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élèves, et un supplément obligé aux leçons de leurs maîtres. Nous nous féliciterons alors d'avoir attaché notre nom à cette publication, et nous nous croirons trop payé des peines qu'elle a pu nous coûter.

Le 25 août 1843.

L. DE LENS.

FIN DE L'INTRODUCTION.

ŒUVRES PHILOSOPHIQUES

DE BOSSUET.

DE L'INSTRUCTION

DE MONSEIGNEUR LE DAUPHIN,

FILS DE LOUIS XIV.

AU PAPE INNOCENT XI.

Nous avons souvent ouï dire au roi, très saint Père, que monseigneur le dauphin étant le seul enfant qu'il eût, le seul appui d'une si auguste famille, et la seule espérance d'un si grand royaume, lui devait être bien cher; mais qu'avec toute sa tendresse il ne lui souhaitait la vie que pour faire des actions dignes de ses ancêtres et de la place qu'il devait remplir, et qu'enfin il aimerait mieux ne l'avoir pas que de le voir fainéant et sans vertu.

C'est pourquoi, dès que Dieu lui eut donné ce prince, pour ne le pas abandonner à la mollesse où tombe comme nécessairement un enfant qui n'entend parler que de jeux et qu'on laisse trop longtemps languir parmi les caresses des femmes et les amusements du premier âge, il résolut de le former de bonne heure au travail et à la vertu. Il voulut que dès sa plus tendre jeunesse, et pour ainsi dire dès le berceau, il apprit premièrement la crainte

de Dieu, qui est l'appui de la vie humaine, et qui assùre aux rois mêmes leur puissance et leur majesté; et ensuite toutes les sciences convenables à un si grand prince, c'est-à-dire celles qui peuvent servir au gouvernement et à maintenir un royaume; et même celles qui peuvent, de quelque manière que ce soit, perfectionner l'esprit, donner de la politesse, attirer à un prince l'estime des hommes savants; en sorte que monseigneur le dauphin pût servir d'exemple pour les mœurs, de modèle à la jeunesse, de protecteur aux gens d'esprit, et, en un mot, se montrer digne fils d'un si grand roi.

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La loi qu'il imposa aux études de ce prince fut de ne lui laisser passer aucun jour sans étudier. Il jugea qu'il y a bien de la différence entre demeurer tout le jour sans travailler et prendre quelque divertissement pour relâcher l'esprit. Il faut qu'un enfant joue et qu'il se réjouisse: cela l'excite; mais il ne faut pas l'abandonner de sorte au jeu et au plaisir qu'on ne le rappelle chaque jour à des choses plus sérieuses, dont l'étude serait languissante si elle était trop interrompue. Comme toute la vie des princes est occupée et qu'aucun de leurs jours n'est exempt de grands soins, il est bon de les exercer dès l'enfance à ce qu'il y a de plus sérieux, et de les y faire appliquer chaque jour pendant quelques heures, afin que leur esprit soit déjà rompu au travail et tout accoutumé aux choses graves lorsqu'on les met dans les affaires. Cela même fait une partie de cette douceur qui sert tant à former les jeunes esprits; car la force de la coutume est douce, et l'on n'a plus besoin d'être averti de son devoir depuis qu'elle commence à nous en avertir d'elle-même.

Ces raisons portèrent le roi à destiner chaque jour certaines heures à l'étude, qu'il crut pourtant devoir être entremêlées de choses divertissantes, afin de tenir l'esprit de ce prince dans une agréable disposition, et de ne lui point faire paraître l'étude sous un visage hideux et triste qui le rebutât. En quoi, certes, il ne s'est point trompé; car, en suivant cette méthode, il est arrivé que le prince, averti par la seule coutume, retournait gaîment et comme en se jouant à ses exercices ordinaires, qui ne lui étaient en effet qu'un nouveau divertissement, pour peu qu'il y voulût appliquer son esprit.

Mais le principal de cette institution fut sans doute d'avoir

donné pour gouverneur à ce jeune prince M. le duc de Montausier, illustre dans la guerre et dans les lettres, mais plus illustre encore par sa piété, et tel, en un mot, qu'il semblait né pour élever le fils d'un héros. Depuis ce temps, le prince a toujours été sous ses yeux et comme dans ses mains; il n'a cessé de travailler à le former, toujours veillant à l'entour de lui pour éloigner ceux qui eussent pu corrompre son innocence ou par de mauvais exemples, ou même par des discours licencieux. Il l'exhortait sans relâche à toutes les vertus, principalement à la piété; il lui en donnait en lui-même un parfait modèle, pressant et poursuivant son ouvrage avec une attention et une constance invincibles; et, en un mot, il n'oubliait rien de ce qui pouvait servir à donner au prince toute la force de corps et d'esprit dont il a besoin. Nous tenons à gloire d'avoir toujours été parfaitement d'accord avec un homme si excellent en toutes choses, que, même en ce qui regarde les lettres, il nous a non-seulement aidé à exécuter nos desseins, mais il nous en a inspiré que nous avons suivis avec succès.

2. La Religion.

L'étude de chaque jour commençait soir et matin par les choses saintes; et le prince, qui demeurait découvert pendant que durait cette leçon, les écoutait avec beaucoup de respect.

Lorsque nous expliquions le Catéchisme, qu'il savait par cœur, nous l'avertissions souvent qu'outre les obligations communes de la vie chrétienne, il y en avait de particulières pour chaque profession, et que les princes, comme les autres, avaient de certains devoirs propres, auxquels ils ne pouvaient manquer sans commettre de grandes fautes. Nous nous contentions alors de lui en montrer les plus essentiels selon sa portée; et nous réservions à un âge plus mûr ce qui nous semblait ou trop profond ou trop difficile pour un enfant.

Mais dès lors, à force de répéter, nous fîmes que ces trois mots, piété, bonté, justice, demeurèrent dans sa mémoire avec toute la liaison qui est entre eux. Et pour lui faire voir que toute la vie chrétienne et tous les devoirs des rois étaient contenus dans ces trois mots, nous disions que celui qui était pieux envers Dieu était bon aussi envers les hommes, que Dieu a créés à son image et qu'il regarde comme ses enfants; ensuite nous remarquions que qui voulait du bien à tout le monde rendait à chacun ce qui lui appartenait, empêchait les méchants d'opprimer les gens de bien,

punissait les mauvaises actions, réprimait les violences, pour entretenir la tranquillité publique. D'où nous tirions cette conséquence qu'un bon prince était pieux, bienfaisant envers tous par son inclination, et jamais fâcheux à personne s'il n'y était contraint par le crime et par la rébellion. C'est à ces principes que nous avons rapporté tous les préceptes que nous lui avons donnés depuis plus amplement : il a vu que tout venait de cette source, que tout aboutissait là, et que ses études n'avaient point d'autre objet que de le rendre capable de s'acquitter aisément de tous ses devoirs.

Il savait dès lors toutes les histoires de l'ancien et du nouveau Testament; il les récitait souvent; nous lui faisions remarquer les graces que Dieu avait faites aux princes pieux, et combien ses jugements avaient été terribles contre les impies ou contre ceux qui avaient été rebelles à ses ordres.

Étant un peu plus avancé en âge, il a lu l'Évangile, les Actes des Apôtres et les commencements de l'Église. Il y apprenait à aimer Jésus-Christ, à l'embrasser dans son enfance, à croître pour ainsi dire avec lui en obéissant à ses parents, en se rendant agréable à Dieu et aux hommes et en donnant chaque jour de nouveaux témoignages de sagesse. Après, il écoutait ses prédications, il était ravi de ses miracles, il admirait la bonté qui le portait à faire du bien à tout le monde; il ne le quittait pas mourant, afin d'obtenir la grâce de le suivre ressuscitant et montant aux cieux. Dans les Actes, il apprenait à aimer et à honorer l'Église, humble, patiente, que le monde n'a jamais laissée en repos, éprouvée par les supplices, toujours victorieuse. Il voyait les apôtres la gouvernant selon les ordres de Jésus-Christ, et la formant par leurs exemples plus encore que par leur parole; saint Pierre y exerçant l'autorité principale et y tenant partout la première place; les chrétiens soumis aux décrets des apôtres, sans se mettre en peine de rien dès qu'ils étaient rendus. Enfin nous lui faisions remarquer tout ce qui peut établir la foi, exciter l'espérance et enflammer la charité. La lecture de l'Évangile nous servait aussi à lui inspirer une dévotion particulière pour la sainte Vierge, qu'il voyait s'intéresser pour les hommes, les recommander à son fils comme leur avocate, et leur montrer en même temps que ce n'est qu'en obéissant à Jésus-Christ qu'on en peut obtenir des graces. Nous l'exhortions à penser souvent à la merveilleuse récompense qu'elle eut de sa chasteté et de son humilité, par le gage précieux qu'elle reçut du ciel quand elle devint mère de Dieu, et qu'il se fit une si sainte

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