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et patrimoniaux dont la saisie leur oste tellement le credit qu'il ne se trouve aulcun qui leur veille seulement prester de quoi avoir du pain pour ces pauvres pestiférés.

La cause de ceste saisie est double: l'une pour une somme d'unze mille livres qui leur est demandée pour les habits de l'armée d'Italie, de 1629, que la contagion et la pauvreté qui s'en est ensuivie ne leur a jusques icy doné moien de paier; ils demandent en estre deschargés, ou qu'elle soit rejetée sur l'Eslection. J'estimerois plus à propos de leur en doner main levée pour deux ou trois ans, car le peuple de la campagne n'est moins affligé qu'eux ; et j'ause vous dire, Monseigneur, que par force le Conseil sera obligé à leur doner ceste main levée; car voiant et connoissant à l'œil l'estat de ce peuple, l'on aura aussy tost leur vie que ceste somme, non par manque d'obeissance, car il n'y a peuple si fidel ni si souple que le Picart, mais par pure impuissance.

L'autre cause de la saisie est bien plus legere. C'est à la requeste d'un nommé Menager qui pretend que l'Hostel de Ville d'Amiens a esté taxé à la Chambre de Justice pour avoir tenu par ses mains et de ses officiers la recepte d'un droit qui leur avoit esté accordé par le Roy pour le paiement de leurs debtes. J'estime, Monseigneur, que la descharge de ceste saisie recevra beaucoup moins de difficulté, puis qu'il est constant que les villes ne sont réputées au rang des partisans ou traitans pour faire recevoir par leurs officiers les droicts qui leur sont accordés pour l'aquitement de leurs debtes; outre que le Conseil scait qu'il ne revient rien au Roy de ces reliques de recherches de Chambres de Justice qui ne font que vexer ses subjects.

Lorsque j'auray l'honneur d'estre proche de vous je vous prieray de me permettre de vous porter la requeste de ces pauvres gents pour les moiens de l'amortissement de leurs grandes debtes; mais pour les secourir dans le mal present et qui ne peult souffrir de

délay, il plaira à vostre bonté d'accorder à leur Député la main levée de leurs deniers que j'estime autant necessaire pour la subsistance de la ville que chose aulcune que le Roy aie jamais. accordée à ses subjects. Ils prieront Dieu avec moy pour vostre conservation, et je resteray,

Monseigneur,

Vostre tres humble, tres obeissant, et tres obligé serviteur,
DE NOYERS.

d'Amiens, ce XII Juin.

(Copié sur l'original autographe existant à la Bibliothèque de l'Institut, dans le carton no 271 de la collection Godefroy.)

II.

Lettre adressée par N. LE ROY, lieutenant-general à Amiens,
au Garde-des-Sceauu Seguier, le 14 août 1635.

Le service de S. M. et le commandement très exprès porté par la lettre de laquelle avés daigné de m'honorer m'obligent de vous donner advis que le jour mesme les Thresoriers de France se sont rendus en leur bureau pour le registrement de l'Edict portant la levée du sol pour livre. Et les Echevins aians receu quelques despesches et ordre au mesme subject se sont aussy assemblés en l'hostel commun de la ville. Dont les artisans aians eu cognoissance ont faict contenance de vouloir s'atroupper. Mais par la dexterité de M. de Saucourt lieutenant de S. M. en ceste province et la prudence des magistrats, ces premiers mouvemens se sont aussy tost evanouis et dissipés. Je doubte que les principales difficultés ne se presentent lors de la publication, et que les interessez, lesquels composent les trois quarts de la ville ne s'eschauffent et passent les bornes du debvoir lors de l'establissement et perception

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du droict. Mais en tout evenement l'authorité du Roy demeurera entiere, et en mon particulier je perdrai la vie plustost que de veoir et souffrir qu'elle soit diminuée ou blessée. Le porteur de ⚫ l'Edict à son arrivée a fait quelques ouvertures d'accommodement à l'exemple de ceux de la ville de Beauvais ausquelz il a tesmoigné avoir faict moderation et receu contentement. Il demande cent mil livres par an. Les Echevins sont demeurez muetz et s'estonnent, attendu que le revenu de la ville ne monte que vingt cinq mil livres au plus. Et en verité le compte examiné et arresté pardevant moy ce jourd'huy ne porte plus grande recepte; laquelle a esté entierement espuisée depuis trois ou quatre ans par les frais extraordinaires du mal contagieux, en sorte que le paiement des rentes deues aux fabriques, communaultés et particuliers est différé pour longues années. Les gaiges mesmes des officiers de la Santé ne sont acquitez, ny ceux quy ont fourny le pain et les vivres aux malades encores satisfaicts et paiez. L'ouverture de la guerre contre les ennemis de la France anime nostre courage, et nous faict esperer que nos voisins rendront l'hommage lige et recongnoistront leur legitime seigneur et ancien ressort. Les habitans de la ville d'Amiens ne respirent rien plus que de contribuer de tout leur pouvoir au secours que desire S. M. Mais ils implorent vostre faveur et authorité souveraine en la justice, à ce qu'ils puissent obtenir quelque moderation ou surséance de six mois pour l'establissement du droict. Pendant lequel temps les marchans confereront avec le porteur de l'Edict, et adviseront des moiens et conditions et asseurances pour la levée et son indemnité; estant chose notoire en la ville que les ouvriers et façonneurs des serges et camelotz ne vivent qu'au jour la journée, et n'ont la suffisance d'advancer ni paier le droict. Et arrive souvent dans la cessation et alteration du commerce qu'ils sont reduicts aux extremités et contraincts de perdre dans le debit de leur manufacture partie du pris de la laine et fil et toute la façon. Que sy on

leur tient la rigueur, et faict paier le sol pour livre ainsy que les marchans quy acheptent leur manufacture la revendent en gros pretendent sans estre obligez d'y contribuer de leur part ny augmenter le pris des camelotz a portion du nouveau droict contre les termes de l'Edict, les pauvres saieteurs estans seuls surchargez seront contraincts d'abandonner la ville, et le secours espéré par S. M. apportera plus de bruict que de fruict. L'importance et consequence de l'affaire joinct a vostre commandement, Monseigneur, me donnent la confiance de vous informer de l'estat de la ville d'Amiens et vous asseure qu'il ne s'y passera rien digne de vostre cognoissance que je ne vous en donne aussy tost avis avec pareil soing et fidelité et sincerité que je suis,

Monseigneur,

Vostre tres humble et tres obeissant serviteur,

N. LE ROY.
Lieutenant general.

III.

Lettre des Eschevins d'Amiens au Chancelier Seguier, se plaignant de ce qu'on veut enlever à la Ville l'élection libre de ses Eschevins. 25 septembre 1636.

Quoyque de tout temps les Eschevins de ceste ville ayent esté esleuz par les voix et suffrages du peuple, comme il est porté par l'Edict du feu Roy Henry le grand deuement veriffié, neant moins comme Mer le duc de Chaulnes nostre gouverneur procedoit le jour d'hier à l'eslection des Eschevins pour l'année prochaine, il fit voir une lettre de cachet du Roy et une aultre de Mgr de Lavrillere à nous adressantes et aux habitans de ceste ville, celle de S. M. portant commandement de nommer les Srs de Mareuil, Lestocq,

de Halloy, et de Sachy pour nouveaux Eschevins. Et dautant que les chefs de porte qui estoyent assemblez pour donner leurs voix (plusieurs desquels avoyent presté le serment auparavant la lecture publiquement faicte de la lettre du Roy) ont remonstré que par le dit Edict ils doivent nommer les Eschevins (dont ilz seroyent privez sy la dite lettre de cachet avoit lieu) et qu'il est deffendu par les ordonnances d'avoir esgard à semblables lettres quand elles sont contraires aux Edictz veriffiés, il ne s'est faicte aucune nomination. C'est pourquoi nous avons pris la hardiesse de vous escrire la presente pour vous représenter l'importance et consequence de ce changement et nouveauté, principalement en ce temps, ainsy que nos deputtez vous feront plus particulierement entendre sy vous nous faictes l'honneur de les escoutter. Lesquels ont charge d'en faire leurs tres humbles remonstrances à Sa Majesté, et la supplyer tres humblement que le dit Edict qui a esté religieusement observé depuis quarante ans soit entretenu. Sur ce nous demeurons,

Monseigneur,

Vos tres humbles et tres obeissans serviteurs,

Les Eschevins de la ville d'Amyens,

(Copiés sur l'original, carton no 272..)

DE BULLY.

OUVRAGES OFFERTS

Pendant le 1er trimestre de 1868.

I. Par S. Exc. M. le Ministre de l'Instruction publique :

1o Revue des Sociétés savantes. Janvier, février, mars, novembre 1867. Février 1866. — 2o Archives des missions scientifiques et littéraires, tom. II, 2 liv. tom. iv, 2e liv.

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