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PARIS

IMPRIMÉ PAR J. CLAYE ET Ce,

RUE SAINT-BENOÎT, 7.

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Lundi 6 octobre 1851.

NOTICE HISTORIQUE

SUR

M. RAYNOUARD,

PAR M. WALCKENAER.

Cette Notice, lue dans la dernière séance publique de l'Académie des Inscriptions, a ramené l'attention sur un homme respectable et excellent, original de mœurs et de caractère, bon de nature, fin pourtant, rude et brusque d'accent et de ton, qui a eu, au début de l'Empire, le plus grand succès tragique d'alors (les Templiers), qui, depuis, a créé toute une érudition (l'étude du Provençal classique et de ce qui en dépend), l'a établie et organisée d'une manière féconde, et s'est véritablement illustré par ce vaste et sagace labeur. Quoique M. Raynouard ait été jusqu'ici dignement apprécié par des panégyristes et des biographes éminents, par M. Mignet, son Successeur à l'Académie française, par M. Walckenaer hier encore, par un jeune érudit mort trop tôt et bien regrettable, M. Charles Labitte, qui, le premier, lui a consacré une notice littéraire développée; quoique ses travaux et son système philologiques aient été l'objet de plusieurs leçons de M. Villemain, et qu'ils aient prêté à des discussions approfondies de la part de MM. Guillaume de Schlegel, Fauriel et Ampère, on peut dire toutefois que l'ensemble de son œuvre et de son influence n'a pas été encore exposé, discuté et jugé régulièrement et au

complet. Un érudit qui se fait honneur de se proclamer de ses élèves, mais qui l'est avec indépendance, M. Guessard, semble promettre un tel travail qui exige des qualités et des études toutes spéciales, les seules qui confèrent à un jugement de l'autorité. Pour nous, qui sommes incompétent sur le fond de ces doctes matières, nous nous bornerons ici à ce qui est de notre portée et de notre coup-d'œil, et aussi à ce que nous demandent nos lecteurs, je veux dire à tâcher de saisir et de marquer la forme de l'esprit de M. Raynouard, quelques-uns des traits essentiels de sa personne, et à faire sentir, s'il se peut, le grain de son originalité.

François-Just-Marie Raynouard qui, dans ses premiers essais, se désignait Raynouard (du Var), était né à Brignoles le 8 septembre 1761. Il était de Brignoles, n'oublions jamais cela en le jugeant. Nul homme distingué ne garda plus que Raynouard le cachet primitif de sa province, de son endroit. Il était avant tout de son pays par l'accent. Massillon, Fléchier, Sieyès, qui étaient aussi du Midi, avaient en prononçant l'esprit doux, comme disaient les Grecs; Raynouard, plus agreste, avait l'esprit rude, quelque chose de fort et de mordant dans la prononciation. Mais il était de son pays autrement encore que par l'accent; il en était par le cœur, par le patriotisme, par les idées. La première empreinte locale se retrouve en lui jusque dans ses travaux d'érudit et de publiciste. Si, par exemple, il accordait tant à la constitution municipale des vieilles cités, s'il croyait à la perpétuité de cette constitution depuis les Romains et à travers les diverses conquêtes, s'il en faisait le pivot de sa théorie politique, c'est que cela s'était passé ainsi à Brignoles et aux environs dans la Provence; il transportait involontairement aux restes de la France cette forme permanente et latente de constitution dont la tradition locale avait tout d'abord frappé son esprit, l'avait imbu et comme affecté d'un premier amour. Ainsi en toutes choses il fera du Midi, de son Midi à lui, le centre de son érudition et de sa conquête; il voudra que la vieille langue du Midi ait été primitivement la dominante et l'unique pour toute la France, même pour celle d'outre-Loire. Il sera disposé à croire que, pour avoir la véritable clef de cette érudition, il faut être du Midi. Un jour qu'il cherchait un mot, une acception pour son Lexique roman, un de ses jeunes travailleurs,

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