regards deux doubles rainures croisées, conduites dans le milieu. des deux parties de la croix et terminées dans le haut par un P; en bas et sur les côtés, par des lettres difficiles à déchiffrer..... Cette croix était émaillée de couleurs diverses. >>

D'après le dessin, je distingue une ligne verticale terminée par la lettre P et coupée à son milieu par une ligne horizontale qui, au point de rencontre, se complique, d'un côté seulement, d'un O losangé. A part cet O, qui semble spécifier un nom, on pourrait, à la rigueur, voir là un chrisme; mais toute hésitation cesse quand on lit, à la partie inférieure, la lettre L et sur le croisillon gauche (la gauche de la croix), les lettres NC. La lecture est-elle sûre? Je n'oserais l'affirmer, mais la gravure sur bois du Bulletin ne présente pas autre chose, et je m'en tiens là jusqu'à plus ample informé.

2. A Sant' Abondio de Côme (Italie), sous un autel, gît une dalle de marbre dont la croix pattée, gravée au ve siècle, reproduit la croix de plomb qui fut trouvée à l'intérieur du sarcophage. La formule très brève se lit: Hic requiescit Abundius episcopus, et désigne saint Abondius, évêque de Côme :

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3. La Société des Amis de l'archéologie chrétienne à Rome, dans sa séance du 30 novembre 1879, inscrivait cette communication à son procès-verbal : « Le R. P. Bruzza montre, grâce à l'obligeance de M. l'abbé Gregorio Palmieri, une mince lame d'or, en forme de croix, trouvée dans un sarcophage païen, mais transformé en tombeau chrétien, près de Plaisance, et donnée au musée sacré de la Bibliothèque vaticane. Cette croix était cousue sur les vêtements du défunt, comme on le voit par les petits trous percés aux extrémités, elle paraît être du vir siècle environ. Au milieu et aux extrémités, on y a marqué au poinçon des colombes et de petites croix équilatères ».

M. de Rossi ajoute en note, après avoir reproduit ce texte : « Fr. Nicolli, Sarcofago antico disotterrato in Piacenza, Plaisance, 1825, pl. V, p. 58. L'auteur attribue à un croisé cette croix cousue sur le vêtement; p. 61, il cite un autre tombeau, trouvé aussi à Plaisance, avec un squelette, sur le bras duquel était une croix, formée d'une lame d'or très mince, attachée avec des fils d'or et portant des monogrammes cruciformes. Mais ces croix sont du temps des Lombards; on en a trouvé des spécimens dans des tombes du VII° siècle environ, en Piémont (CALANDRA, dans les Atti della Società di arch. per la prov. di Torino, 1880, pl. III, no 16-19), à Bolsène (STEVENSON, dans les Notizie di Ant. de Fiorelli, août 1880, p. 267-268); à Chiusi, où M. le chanoine Brogi m'a montré de ces croix avec les trous pour passer le fil. » (Bull. d'arch. chrét., 1880, p. 108).

4. A l'exposition de Milan, en 1882, j'ai observé cinq petites croix que le catalogue disait dater de 569 à 774, et avoir été trouvées près Chiusi. Elles sont pattées, à quatre branches égales, en feuille d'or mince, avec trous tout autour pour pouvoir les coudre (1).

5. Le Journal officiel du 26 mai 1886 contenait une note de Edm. Le Blant « sur une série d'objets trouvés dans une localité

(1) M. de Beaurepaire a publié dans le t. VIII du Bulletin de la société des Antiquaires de Normandie, une Note sur une découverte de bijoux mérovingiens au village de Valmeray, commune de Mault (Calvados). Parmi ces bijoux, « on a trouvé un certain nombre de petites plaques d'or estampé, les unes circulaires, les autres rectangulaires, d'autres filiformes dessinant des zigzags et quelques unes triangulaires de plusieurs modèles; plusieurs de celles-ci ornées de grenals sertis dans une batte. Les petits trous percés sur toutes ces pièces montrent qu'elles étaient destinées à être cousues sur les vêtements, ainsi que l'indiquent les représentations des costumes byzantins. » (Rev. des soc. sav., 7o série, t. VI, p. 109).

voisine de Ravenne. Ils étaient renfermés dans le sarcophage d'un évêque lombard. Les vêtements de l'évêque sont ornés de croix appliquées sur les tissus ; elles sont faites de minces feuilles d'or et percées sur les bords de petits trous permettant de les coudre sur l'étoffe où elles forment une sorte de broderie. Parmi les signes dont elles sont marquées figure le plus souvent le poisson, que l'on avait cessé de représenter à Rome, dès une époque ancienne, mais dont l'image était restée courante, dans les provinces, jusqu'au vi et au viie siècle. Sur d'autres feuilles. d'or ou d'argent, on voit un évêque baptisant par infusion une femme; ailleurs, deux colombes, sur chacune desquelles tombe un flot sortant d'une grappe, se dressent aux côtés du poisson, symbole du Christ; ailleurs encore, saint Jean baptise le Christ, au-dessus duquel plane la colombe; le Christ et Pierre sont dans une barque, sur les flots d'une mer agitée, symbolisant le monde, ils se préparent à recueillir trois brebis qui nagent vers l'esquif; le poisson mystique porte la barque sur son dos; une ancre, dont deux personnages tiennent la hampe, ramène du fond des flots deux brebis posées sur ses branches, c'est à dire deux âmes sauvées par la foi; entre les douze apôtres, le poisson est dressé sur sa queue, portant, sur l'une et l'autre nageoire, un vase et un pain. La pièce la plus importante pour la symbolique chrétienne est peut-être celle que l'on voit entre les mains d'une femme, à savoir un assez grand vase ayant la forme de l'agneau, portant la croix sur son front et qui est posé sur un plateau garni de douze gobelets. Le tout est en argent. Sur le ventre de l'agneau est appliquée une croix grecque, découpée à même sur une mince feuille d'or; sur ses bras sont représentés les quatre évangélistes (1) ».

6. A la séance du 16 mars 1887 de la Société des Antiquaires de France, «< M. de Baye a soumis les dessins de croix en or, trouvées dans un groupe de sépultures aux environs de Milan, et conservées aux musées de Nuremberg et de Cividale » (2). A celle du 30 novembre, le même membre « soumet à la Société une croix en or estampé, trouvée dans une tombe longobarde près de Bergame et appartenant à M. Amilcare Ancona, de Milan » (3).

(1) Rev. illustr. du Musée et de la Bibliothèque eucharistique de Parayle-Monial, 1888, p. 182.

(2) Revue de l'art chrét., 1887, p. 344; Bullet. monument, 1887, p. 398; Gaz. arch., 1887, Chronique, p. 10.

(3) Bullet. mon., 1887, p. 577; Rev. de l'art chrét., 1888, p. 92.

7. Dans la collection du comte Morbio, à Milan, j'ai vu douze petites croix en or estampe, de l'époque lombarde (vio-viie siècle), qui ont été découvertes dans des tombeaux à Monza. La feuille est très mince et devait être cousue sur les vêtements ou le suaire. Cinq seulement portent des caractères qui expriment le nom du défunt, soit en abrégé, soit en monogramme. Sur l'une, on lit, au milieu, les lettres C et R croisées ; une autre porte, au centre, un monogramme; une troisième donne, toujours au milieu, les deux lettres E et R; sur la quatrième, le monogramme se décompose ainsi ARV et la cinquième répète le monogramme au milieu et aux extrémités.

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III

Je n'ai que deux documents à citer pour la seconde période. 1. La chronique de Moyenmoutier, dans les Vosges, écrite au X1° siècle et publiée par Pertz dans les Monumenta Germaniæ historica, parle en ces termes (page 91) de la sépulture d'Etienne, évêque de Toul, décédé en 996 : «Sepultus extat a dextris altaris semper virginis et matris Domini Mariæ... Pectori ejus crucicula superposita, disticon abbatis Sicconis inscriptum habens ita :

Hic fuit antistes Leuchorum Stephanus olim,
Idibus et tetra Martis discessit ab arvis.

2. Je regrette que le renseignement suivant ne soit pas plus précis. « Il en est une autre (recluse) nommé Ainenda, que M. Port soupçonna le premier avoir dû être une recluse (Edit. de Péan, p. 322). Or, cette Ainenda, sainte entre toutes les religieuses ses compagnes qui vécurent autrefois dans les dépendances de l'église Saint-Maurille, à Angers, y fut inhumée avec épitaphe inscrite sur une croix de plomb (BALAIN, ms., no 867, page 654, bibl. d'Angers), que l'on découvrit vers [1714 ». (Mém. de la Soc. d'agric. d'Angers, t. XXI, p. 160).

IV

Les monuments abondent pour le xre siècle. En voici huit : Deux inscriptions ne sont pas datées, mais, pour l'une, le per

sonnage est connu et, pour l'autre, les caractères épigraphiques ne laissent pas de doute quant à l'époque.

1. Nous débutons avec la première moitié du xr siècle et par Metz, qui a fourni tant de croix analogues.

« Lorsqu'en 1521, le chapitre agrandit le sanctuaire, on tira du tombeau de Théoderic II des ossements et une croix de plomb sur laquelle était gravée l'inscription suivante : Secundo kalendas maii obiit Theodericus junior, Ecclesie Metensis episcopus. » (1). L'inscription est disposée en quatre groupes, un par bras, de la façon que voici :

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Ce fut ce même évêque, qui, selon la chronique de Jean le Châtelain :

«En l'an de l'Incarnation,

» Environ de mil et vingt ans »,

commença la reconstruction de la cathédrale il mourut en 1046 (2).

(1) Hist. et descript. de la cath. de Metz, par Emile BEGIN, t. I, p. 98. - Cette inscription a été répétée, d'après l'Ami de la religion, no du 26 juillet 1851, par l'abbé Cochet, Bullet. du Comité de la langue, de l'histoire et des arts de la France, 1856, p. 319.

(2) On lit dans le Monde du 20 décembre 1881 : « En creusant le sol du transept de la cathédrale de Metz, les ouvriers ont mis à découvert, sous l'emplacement du lutrin, un sarcophage d'une seule pièce, mais divisé en six compartiments. Chacun de ces compartiments renferme les restes soit d'un évêque, soit d'un chanoine ou d'un autre membre du clergé de la cathédrale.

« On en serait réduit à se demander comment ces dépouilles mortelles ont pu être réunies dans un même sarcophage, si une inscription latine, très lisible, gravée sur une plaque métallique de forme rectangulaire et trouvée sur le sarcophage, ne donnait les explications nécessaires. Il ré

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