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même série, on ne trouve plus, en effet, après que le n° D. 392, L'Amour divin vainqueur de l'Amour profane, que nous avons soigneusement étudié. Si ce dernier, malgré sa signature, est relégué à la fin du groupe et passe même après les deux pièces ci-dessus. qui sont fort douteuses, nous voyons là une preuve de plus des hésitations qu'a dû ressentir M. Darcel à réunir l'Amour divin aux productions certaines de Jean I Limosin et une sorte de pressentiment. de la distinction qu'il y aurait lieu d'établir un jour.

Nous ferons observer, en terminant, que la fleur de lis n'accómpagne la signature ou la marque d'aucune des œuvres de Jean I, au Louvre, tandis qu'on la voit dans le sigle de Jean II, et que presque toutes les pièces de ce dernier que nous avons examinées ci-dessus la portent aussi (du moins la trouve-t-on sans exception sur toutes celles dont l'attribution est certaine). Jean II Limosin a donc été émailleur du roi, ce dont fait foi l'inscription de la girouette de 1619. Jean I avait dû cependant posséder aussi ce même titre, car l'émail exposé à Limoges en 1886 par M. le chanoine Arbellot, Notre-Dame-de-Pitié, qui était sûrement son travail, portait entre l'I et I'L de la signature, une fleur de lis dont nous avons déjà parlé. Peut-être n'aurait-il adopté cette marque ou obtenu cette distinction qu'à la fin de sa carrière?

Nous n'avons plus, pensons-nous, qu'à répondre d'avance à une objection que l'on pourra peut-être nous adresser. Pourquoi, dira-t-on, troubler l'ancienne classification en cherchant un artiste nouveau? N'est-il pas plus simple de supposer que le Jean Limosin auquel on a attribué jusqu'ici tous les ouvrages ci-dessus ou ceux qui leur sont analogues a eu deux manières ?

Non, le Jean Limosin auteur de la série de travaux analogues aux grandes pièces du Louvre et à l'émail de M. le chanoine Arbellot, ne peut pas être aussi l'auteur des émaux de M. Davoust et de ceux qui se groupent autour de ces pièces typiques. Il n'est pas admissible, en effet, qu'un émailleur de talent qui aurait passé la majeure partie de sa vie à produire des œuvres si conformes entr' elles et qui offrent un tel aspect sévère, sombre et triste, modifie subitement sa manière dans son extrême vieillesse (car les émaux de M. Davoust ne peuvent être antérieurs à 1623) pour arriver à produire ces charmants ouvrages à l'air pour ainsi dire jeune, gai et éclatant, d'une facture très précieuse, beaucoup plus délicate que celle des grands travaux faits jusque là. Nous le répétons, cette hypothèse est absolument inadmissible, étant donné le caractère des deux séries d'ou

vrages. D'ailleurs, les documents écrits sont positifs et tout en notre faveur: un premier Jean Limosin, émailleur, meurt de 1602 à 1610, c'est notre Jean I; un second Jean Limosin, également émailleur et probablement fils du précédent, existe à cette dernière date et survit peut-être encore en 1646: c'est notre Jean II.

Louis BOURDERY.

ÉTUDE

HISTORIQUE ET BIBLIOGRAPHIQUE

SUR

GEOFFROY DE VIGEOIS

CHAPITRE PREMIER

Biographie de Geoffroy.

Nous n'avons sur Geoffroy de Vigeois d'autres détails biographiques que ceux qu'on trouve, épars çà et là, dans la chronique dont il est l'auteur.

Geoffroy de Vigeois, ainsi nommé parce qu'il fut prieur de Vigeois (aujourd'hui Corrèze), monastère qui dépendait de l'abbaye de Saint-Martial, - s'appelait de son nom de famille. Geoffroy du Breuil (Gaufre de Bruil) (1).

Il était né vers l'an 1140, dans le village de Sainte-Marie de Clermont (aujourd'hui commune de Clermont, canton d'Excideuil, département de la Dordogne). A cette époque, Excideuil appartenait au vicomte de Limoges et faisait partie du Limousin.

Geoffroy était d'une famille noble et comptait dans sa parentė des personnages de distinction. Son père s'appelait comme lui Geoffroy du Breuil, et son aïeul paternel, Aymar du Breuil, avait

(1) Chronicon Bernardi Iteri, édit. DUPLĖS-AGIER; Chroniques de Saint-Martial de Limoges, p. 61.

épousé Euphémie, sœur de Peis Bernard Ramnoux, surnommé Lopix, qui était du château d'Excideuil (1).

Sa mère, Lucie Marchès, appartenait, elle aussi, à une famille noble et distinguée; elle était fille de Bernard Marchès, et d'une sœur de Guy et d'Alduin, seigneurs de Noblac (2), lesquels avaient eux-mêmes pour oncles Guy, Gérald et Gouffier de Lastours (3). Il avait un frère, nommé Adémar, qui était chevalier, et qui mourut le 22 juillet 1173 (4).

L'an 1152, lorsque Ebles de Turenne, abbé de Tulle, mourut subitement à Limoges, où il était venu pour le synode, Geoffroy était petit enfant à l'école du monastère de Saint-Martial: Ego Gaufredus eram tunc præsens puerulus in schola (5); ce qui nous fait supposer qu'il était né vers 1140 ou 1142.

Il était encore dans le monastère de Saint-Martial en 1158. Cette année, au temps pascal, Pierre, abbé de Saint-Martial, Gérald, évêque de Limoges, Pierre, abbé de Saint-Augustin, Martin, prieur de Vigeois, revinrent de Rome. « Nous les reçumes, dit le chroniqueur, solennellement (festivè), en chantant le répons: Isti sunt agni novelli, etc. (6).

L'an 1160, dans l'octave de l'Ascension (12 mai), Geoffroy reçut la bénédiction monacale avec Grégoire de Vigeois, des mains de Pierre, abbé de Saint-Martial, ancien prieur de Cluny. Ce jour-là, le monastère était en fête. On y recevait avec grande pompe Thibaud de Blois, frère de Henri (7), qui revenait du pélerinage de Saint-Jacques de Compostelle, et l'on chantait à la procession le répons suivant: O quam gloriosus est miles sanctus Martialis (8)! <«< Oh! que saint Martial est un glorieux chevalier! »

(1) Chronica Gaufredi, ap. LABBE, Nova Bibliotheca mss. libror, t. II, p. 313.

(2) Et non pas « seigneurs de Noailles », comme le dit dom Brial dans l'Histoire littéraire de la France, t. XIV, p. 337.

- C'est à tort que dom

(3) Chronica Gaufredi, ap. LABBE, t. II, p. 318. (4) GAUFRED. VOSIENS., ap. LABBE, t. II, p. 320. Brial donne à ce frère de Geoflroy le nom d'Aimeri. (Hist. littéraire, t. XIV, p. 337).

(5) Id., ibid., p. 307.

(6) Id., ibid.

(7) Thibaud, Ve du nom, huitième comte de Blois, fils de Thibaud-leGrand, eut en partage le comté de Blois en 1159. Il avait pour frère Henri I, neuvième comte de Champagne, et une de ses sœurs, Adèle, épousa, en novembre 1160, le roi de France Louis VII, dit le Jeune. (Art de vérifier les dates Comtes de Champagne et de Blois, édit. 1750, p. 628). (8) Chronica Gaufredi, cap. LVIII, ap. LABBE, t. II, p. 344.

L'an 1161, il assista à la procession solennelle des reliques qui eut lieu le 25 juillet, à l'occasion de la construction récente de la nouvelle église de Sainte-Valérie, à Limoges. On avait commencé, l'année précédente, à bâtir cette église sur l'emplacement où la tradition plaçait le martyre de sainte Valérie (1). « J'étais présent à cette cérémonie, dit Geoffroy, et je ne saurais dire l'affluence des fidèles de tout sexe et de toute condition qui y étaient accourus, la grande quantité (immensitas) d'offrandes qu'on y fit, les ornements qu'on y porta, l'encens qu'on y brûla pour donner de l'éclat à cette procession (2).

L'an 1168, il était au couvent de La Souterraine, quand sa mère Lucie Marchés, mourut, le dimanche de la Quadragésime (17 février) à Clermont d'Excideuil (3). Cette année, la fête de Pâques était célébrée le 31 mars.

Cette même année 1168, la veille de la fête de saint Mathieu (20 septembre), il fut ordonné prêtre à Bénévent (Marche limousine) (4) par Gérard, évêque de Cahors, qui fut inhumé dans le monastère de Grandmont (5).

L'an 1174, le jour de la fête de saint Pardoux (6 octobre), il assista, avec plus de cent moines revêtus d'aubes, à la procession solennelle qui eut lieu à l'occasion de l'élection d'Izambert, abbé de saint Martial (6).

Cette même année 1174, le jour de saint Luc (18 octobre), A. (Aimeric), élu abbé de Moyssac, reçut en ville (à la cathédrale) la bénédiction de Pierre, évêque de Périgueux (7), et il vint à SaintMartial rejoindre la procession solennelle à la porte du Lion. «< Ce même jour, ajoute Geoffroy, je récitai à table la leçon des gestes des Machabées (8). »

L'an 1178, le 14 des calendes de juillet, qui était un dimanche (18 juin), dom Martin, prieur de Vigeois, mourut à Limoges.

(1) Chronique de Bernard Itier, édit. DUPLÈS-AGIER, p. 56.
(2) GAUFRED. VOSIENS., cap. LXII, ap. LABBE, t. II, p. 345.
(3) GAUFRED. VOSIENS, cap. LXV, ap. LABBE, t. II, p. 318.

(4) Dom Brial n'est pas exact quand il dit : « dans l'église de Bénévent, à deux lieues de Limoges. » (Hist. Littéraire, t. XIV, p. 337). Il faudrait dire « à neuf lieues (anciennes) de Limoges ».

(5) Chronica Gaufredi, cap. LXVI, ap. LABBE, t. II, p. 317.

(6) GAUFRED. VosIENS, cap. LXIX, ap. LABBE, t. II, p. 324.

(7) Les savants auteurs du Gallia christiana ont omis ce détail dans l'article qu'ils ont consacré à Pierre II (Minet), évêque de Périgueux. (Gallia christ., t. II, col. 1469).

(8) GAUFRED VOSIENS, ap. LABBE, t. II,

p. 321.

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