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jouir avec bonheur des douleurs de l'adorable victime, se sert d'un fouet au manche armé de nombreuses lanières. L'autre, qui est au second plan, a quelque chose de sauvage dans le visage; il frappe avec des verges.

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III. - Le Portement de la croix. Entre les deux tableaux précédents se trouve celui qui représente le portement de la croix. Jésus-Christ marche le premier, portant sur l'épaule gauche l'instrument de son supplice. Il est suivi par les saintes femmes de Jérusalem, au nombre de six. Celle qui est au premier plan est peut-être sa mère. Elle est profondément inclinée et se voile de son manteau que les deux mains portent jusqu'à la figure. Les autres marchent tout auprès. La douleur est peinte sur tous les visages.

Le panneau qui contient ces trois premières scènes conserve encore la charnière en fer qui l'unissait à la seconde moitié de la statue, qu'on ne possède plus. Celle du Louvre nous montre cel qu'on a perdu avec elle.

Dans le second panneau sont les scènes suivantes :

IV. La Résurrection. - Notre-Seigneur sort triomphant du tombeau. Deux anges, aux ailes déployées, se tiennent près de lui et paraissent l'adorer. An haut de ce tableau on voit une main sortant d'un nuage, symbole fréquemment employé pour représenter la puissance divine.

V. Les Saintes femmes au Sépulcre. Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé arrivent, portant des aromates pour embaumer le corps de Jésus (Saint MARG, XVI). Entrées dans le sépulcre, elles voient un jeune homme assis au côté droit, vêtu d'une robe blanche; elles en sont effrayées. Mais l'auge leur dit « N'ayez point peur. Vous cherchez Jésus de Nazareth qui a été crucifié ; il est ressuscité, il n'est point ici. Voilà le lieu où on l'avait mis. » En effet, il leur montre le tombeau vide, sur le bord duquel il est assis, et d'où il retire le suaire qui y est resté. L'admiration mêlée d'effroi se lit facilement sur la figure des saintes femmes. Un peu au-dessous on voit les soldats que les Juifs avaient mis pour garder le tombeau. Ils sont assis, presque couchés, couverts de leur armure. Celui qui est au premier plan est appuyé de la main gauche, pendant que la droite tient une large épée.

VI. Marie-Madeleine reconnait Notre-Seigneur. - Saint Jean rapporte dans son évangile, au chapitre XX, que Marie-Madeleine, après avoir vu que le corps de Notre-Seigneur n'était plus dans le tombeau, se tenait en dehors, près du sépulcre, et versait des larmes. En se retournant, elle vit Jésus qui était là; mais elle

ne savait pas que ce fut lui, et croyait que c'était le jardinier. Cependant elle le reconnut dès qu'il eut prononcé son nom, et s'approcha pour l'adorer. Mais Jésus lui dit : « Ne songez pas à ine toucher, je ne suis pas encore monté vers mon Père. » C'est bien cette scène qui est admirablement reproduite dans ce sixième tableau. L'expression de Notre-Seigneur, qui relève les mains devant lui en faisant un pas en arrière, traduit avec une rare exactitude le Noli me tangere de l'Evangéliste. Marie-Madeleine, qui se prosterne devant lui, est bien dans ce jardin dont parle saint Jean, car les palmiers de Judée élèvent près d'elle leurs têtes richement sculptées dans l'ivoire.

Au-dessus de ces tableaux, et dans la partie correspondant à la tête de la Vierge, l'artiste a sculpté deux anges richement vêtus, ayant les ailes élevées. Ils lisent ou chantent les louanges de Dieu, dans un livre qu'ils portent des deux mains.

Au bas de ce cartouche si bien rempli, on trouve, d'un côté saint Jean accompagné de l'aigle, et de l'autre saint Luc avec le taureau. Saint Marc et saint Mathieu, les deux autres évangélistes, ont été placés, en face de ces deux, dans la moitié qui nous manque.

La composition de ces diverses scènes est d'une grande simplicité et d'une naïveté charmante. Ce qu'elles ont de remarquable c'est la vérité et l'attitude de chaque personnage. Là surtout est l'intérêt et la valeur de cette sculpture, en même temps que la caractéristique de l'art dont elle est un précieux monument. On admire dans l'art grec cette recherche exclusive de l'harmonie des lignes, cette esthétique un peu abstraite, ces images pour ainsi dire impersonnelles, ne traduisant ni les émotions, ni les passions propres à tel ou tel individu, et ne représentant, en somme, autre chose que l'humanité à divers âges, en diverses conditions, ou à différents degrés de culture. Tout autre est l'art du moyen-âge, qui aime l'analyse et recherche surtout l'expression individuelle. L'homme moral joue ici un grand rôle; et il faut absolument, pour comprendre les inspirations artistiques de ce temps-là, admettre la domination de l'âme sur le corps »> (1).

Le XII siècle, auquel remonte notre ivoire, est l'époque à laquelle la sculpture s'est le plus approchée de la perfection. « Viollet-le-Duc établit, avec une érudition surabondante, que les

(1) M. Louis GUIBERT, Bull. Soc. arch. Lim., XXXVI, 212.

premiers efforts de nos sculpteurs français ne remontent pas plus haut que la fin du xre siècle. Il nous fait alors assister à la formation de cinq grandes écoles nationales :

» 1° L'école rhénane s'inspire de l'art byzantin, tel que Charlemagne l'avait implanté à Aix, et qui s'était déjà notablement défiguré;

» 2o L'école de Toulouse imite les sculptures byzantines;

» 3° L'école de Limoges copie les diptyques;

» 4° L'école provençale puise ses idées dans les nombreux monuments romains qui sont sous ses yeux;

» 5° L'école clunisienne enfin, s'inspire des peintures byzantines, mais elle arrive bientôt à l'originalité (1).

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Les œuvres produites par ces cinq grandes écoles sont encore nombreuses en France. Beaucoup sont conservées comme les plus belles manifestations de notre art national. Parmi elles, 'ivoire de Boubon mérite une place distinguée.

A. LECLER.

(1) L'art chrétien au XIe siècle. Revue de l'Art chrétien, année 1872, p. 24.

INVENTAIRE

DU TESTAMENT DE SAINT YRIEIX

La vie de saint Yrieix a été écrite par saint Grégoire de Tours, qui l'a insérée dans ses Vitæ patrum (1).

Dom Ruinart l'a fait suivre d'une copie de son Testament, empruntée aux archives de saint Martin de Tours: Testamentum sancti Aredii, abbatis Attanensis.

Ce testament a été publié plusieurs fois, entre autres par Dachery et Mabillon (2); la meilleure transcription est celle qui accompagne la vie, parce qu'elle est plus complète que les autres et qu'on l'a ici dans tout son entier : « Nunc primum integrum ex archivio sancti Martini Turonensis » (3).

Dans cette pièce de la fin du vre siècle, remplie de dons de toutes sortes, se trouve un inventaire qui ne doit pas passer inaperçu et qu'il me seinble utile de commenter, ce qui n'a pas encore été fait (4). Pour cela, je lui adjoindrai le glossaire qu'il comporte.

I

1. Quod unusquisque locus sanctus constitutus ib habeat ministerium declaratum, rectum duximus inserendum :

2. Id est turres quatuor.

(1) Patrologie de Migne. t. LXXI, col. 1119-1150.

(2) Vet. Analect., t. II, p. 57-58.

(3) Cette source donnerait là quelque soupçon de non authenticité, car il en est sorti une pièce fausse, le testament de S. Perpet, fabriqué au XVIIe siècle.

(4) Du Cange en a fait de nombreux extraits.

3. Cooperturiolos holosericos tres.

4. Calices argenteos quatuor. Duo sunt ansati, comparati solidis tricenis. Nam ille medianus, præ auro fabricatus, valet solidos tricenos et ille quartus valet solidos tredecim (1).

5. Patenam argenteam, valentem solidos septuagenos duos.

6. Coopertoria holoserica quatuor: unus valet solidos tricenos, alius solidis sexdecim, tertius solidis quindecim, quartus solidis quadragenis quinis. Duo ex ipsis auro sunt fabricati.

7. Item coopertorium lineum ornatum, valens solidis quatuor.

8. Pallas corporales quatuor.

9. Coopertorios holosericos tres, minores quinque.

10. Et pallas, tribunalia (al. tribunæ) (2) in basilica, valentia solidis duodecim et alia quotidiana valentia solidis sex et alia quotidiana, quæ sunt ante altare, valentia solidis quinque.

11. Vela ornata, de ostio majore, valentia solidos tres.

12. Alia vela de ipso ostio, valentia solidos tres.

13. Item velum ad ostium minus, valens solidos duo.

14. Item velum pictum, valens solidos quinque.

15. Similiter in oratorio sancti Hilarii, coronam cum cruce argentea deaurata, cum gemmis pretiosis, plena reliquiis sanctorum domnorum, et suo ornatu, valentem ad æstimationem solidos centum, habens corona illa in se pendentia folia ex auro et gemmis facta numero octo; et in illa cruce similes factæ duæ et mimitatæ gemma grande circumcirca auro et subtus crucicula ex auro et gemmulenas octo.

16. Pallam holosericam cum suo ornatu, valentem solidos duodecim. 17. Item pallam super altariolo sancti Hilarii, linitam auro et margaritis fabricatam, valentem solidos triginta.

18. Velola per ipsius oratorii parietes tria, holoserico ornata, valentia solidos octo.

19. Item pallam super altario domno Hilario (3), quotidianam, valentem solidos duo.

20. Item velum in domo (4) Hilarii dramioserico, valens solidos quadraginta.

21. Item in domno Maximino velola tria; ante altare unum vermiculum, valentem solidos duo et illa alia duo valentia solidos tres.

23. Et item pallam vermiculam in domno Juliano, valentem solidum

unum.

(1) La variante de Mabillon serait considérable : « comparatis solidis XXX, alius solidis XVI, tertius solidis XV, quartus solidis XLV duo ex ipsis auro sunt fabricati »; dans Dom Ruinart, elle se rapporterait aux coopertoria.

(2) Mabillon a lu tribuna. La vraie leçon doit être pallas tribunce.

(3) Ici le datif est employé au lieu du génitif, comme au martyrium de Poitiers MEMORIA MELLEBAUDI ABBATI.

(4) Les nos 49, 21, 22, 23, 24, permettent de restituer sûrement domno, in domo étant ici isolé.

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