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contre les vagues orageuses de la Méditerranée, contre les poisons et les poignards de la malveillance, le défendra contre les foudres lancées par le char incendiaire. »

Plus loin l'abbé Vitrac fait l'éloge du zèle que le premier consul a montré pour la religion, de la protection qu'il a accordée aux ecclésiastiques émigrés, de la vénération qu'il a témoignée au souverain pontife Pie VI et à son successeur; mais nous ne voulons pas abuser des citations.

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X. Le préfet de la Haute-Vienne, M. Texier-Olivier, qui, dès sa première entrevue avec l'abbé Vitrac, avait su apprécier ses talents, voulut les rendre utiles au public. Il l'engagea à se charger de la rédaction du Journal de la Haute-Vienne. « Mais les nouveaux principes qui, pendant la Révolution, avaient germé dans le champ de la morale publique comme dans celui de la morale privée, ne convenaient plus à la gravité de son état. Sentant, d'un côté, qu'il ne pouvait se prêter au goût qui avait prévalu, et de l'autre qu'il aurait vainement tenté de lutter contre les passions qui favorisaient ce goût dominant, il ne tarda pas à se démettre d'un emploi qui aurait pu compromettre sa délicatesse (1). »

Mais un poste plus élevé dans la hiérarchie ecclésiastique que ceux qu'il avait occupés précédemment était réservé à l'abbé Vitrac. La paroisse de Saint-Michel étant devenue vacante par le décès du vénérable abbé Martin (16 janvier 1803), la voix publique désigna comme son successeur l'ancien curé de Montjauvy. Au reste, la nouvelle administration diocésaine devait une récompense aux talents et aux vertus de l'abbé Vitrac ; cette récompense ne lui fit pas défaut.

XI. Par ordonnance épiscopale du 3 pluviose an XI (23 janvier 1803), Mgr Dubourg le nomma à la cure de Saint-Michel, qui était, sinon la plus élevée au point de vue hiérarchique, du moins la plus populeuse et la plus considérable du diocèse. Le second dimanche après Pâques, 4 floréal an XI (24 avril 1803), l'abbé Vitrac prit possession solennellement de sa nouvelle paroisse, après avoir prêté serment de fidélité au gouvernement dans la cathédrale, avec les curés de canton de la Haute-Vienne. Dans cette cérémonie de la prestation de serment, M. de Montbrial, vicaire-général de Limoges, adressa au citoyen préfet un

(1) Calendrier ecclésiastique de 1806, p. 65, 66.

très beau discours sur l'autorité suprême du souverain pontife et sur l'obéissance qu'on doit aux gouvernements établis. Ce discours a été imprimé. En faisant allusion à l'époque désastreuse qu'on venait de traverser, l'orateur disait : « Au nom de la liberté, on enchaîne; au nom de l'égalité, on domine; au nom de la tolérance, on persécute; au nom de l'humanité, on assassine; au nom de l'Etre-Suprême, on exile Dieu de la nature; en un mot, au nom sacré de la loi, on viole toutes les lois divines et humaines. »

Deux des frères de l'abbé Vitrac furent réintégrés dans leurs anciennes paroisses; son frère puîné, qui s'appelait aussi JeanBaptiste, reprit possession de son presbytère de Saint-Sylvestre; Léonard, le quatrième frère, rentra, comme curé, dans la paroisse de Saint-Martin-le-Vieux.

Le ministère pastoral, à cette époque, offrait des difficultés de toute sorte; il fallait relever les ruines qu'avait faites la révolution. L'abbé Vitrac s'occupa avec zèle et dévouement du nombreux troupeau confié à ses soins. Tout entier à son ministère pastoral, il mesura toute l'étendue de ses devoirs avec les yeux de la foi, et se pénétra de l'esprit avec lequel il devait s'en acquitter; il en remplit les fonctions avec une activité admirable. Son église de Saint-Michel devint sa demeure habituelle. C'est là qu'étaient sûres de le trouver, partagé entre la prière et les fonctions de sa charge pastorale, les personnes qui avaient besoin de son ministère. C'est là qu'il s'occupait avec soin de réparer les désastres que le vandalisme révolutionnaire avait causés dans la maison de Dieu. Pour orner son église délabrée, il obtint de M. Texier-Olivier un tableau - Les disciples d'Emmaüs - qu'il avait trouvé dans les greniers de la préfecture, et qu'il nettoya, nous a-t-on dit, de ses propres mains.

Persuadé que, de toutes les formes d'instruction, la plus utile pour les fidèles est celle qui consiste dans l'explication simple et familière des vérités de l'évangile, il ne négligea rien pour en maintenir l'antique usage et pour en donner l'exemple. Plein de désintéressement, il se regardait non comme le propriétaire, mais comme le dispensateur des revenus de l'Eglise, et il donnait d'une main ce qu'il recevait de l'autre. Aussi trouva-t-il dans la confiance qu'il avait inspirée à cet égard des ressources abondantes pour satisfaire aux besoins d'un grand nombre de malheureux qui réclamaient son secours. Il ne voyait dans les ministres inférieurs associés à ses fonctions que des coopérateurs auxquels il devait les encouragements d'un chef et les conseils. d'un père. En les excitant au devoir, il tenait à maintenir leurs

droits. De là cette confiance réciproque, cette union édifiante qui régnèrent constamment dans ce nombreux presbytère (1).

Nous possédons deux sermons manuscrits qu'il a composés dans cette dernière période de sa vie 1° le panégyrique de saint Michel, patron de sa paroisse, qu'il prononça le 29 septembre 1803; 2° l'Eloge de l'Institut des Filles de la Charité, prononcé à la fête de saint Vincent de Paul, au mois de juillet 1804.

Mais le nouveau curé de Saint-Michel ne devait pas occuper longtemps le poste considérable auquel il avait été appelé par la confiance de ses supérieurs. La providence ne fit, pour ainsi dire, que le montrer à son nombreux troupeau. Il mourut dans une maison située près du Portail-Imbert, deux ans après sa prise de possession, le 27 avril 1805, à sept heures du matin, dans sa soixante-sixième année (2).

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XII. Le deuil général qu'excita sa mort, les honneurs funèbres qui lui furent rendus par le concours de citoyens de toutes les classes de la société, ces démonstrations extérieures de la douleur publique prouvent combien il était aimé, et quel empire il avait pris sur les cœurs par sa charité, son dévouement et son zèle. A la cérémonie de ses funérailles, le lundi 29 avril 1805, l'abbé Desisles, ancien professeur au Collège royal, fit l'éloge funèbre du pasteur si regretté: multis ille bonis flebilis occidit.

Il fut inhumé dans le cimetière de la paroisse, dit cimetière des Arènes, près d'une petite chapelle, aujourd'hui démolie, que le vulgaire appelait Notre-Dame-des-Paresseuses. Ce champ de repos n'a pas été respecté; il a été remplacé par un champ de foire, et les ossements de l'abbé Vitrac, transportés avec les autres à Louyat, gisent dispersés et inconnus dans quelque recoin obscur du cimetière. Et il ne reste qu'un souvenir presque effacé du professeur émérite, de l'écrivain élégant, de l'orateur distingué, du confesseur de la foi, du zélé pasteur, du patriote limousin qui s'efforça de remettre en honneur quelques-unes des anciennes gloires de la province.

(1) Calendrier ecclésiastique de 1806, p, 67.

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(2) L'abbé LEGROS, Pouillé ms., t. II, p. 416. Recherches historiques sur l'église de Saint-Michel-des-Lions, 1811, p. 68. - Registres de l'état civil, 7 floréal an XIII.

T. XXXVI.

2

Citons, en terminant, l'acte de décès de l'abbé Vitrac, que nous avons transcrit à la Mairie : « L'ar. XIII de la République et le 7 jour du mois de floréal, J.-B. Vitrac aîné, prêtre, curé de Saint-Michel-des-Lions, âgé de 65 ans, né à Limoges, y demeurant, près le portail Imbert, fils de feu Léonard Vitrac et de feue Catherine Penot, décédé ce matin à 7 heures.

» Témoins J.-B. Paulin Bouriaud, professeur, rue MontantManigne, âgé de 32 ans; Hyacinthe Dalesme, imprimeur, âgé de 34 ans, rue Fourie, neveu au décédé ».

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Nous avons de lui les ouvrages suivants :

1o Eloge de Marc-Antoine Muret, orateur des papes et citoyen romain, prononcé le 23 août 1774, par l'abbé Vitrac, professeur d'humanités. Limoges, Martial Barbou, 1774, in 8°.

Cet éloge est dédié à M. Jacques Pétiniaud, ancien juge de Bourse, échevin de la ville de Limoges.

L'abbé Vitrac a mis en tête de ce discours une gravure représentant un ecclésiastique, et, au bas du portrait, une inscription en caractères romains qu'il a ajoutée à la gravure MARCVS ANTONIVS MVRETVs. Or ce n'est point là un portrait de Muret si l'abbé Vitrac avait eu l'attention de lire l'inscription en petits caractères italiques qui se trouve au bas de la gravure, il aurait vu ces mots J. Hainzelman ad vivum del. et sc. a Paris 1681: J. Hainzelman a dessiné et gravé [ce portrait] d'après nature, à Paris, en 1681. Ce portrait est donc celui d'un ecclésiastique postérieur d'un siècle à Muret, et probablement de quelque membre de la famille Muret, que l'abbé Vitrac aura confondu avec MarcAntoine. Disons en passant que cette gravure, dont nous possédons le cuivre, manque dans la collection des gravures d'Hainzelman que possède la Bibliothèque nationale.

2o Eloge de Jean Dorat, poète et interprête du roi, prononcé le 20 août 1775, par M. l'abbé Vitrac, professeur d'humanités. Limoges, Martial Barbou, 1775, avec un portrait de Dorat; in-8° de 62 pages.

Ce discours est dédié « à M. Dorat, chevalier, ci-devant mousquetaire du roi dans la première compagnie », dont l'abbé Vitrac vante la «< muse si facile, si élégante, si ingénieuse et si sublime ».

Ce Mécène est le poète Dorat, surnommé « le poète des Grâces ». L'abbé Vitrac aurait pu mieux choisir.

Dans un livre de comptes du collège de Limoges, de l'an 1776, on trouve cette note : « payé 16 livres pour étrennes au garçon imprimeur et cent estampes de Dorat (1) » ;

3° Eloge de Baluze, prononcé le 22 août 1777, avec portrait du savant limousin. Limoges, Martial Barbou, 1777, in-8°.

Cet éloge est dédié à Mgr J.-B. Nic. d'Aisne, intendant de justice, police et finances en la généralité de Limoges.

Dans un livre de comptes du collège de Limoges, de 1778, on lit cette note: Payé « au vendeur d'ymages, 105 portraits de Baluze, pour joindre au discours des prix, 15 livres (2);

4o Traité élémentaire de l'apologue et de la narration, à l'usage de MM. les humanistes du Collège royal de Limoges. - Limoges, Pierre Chapoulaud, 1777, petit in-8° de 124 pages.

Cet ouvrage est dédié à MM. les professeurs du Collège royal de Limoges.

5° Eloge de Grégoire X1, prononcé le 21 août 1779, par M. l'abbé Vitrac, sous-principal, associé des Académies de Montauban et de Clermont-Ferrand, avec portrait du pape. - Limoges, Martial Barbou, 1779, in-8° de 64 pages.

Dans un livre de comptes du collège de Limoges, de 1779, on lit la note suivante: « payé 15 livres pour le portrait de Grégoire XI (3).

Ce discours est dédié à Mgr d'Argentré, évêque de Limoges, et l'abbé Vitrac ne lui ménage pas les compliments. « Les traits de ressemblance entre ce vertueux pontife et vous sont si fortement prononcés, qu'il est impossible de ne pas les saisir. Le parallèle serait très facile à faire. Mais vous me défendés de l'entreprendre. J'obéis. Je ne dissimule pourtant pas qu'il en coûte à mon cœur. J'aurais vivement désiré que vous fussiez moins modeste. Ce qui me console, c'est que tous ceux qui liront la faible production dont je vous fais hommage, et qui connaîtront votre naissance, votre esprit et votre cœur, s'apercevront aisément que de Beaufort vit en d'Argentré. On ne cessera de vous comparer à Grégoire XI que lorsqu'on verra qu'il fut peu aimé des Italiens. Vous êtes universellement révéré, chéri, adoré dans le vaste diocèse que vous gouvernés avec tant de sagesse ».

(1) A. LEROUX, Inventaire sommaire des Archives départementales série D, (fonds du Collège), p. 99, 1re col.

(2) Ibid., p. 99, 2o col.

(3) Ibid., p. 100, 1re col.

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