Page images
PDF
EPUB

Nous ne trouvons aucun autre nom ancien à appliquer aux systèmes orographiques qui séparent, plus ou moins nettement, le bassin de la Loire de ceux de la Seine, au nord, et de la Garonne, au midi, malgré l'importance des collines de Normandie et des monts de Bretagne, qui avaient cependant dû fixer les regards des Romains. Il ne nous reste donc plus qu'à gagner les Pyrénées.

LES PYRÉNÉES. Pyrenaei montes1, Pyrenaea juga, Pyrenaeus mons3, Pyrene, sont mots synonymes 5. Cette chaîne, mentionnée dans un grand nombre de textes, séparait moins autrefois qu'aujourd'hui deux pays et deux races, car l'ancienne Ibérie débordait sur la Gaule et la Gaule sur l'Ibérie.

1. Tà Iupyvaïa öpŋ, Polyb., III, XLI, 6; cf. XL, 1 ; xxxv, 7 ; XXXVII, 9 ; xxxIx, 4.— Diod. Sic., V, 35. - Marcian. Heracl., II, 6 (Geogr. min. de Didot, I, p. 513). Strab., II, I, 11, etc.; mais il emploie le plus souvent le singulier, voy. note 3. Agathem., II, 9, p. 47. - Ptolem., I, xv, 2, où le géographe alexandrin rapporte qu'elles avaient été décrites par Marin de Tyr, VIII, IV, 2; v, 2. — Tit. Liv., XXI, 23 : « Pyrenaei montes. » - Justin., XLIV, 1.

2. Plin., III, II (1), 1.

3. Sil. Italic., III, v, 415: « at Pyrenaei frondosa cacumina montis. »—--. -Auson., Epigr., XXIV, 68: « bimaris juga ninguida Pyrenaei. »Dionys. Perieg., V, 288: Iuprvatov ὄρος. Plin. «Pyrenaei promontorium, juga..., » IV, xxxiv (xx), 1 ; « in Pyrenaeo, » VII, xxvII (xxvi), 1; cf. XIV, vшII (vi), 8; « Pyrenaei jugis..., » XXXVII, vi (1), 13; « Pyrenaei montes....., » IV, XXXI (XVII), 1; « radice Pyrenaei, » III, IV (1), 5; « saltus Pyrenaeus,» IV, xxxIII (XIX), 1. Tit. Liv., XXI, 23. Auson., Epigr., XXV, 51: « Pyrenaeum transgreditur ; » XXI, 24. — Mela, II, v, 1; III, 1, 10 : « Pyrenaeus mons ; » II, vi, 1.

[ocr errors]

4. Polyb., III, xxxv, 2: ἡ Πυρήνη, et, au même chapitre, § 7 : διὰ τῶν Πυρηναίων ὁρῶν ; cf. XXXVII, 9; XXXIX, 4, etc. (voy. note 1). Marcian. Heracl., II, 6 (Geogr. min. de Didot, I, p. 543). — Strab., III, 1, 3:Пup, passim, mais il emploie aussi le pluriel (voy. note 1). Athen., VIII, 2. Steph. Byz. Auson. : « confinia propter ninguida dyrenes,» Clar. urb., Tolosa.

[ocr errors]

5. Eustathe (Commentarii ad Dionys. Perieg., ad v. 338, Geogr. min de Didot, II, p. 277) dit que le mot Пupvn s'applique non-seulement au Ispavatov opos, mais aussi aux Πυρηναία όρη, au pluriel.

6. Strabon dit bien, il est vrai (III, 1, 3) : ἡ Πυρήνη... ὄρος... ἀπὸ Νότου πρὸς Βοῤῥᾶν τεταμένον ὁρίζει τὴν Κελτικὴν ἀπὸ τῆς Ἰβερίας; Silius Italicus dit aussi dans son langage plus poétique qu'exact (III, 417-419):

« Pyrene celsa nimbosi verticis arce

Divisos Celtis late prospectat Iberos

Atque aeterna tenet magnis divortia terris; >

Polybe : πρὸς τῶν Πυρηναίων ὁρῶν ἃ διορίζει τοὺς Ἰβηρας καὶ Κελτούς (ΙΙΙ, ΧΧΧΙΧ, 4); Eustathe, dans son commentaire au v. 338 de Denys le Périégète (Geogr. min. de

Les Pyrénées, dit Strabon, présentaient au nord leurs flancs dénudés; leur versant méridional, au contraire, aurait été couvert de forêts'. Or, malgré les changements que dix-huit siècles de culture et de déboisement ont pu apporter à l'aspect de ces montagnes, c'est le contraire de ce que rapporte le géographe gree qui est vrai aujourd'hui et nous semble l'avoir été jadis. Ses mines d'or des Pyrénées sont une imagination, est-il besoin de le dire? « Les Pyrénées, dit Diodore 3, l'emportent sur les autres montagnes par l'étendue et l'altitude...; elles étaient autrefois couvertes d'épaisses forêts, mais on raconte qu'à une époque ancienne, des bergers y ayant mis le feu, toute cette région montagneuse devint la proie d'un vaste incendie qui dura pendant bien des semaines, toujours se propageant, et que la surface du sol, étant comme calcinée (d'où est venu le nom de Pyrénée, пuppaña, de nip, feu), mit à nu une grande quantité d'argent; que ce minerai liquéfié donna naissance à des ruisseaux de métal dont les indigènes ignoraient l'usage et dont surent bien profiter les marchands phéniciens.... » Il est probable que ce récit légendaire a un fond de vérité et qu'il fait allusion à ces belles mines de plomb argentifère de l'Espagne dont on extrayait autrefois, comme aujourd'hui, l'argent par le procédé de la coupellation; seulement il faut pour cela étendre le nom de Pyrénées à toutes les montagnes qu'elles engendrent et qui sillonnent le centre de la Péninsule1, et non le limiter à la chaine des Pyrénées proprement dites que Diodore nous mon

Didot, II, p. 277), dit la même chose; mais il est de notoriété que la Celtibérie, qui correspond à l'Aragon et à la Catalogne, devait son nom même au mélange des Celtes et des Ibères, et personne n'ignore d'autre part que les Ibères étaient établis dans la Gascogne et dans le Roussillon: Climberris est le nom ancien, et certainement ibérien, d'Auch, et Illiberis celui d'Elne (Helena étant une appellation romaine et presque chrétienne qui date des fils de Constantin).

1. III, iv, 11.

2. III, 11, 8.

3. V, 35.

4. Pline appelle de même Pyrenaei juga les montagnes de l'intérieur : IV, XXXIV (XX), 1; cependant il distingue, dans un autre passage, le Solorius mons et les juga Oretana et Carpetana : III, 11, 2.

tre, lui aussi, comme séparant la Celtique de l'Ibérie1. Car il n'existe aujourd'hui dans cette chaîne, à l'état d'exploitations, sur le versant français du moins, que le gisement argentifère de Bagnères-de-Luchon, produisant par an de 40 à 50 tonnes de plomb et 75 kilogrammes d'argent environ. Les mines de l'intérieur de l'Espagne sont au contraire très-riches et leur exploitation par les Phéniciens nous est attestée par Strabon, dont le texte paraît concorder d'ailleurs avec celui de Diodore, sauf en ce qui regarde la situation géographique de ces mines: Strabon cite à cet égard le témoignage de Posidonius3. Les Pyrénées produisaient du buis et leurs eaux thermales sont vantées par Pline. Quant à l'étymologie grecque, p, feu, on est édifié aujourd'hui sur sa valeur, comme sur celle de la plupart des anciennes étymologies géographiques. La sage réserve dont le savant celtologue M. Gaidoz nous donne lui-même l'exemple, malgré les séduisants rapprochements qu'offre la science nouvelle, dont il est un des représentants les plus autorisés, nous avertit de nous défier de Byrin, Bryn, qui signifierait montagne, et que Forbiger nous propose, après Astruc, comme origine du nom des Pyrénées. La neige et les lacs glacés de ces montagnes ont été chantés par Lucain', men

1. Diod., loc. cit.

2. C. Roswag, Les métaux précieux considérés au point de vue économique. Paris, 1865, in-8, p. 59.

3. III, 1, 3, 8 et 9; cf. Aristote (De Mir. ausc., 88, p. 1157), qui raconte la même chose. Ce n'est pas dans les Pyrénées, comme semble le croire Forbiger (III, p. 8), que se trouvaient les mines d'or, d'argent, de fer et de plomb dont parle Pline (IV, XXXIV (XX), 4), car cet écrivain désigne clairement ici l'Espagne à partir des Pyrénées et non la région des Pyrénées « omnisque dicta regio (id est Hispania) a Pyrenaeo metallis referta auri, argenti, ferri, plumbi nigri albique. »

4. Plin., XVI, XXVIII (XVI), 2.

5. XXXI, II, 1.

6. Revue celtique, t. II, p. 355 et suiv.

7. Handb. der alten Geogr., III, p. 7, note 22.

8. Hist. natur. du Languedoc, III, 2.

9. IV, 83-87:

« Jamque Pyrenaeae, quas nunquam solvere Titan
Evaluit, fluxere nives, fractoque madescunt

Saxa gelu; tum, quae solitis e fontibus exit,

Non habet unda vias: tum largas alveus omnis
A ripis accepit aquas. »

tionnés par les deux poëtes latins Festus Avienus1 et Ausone 2. Les Romains ont connu plusieurs passages dans les Pyrénées; trois, entre autres, ont été rendus plus accessibles par la création de voies romaines :

1° Celui de Barcino (Barcelone) à Narbo Martius (Narbonne), par Gerunda (Girone) et Ad Pyreneum (col de Pertus) 3 ; c'est aujourd'hui la route de Perpignan à Barcelone par le Boulou, la Junquera et Figueras; c'était de beaucoup la plus fréquentée dans les temps anciens, et c'est certainement ce col que franchit Hannibal, ce qui le conduisit directement à Illiberis (Elne) dont il fit le siége3. Strabon nous explique parfaitement que le chemin d'Italie en Espagne s'écartait de la mer pour gravir les Pyrénées au point où se voyaient les Trophées de Pompée et qu'en le suivant depuis Tarragone on traversait le Campus Juncarius dont Junquera rappelle certainement le nom ancien ; on sait qu'il n'y a pas de passage possible à l'est du col de Pertus, le cap Creuz, autrefois Pyrenaeum promontorium", s'avançant dans la mer et y projetant ses rochers.

2o Le second passage frayé par les voies romaines donnait accès à la route de Caesar Augusta (Zaragoza, Saragosse) à Iluro (Oléron), par Jaca (dont le nom s'est conservé sans changement) et le col de Sainte-Christine, ou Port-Cantran (1644 mètres), un peu au sud-est du Pic du Midi, port ou passage qui représente le [In] Summo Pyreneo de l'Itinéraire d'Antonin ".

3o La route de Pompelone (Pamplona, Pampelune) aux

1. «Inde Pyrenaei turgescunt dorsa nivalis, » Descript. Orb., 421.

2. Il emploie deux fois cette épithète de ninguida en parlant des Pyrénées; voy. plus haut, p. 109, notes 3 et 4.

3. Ilin. Anton., p. 390; — Table de Peutinger, Segm. I, A, 2, p. 80; — Vases Apollinaires, etc., dont nous nous occuperons dans le t. II de cet ouvrage.

4. Polyb., III, XL, 1.

5. Tit. Liv., XXI, 24.

6. III, IV, 9 et cf. 7 pour les Trophées de Pompée; - cf. aussi Pline, VII, XXVII (XXVI), 1-4; XXXVII, VI (1), 3.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]
« PreviousContinue »