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HARVARD COLLEGE LIBRARY

F. C. LOWELL FUND

Aug, 14,1924

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I. - Vitrac (Jean-Baptiste), né à Limoges le 1er février 1739 (1), était fils de Léonard Vitrac et de Catherine Penot. L'abbé Legros, son contemporain, qui l'a inscrit, de son vivant, dans son Dictionnaire des Hommes illustres du Limousin, a dit de lui: « C'était le fils d'un cordonnier, mais un de ces sujets rares, en qui les talents et le mérite couvrent le léger défaut d'une naissance obscure ». Après avoir fait de bonnes études à Limoges, au Collège de Sainte-Marie, sous les PP. Jésuites, qui en avaient alors la direction, il entra au Séminaire des Ordinands, et fut promu au sacerdoce en 1762. Il fut d'abord nommé vicaire à la paroisse de Saint-Pierre, mais il resta peu de temps dans le ministère pastoral. Lorsque, par un arrêt du 6 août 1762, le Parlement supprima les Jésuites et les expulsa de leurs maisons d'éducation, l'abbé Vitrac fut un des premiers sujets sur lesquels on jeta les yeux pour remplacer les Pères dans le collège de Limoges, et leur succéder dans la pénible et honorable carrière de l'instruction publique et de l'éducation de la jeunesse (2).

(1) Et non pas le 12 novembre 1740, comme le dit M. Emile Ruben dans son Catalogue de la Bibliothèque communale (volume des BellesLettres, p. 195). Ce J.-B. Vitrac, né le 12 novembre 1740, était un frère puîné de l'abbé Vitrac, qui fut plus tard curé de Saint-Sylvestre. (2) L'abbé LEGROS, Dictionnaire ms. des Hommes illustres du Limousin, p. 400. Recherches historiques sur l'église de Saint-Michel-des-Lions, 1811, p. 68 (par le même). Mairie de Limoges, Registres de l'Etat civil, 7 floréal an XIII.

T. XXXVI.

1

Dans l'intervalle qui s'écoula entre la suppression des Jésuites (1762) et l'établissement du nouveau collège royal (1763), Mgr d'Argentré, évêque de Limoges, engagea l'abbé Vitrac à ouvrir une école publique pour y recueillir les jeunes élèves que la dispersion de leurs anciens maîtres exposait à rester sans instruction. On ne connaissait pas, à cette époque, la méthode pédagogique qui consiste à séparer l'éducation religieuse de l'instruction profane. L'abbé Vitrac, qui avait déjà donné des preuves de sa capacité dans l'instruction de ses jeunes frères, paraissait plus apte que tout autre à combler le vide fait par la suppression de la Compagnie de Jésus (1).

Les professeurs et régents du nouveau collège - qu'on appela non plus Collège de Sainte-Marie, mais Collège royal furent choisis le 4 août 1763. L'abbé Vitrac fut nommé régent de sixième, avec 500 francs de traitement, et il tint par conséquent le dernier rang dans le nouveau collège. Il préféra cette classe, qui, destinée à enseigner les premiers éléments, exigeait une aptitude spéciale, qu'on trouve rarement dans le commun des professeurs. Il y voyait d'ailleurs le précieux avantage de donner les premiers soins à de jeunes plantes dont la culture, si elle est plus pénible, porte aussi les fruits les plus durables et les plus abondants. Mais il ne tarda pas à être appelé, dans le nouveau Collège, à des fonctions plus élevées, et il s'en acquitta toujours avec la même intelligence et le même succès. « Il nous le faudrait partout », disaient les administrateurs du Collège qui reconnaissaient la variété de ses talents et l'activité de son zèle.

En 1769, la chaire d'humanités étant devenue vacante par la démission de M. Dubrac aîné, l'abbé Vitrac en fut pourvu le 30 octobre de cette année, et c'est en cette qualité de régent de seconde ou de professeur d'humanités qu'il commença à briller par les discours publics qu'il se trouva obligé, par état, de prononcer à la fin de chaque deuxième année, alternativement avec le régent de troisième (2).

Le 22 août 1772, il prononça, à l'occasion de la distribution des prix, un discours français dont le sujet n'est pas indiqué (3);

(1) Notice sur l'abbé Vitrac, publiée dans le Calendrier de la Sénatorerie de Limoges, 1806, p. 59. Journal de la Haute-Vienne, 12 floréal an XIII (2 mai 1805), p. 275.

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(2) L'abbé LEGROS, Dictionnaire ms. des Hommes illustres du Limousin, p. 400. Alfred LEROUX, Inventaire des Archives départementales de la Haute-Vienne, série D, p. 21, 25.

(3) A. Leroux, Inventaire des Archives départementales de la HauteVienne, série D, p. 27.

mais deux ans après, le 22 août 1774, il prononça l'éloge de Marc-Antoine Muret, célèbre humaniste limousin du xvr° siècle, surnommé l'Orateur des papes. Le même jour de l'année suivante (1775), il fit l'éloge de Jean Dorat, né à Limoges, poète et interprète du roi, un des astres les plus brillants de la pléiade poétique du XVIe siècle. Le bureau d'administration décida que cet éloge serait imprimé aux frais du Collège. Deux ans plus tard (23 août 1777), l'abbé Vitrac prononça l'éloge d'Etienne Baluze, savant limousin, né à Tulle, si connu par son érudition profonde et ses nombreuses publications. On voit que l'abbé Vitrac aimait sa province natale, et qu'il se plaisait, dans son esprit patriotique, à en faire ressortir les illustrations.

La même année (1777), il publia un Traité élémentaire de l'Apologue et de la Narration, à l'usage de ses élèves, les humanistes du Collège royal de Limoges. Cet ouvrage devint classique et eut plusieurs éditions. L'auteur, quelques années plus tard, y ajouta un Traité élémentaire du style épistolaire (1).

C'est pendant qu'il était professeur d'humanités qu'il fit une traduction des Héroïdes d'Ovide, dont le manuscrit se trouve à la Bibliothèque communale de Limoges.

Le 26 mai 1779, M. l'abbé Pouyat, principal du Collège, déclara choisir, avec l'assentiment du Bureau, M. Vitrac aîné, professeur d'humanités, pour la place de sous-principal, devenue vacante par la retraite de M. Bélezy (2). Le 21 août suivant, l'abbé Vitrac prononça l'éloge du pape Grégoire XI, né en Limousin, et c'est par ce discours qu'il termina sa carrière oratoire dans le Collège de Limoges. M. l'abbé Pouyat, principal, étant mort au mois de janvier 1782, on procéda, le 4 février suivant, à l'élection du nouveau principal. « Les suffrages se portèrent sur M. J.-B. Vitrac, licencié ès-lois, des Académies de Montauban, ClermontFerrand, La Rochelle et Châlons, de la Société royale d'Agriculture de Limoges, présentement sous-principal du collège. »> Mais il ne garda pas longtemps cette charge, car le 9 septembre 1782, il donna sa démission, motivée « par les infirmités qu'il avait contractées pendant son long séjour au Collège ». Le 28 octobre suivant, le Bureau décida que, quoiqu'il manquât

(1) On trouve dans la Bibliothèque communale de Limoges, et dans celle du grand Séminaire, une édition de cet ouvrage ainsi augmenté, en date de 1780; et nous possédons une édition postérieure, encore augmentée, datéc de 1788.

(2) A. LEROUX, Inventaire des Archives départementales, série D. p, 30, 4re col.

encore quelque temps à M. Vitrac pour avoir acquis la vétérance fixée à vingt ans de service au Collège, néanmoins il jouirait de la pension émérite de 300 livres sa vie durant..., en considération des services qu'il n'a cessé de rendre au collège depuis son établissement (1).

Les motifs de santé, allégués par l'abbé Vitrac pour donner sa démission de principal, étaient, semble-t-il, plus apparents que véritables. D'après l'abbé Legros, l'abbé Vitrac « fit démission de ce pricipalat entre les mains de l'administration du Collège pour des raisons que tout le monde sait, et qu'il ne m'est pas permis de déduire ici (2) ». Quelles étaient ces raisons? un conflit qui s'était élevé entre les administrateurs du Collège et Mgr d'Argentré, à l'occasion de quelques droits de nomination à certains bénéfices (3), paraît être la raison véritable de cette démission. L'abbé Vitrac ne voulut pas entrer en lutte avec son évêque. L'auteur d'une notice publiée dans le calendrier de 1806 s'exprime ainsi : « Lorsque la place de principal vint à vaquer, elle lui fut naturellement déférée, comme au sujet le plus propre à imprimer à toutes les parties de l'enseignement public ce mouvement d'intérêt et d'émulation qui en est l'âme. Malheureusement il ne parut qu'un instant dans un poste qui lui était si légitimement acquis. Les causes de sa retraite sont connues. Ce serait rouvrir d'anciennes plaies que de les rappeler ici. Mais nous pouvons dire à sa louange que si on le blâma dans le temps d'avoir trop cédé à sa sensibilité, mise à des épreuves imméritées, on ne put qu'être édifié du motif de sa démarche, qui prenait sa source dans un profond respect pour une puissance toujours respectable, lors même que ses prétentions excèdent la mesure de ses droits (4) ».

L'abbé Vitrac fut suivi dans sa retraite par l'abbé Delauze, sous-principal, et par Elie Vitrac, son frère, régent de quatrième, auquel le Bureau accorda une pension émérite de 150 livres, en récompense de ses longs services (5).

II.

Au milieu des occupations diverses que lui créèrent ces

(1) A. LEROUX, Inventaire des Archives départementales, série D. p. 30, Are col.

(2) Dictionnaire ms. des Hommes illustres du Limousin, p. 400. (3) A. Leroux, Inventaire des Archives départementales, série D, Fonds de l'ancien collège, p. 30.

(4) Calendrier ecclésiastique de 1806, p. 60.

(5) A. LEROUX, Inventaire des archives départementales, série D, p. 30

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