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no 61 et 62 en particulier, ce dernier représentant Notre-Dame-dePitié, à M. le chanoine Arbellot. Dans l'autre part figurent les émaux des collections Davoust et de Noury d'Orléans, le no D. 392 du Louvre et quelques travaux en nombre encore assez restreint. Les pièces que nous venons de désigner spécialement sont signées et on peut les dire en toute assurance d'un Jean Limosin. C'est donc sur des bases certaines que porte notre division (1).

Elle est motivée par le style et l'aspect bien tranché des deux catégories d'émaux. La première dénote, à peu de différence près, les tendances de Suzanne Court et de son école : l'affaiblissement, presque l'abandon du style large et simple de la grande époque, le goût du brillanté, des recherches mesquines, des colorations translucides mais sombres et monotones, des blancs traités avec habileté et par la bonne méthode, mais très légèrement et comme avec timidité. La main qui a produit ces travaux manque de hardiesse et leur imprime un aspect en quelque sorte triste et petit. Aucune des pièces de cette série, ne peut remonter, par son caractère artistique, ou une date quelconque, loin au-delà de l'année 1597 environ, ni se rapprocher de nous en deçà de l'année 1610. C'est bien en remontant au-delà de cette dernière date, dans un laps de temps de quinze à vingt ans que peuvent avoir été produites toutes les oeuvres que nous venons de signaler. La deuxième catégorie de pièces présente au contraire de suite une sorte de renouveau dans l'art de l'émail, au commencement du xvIIe siècle, le rajeunissement des produits d'un atelier qui semblait voué à une chûte prochaine. L'émailleur reprend solidement les modelés en blanc, sans abandonner le paillon, il renonce à ces types de tête aigus, à cette sécheresse dans la touche; ses travaux sont gras, éclatants et fins. Si son dessin est tout autre que celui du précédent, il faut avouer qu'il n'est guère meilleur ; mais il est de son temps et somme toute, cet artiste qui a su allier l'aspect corsé des productions du XVIe siècle à l'éclat et à la finesse de ce que l'âge suivant a fourni de plus charmant en ce genre, occupe à peu près le premier rang parmi ceux du second quart du xvne siècle. Si l'aspect de ses travaux nous reporte raisonnablement à cette époque, les hésita

(1) En partant de données précises et en procédant, pour ainsi dire, scientifiquement, nous pourrons établir une classification sûre, comme nons l'avons fait dans nos Émaux peints à l'Exposition rétrospective de Limoges en 1886, pour les Laudin, où nous avons pu reconnaître notamment la manière propre des deux Jacques Laudin à l'aide de pièces qui, par leurs signatures et leurs dates, se rapportaient rigoureusement à chacun de ces deux émailleurs.

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tions que l'on pourrait ressentir à cet égard disparaissent dès qu'on examine les sujets que nous avons indiqués comme lui étant dus. Les émaux de M. Emile Davoust, d'Orléans, représentent, en effet, les saints Ignace et François-Xaxier, avec les attributs de la sainteté. Ils ont donc été exécutés postérieurement aux années 1621 et 1622, dates des canonisations de ces deux saints, mais probablement presque aussitôt après, puisque les Jésuites, dont le collège était très florissant alors à Limoges, donnèrent de grandes fêtes en 1623 en l'honneur de leurs saints patrons.

Dans ces conditions, il nous semble fort admissible que la première série de travaux puisse être attribuée au Jean II Limosin, de MM. Labarte et Darcel, qui serait né vers 1561 ou antérieurement, mais que nous supposons mort avant 1610, tandis que ces auteurs le font vivre jusqu'en 1646. Ainsi s'explique que parmi tous les émaux dont nous nous occupons ici, on ne trouve aucune pièce portint le cachet du plein xvi° siècle ou pouvant dater de 1610 et en deçà. Les dates et l'aspect concordent, et nous savons par les documents qu'un Jean Limosin, émailleur, était mort de 1602 à 1610. Au lieu du titre de Jean II que lui donnent les autres auteurs, nous le nommons Jean I Limosin, puisqu'il paraît avoir été réellement le premier émailleur de ce nom. Si nous avons trouvé un nom d'émailleur pour lequel on pouvait revendiquer sans difficulté la première série des pièces, nous pouvons, avec la même probabilité, mettre un nom en tête des ouvrages de la seconde catégorie; ce sera toujours celui du Jean II de MM. Labarte et Darcel, mais chez lequel nous reconnaissons deux personnages distincts,

, comme nous avons trouvé deux séries nettement différentes parmi ses travaux. Étant admis que la mention de décès d'un Jean Limosin, émailleur, indiquée en 1610, peut s'appliquer tout aussi bien, beaucoup mieux même au précédent né avant 1561, qu'à son père, né avant 1528, les dates certaines de 1610, 1619, 1622 et probablement 1646, s'appliquent forcément à un autre Jean Limosin que nous appelons Jean II et qui n'est pas le Jean III des auteurs précités. Ce dernier, indiqué en 1678 ou 1679, est, en effet, hors de cause; il conserve son rang dans tous les cas et on ne connait jusqu'ici aucun émail de lui.

En somme, les auteurs précédents n'admettent que trois Jean Limosin, dont le premier (Jean I) n'a pas été émailleur; dont le deuxième (Jean II) a tout produit sans distinction, et dont le troisième (Jean III) ne nous a légué aucun ouvrage. Au contraire, nous reconnaissons l'existence de quatre Jean Limosin, dont le premier n'a pas été émailleur; dont le second (Jean I) a produit, de 1580 ou 1590 à 1610 environ, la plus grande partie des émaux

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portant les initiales ou la signature communes; dont le troisième (Jean II) est l'auteur des émaux compris entre la date de 1610 il pouvait aussi avoir produit antérieurement) et l'année 1646; et dont le quatrième (Jean III) ne nous a légué aucun ouvrage. Nous refusons d'admettre parmi les émailleurs le premier Jean Limosin, et nous dédoublons le second, sans toucher au troisième.

Il était nécessaire d'établir nettement le classement que nous adoptons pour les divers Jean Limosin, afin de faire cesser toute confusion dans les attributions et de bien identifier nos émailleurs avec ceux des autres auteurs ou de les en distinguer positivement. Nous aborderons sans tarder davantage l'étude des émaux que nous pouvons indiquer d'une façon certaine comme l'oeuvre de Jean II Limosin, puisque c'est la découverte de ces pièces qui motive ce travail, et nous examinerons ensuite sa manière comparée à celle de Jean I, dont nous apprécierons en dernier lieu les ouvrages principaux. Nous n'aurons rien à ajouter à la citation relative à Jean III qui a été faite au début, puisqu'aucun de ses émaux n'est connu, si tant est qu'il en ait produit et que nous ne voyons même aucune pièce susceptible de lui être attribuée.

Au cours de nos recherches sur l'émaillerie et en feuilletant récemment l'intéressante Revue sur l'Exposition rétrospective d'Orléans en 1876, par M. le docteur Patay, nous fùmes subitement frappé de l'importance que pouvait présenter l'étude des nos 1583 et 1584, sur cette simple citation de la brochure (1):

«< De Jean Limosin, neveu de Léonard, nous mentionnerons deux plaques saint François Xavier et saint Ignace (nos 1583 et 1584, M. Davoust), signées des initiales IL, surmontées d'une fleur de lys »> (2).

(1) Revue sur l'Exposition rétrospective d'Orléans en 1876, par M. le docteur Patay, page 51. Orléans, Herluison, 1877, in-8°.

(2) Le Catalogue de cette Exposition ne porte que cette simple énonciation: a M. Davoust, Orléans. 4583. Saint François Xavier, émail. — 1584. Saint Ignace, émail. » Nous ne pouvons nous empêcher de dire ici combien il est déplorable que l'on n'attache pas plus d'importance à la rédaction des Catalogues d'Expositions rétrospectives. Sans la revue de M. le docteur Patay, l'indication du Catalogue ne pouvait nullement attirer l'attention sur les émaux de M. Davoust. Quand se décidera-t-on à faire ces travaux sérieusement et à donner les indications élémentaires indispensables pour qu'après la durée éphémère de l'exhibition, le Catalogue puisse être utile aux travailleurs? Il n'y a pas besoin de spécialistes pour

Comme nous l'avons dit plus haut, ces émaux ne pouvaient avoir été exécutés qu'après les années 1621 et 1622; ils n'étaient donc sûrement pas l'œuvre du Jean Limosin mort de 1602 à 1610. Or, c'est à ce dernier que nous attribuions naturellement tous les travaux déjà connus et marqués d'un sigle semblable à celui que nous révélait le compte-rendu de l'Exposition d'Orléans. Les émaux de M. Davoust étaient-ils analogues d'aspect à ce que nous connaissions déjà et allaient-ils ajouter par leur date un élément nouveau de confusion à l'amoncèlement des travaux mis à la charge d'un seul artiste, en élargissant réellement d'une vingtaine d'années le cadre dans lequel s'inscrivaient pêle-mêle toutes les productions sous le nom d'un même Jean Limosin? ou au contraire, confirmeraient-ils, par leur caractère bien tranché, l'hypothèse dans laquelle nous avions toujours supposé qu'après 1610 ce n'était plus ce premier émailleur qui avait produit, mais un homonyme, peut-être son fils? La signature et la date implicite des pièces permettant de trancher définitivement la question, nous résolùmes d'en obtenir l'examen de visu, et grâce au bienveillant intermédiaire d'un ami commun, M. Léon Dumuys (1), M. Emile Davoust, propriétaire des deux émaux, Saint Ignace et Saint François Xavier, faisant preuve d'une obligeante et confiante générosité dont nous ne saurions assez le remercier, nous adressait de suite à Limoges les deux précieuses pièces, nous autorisant, de la façon la plus gracieuse, à les étudier à loisir.

Voici les notes prises sur les émaux eux-mêmes.

cela, et chacun peut donner les dimensions précises d'une pièce, une description sommaire du sujet, le relevé scrupuleux des marques, signatures, dates et inscriptions, dire si elle est exécutée en grisaille ou en émaux de couleur, s'il s'agit d'une plaque, d'un bénitier, d'une coupe, d'un vase, etc., etc. Quelle source de fructueuses recherches on trouverait alors dans les livrets des nombreuses Expositions rétrospectives qui se sont faites depuis quelques années! Question de clocher à part, le Catalogue de l'Exposition rétrospective de Limoges en 1886 n'est-il pas infiniment précieux à cet égard ?

(1) Secrétaire de la Société archéologique d'Orléans et attaché à la conservation du Musée historique de cette ville.

COLLECTION DE M. ÉMILE DAVOUST

A Orléans et au château de Chartraine, par la Ferté-Saint-Aubin (Loiret)

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Plaque rectangulaire en émaux de couleur sur fond noir, rehauts d'or, paillons. — Hauteur, 0,098; largeur, 0,071. (Exposition rétrospective d'Orléans en 1876, no 1584.) (1).

Sur un ovale occupant à peu près le milieu de la plaque est représenté le saint en buste, vu de trois quarts à droite. Une auréole d'or rayonnante entoure sa tête; ses yeux sont levés au ciel; il porte les cheveux, la moustache et la barbe courts, le front est chauve, la figure assez jeune. Il est vêtu d'une soutane et d'un manteau noirs laissant voir un col de chemise blanc. Le fond de l'ovale est bleu sur paillon d'argent, semé de petites étoiles d'or à huit pointes, très rapprochées et posées régulièrement à gauche sur quatre et à droite sur cinq rangs, en échiquier, et suivant la courbe de l'ovale, qui est délimitée sur le fond par un trait d'or. - Une bande blanche de trois millimètres de largeur, coupée en haut et en bas, par l'ornementation, entoure l'ovale; elle est cernée près du bord intérieur, par un trait brun-rougeâtre formant une sorte de cordelière. On lit du côté gauche de cette bande, à hauteur de l'épaule du saint, en lettres capitales ornées, analogues à celles du XVIe siècle, S. IGNATII, et du côté opposé LOIOLE (effigies). Au-dessus et au-dessous, rinceaux fleuris, en brun-rougeâtre, ainsi que l'inscription. L'ovale est appuyé, en bas, sur un large soubassement à moulures carrées, en brun et turquoise très doux de ton, en avant duquel est appliqué un grand cartouche aux bords élégamment découpés et enroulés, d'un ton gris avec sorte de coquilles turquoises. Ce cartouche échancre légèrement le bas de l'ovale et présente au milieu une plaque noire, rectangulaire et allongée dans le sens de la largeur, où se lit en petites lettres d'or: O quam sordet terra, quum cælum aspicio. Le haut de l'ovale est échancré par une nuée bleue entourant une gloire d'or, au centre de laquelle sont des emblêmes de l'ordre des Jésuites; un cœur

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(1) Nous donnons en tête de cette étude une reproduction exacte et de la grandeur même de l'émail.

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