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là des mots que l'on prononce d'une voix solennelle et bien sonore aux abords du sanctuaire, pour écarter la foule importune qui se présente : Odi profanum vulgus

et arceo.

Il y a du vrai pourtant dans tout cela; et il me semble que chacun de nous, dans ses promenades autour de notre cité, dans ses courses au milieu de nos campagnes, à l'entrée d'une humble église rustique, à l'aspect d'un vieux manoir démantelé, à la rencontre d'une pierre tumulaire, à la lecture d'une charte échappée aux bûchers de la Jacquerie, a fait plus d'une fois de l'archéologie sans le savoir, et qui, plus est, de l'archéologie pratique, non moins utile que celle qui proclame ses fastueuses annonces.

S'il s'agit de justifier aussi le second titre de notre Société, de graves autorités ne manquent pas pour signaler l'alliance qui existe de telle sorte entre l'archéologie et l'histoire, que l'une et l'autre science ne peuvent faire un pas sans se prêter de mutuels secours, sans s'éclairer des mêmes lumières.

C'est à l'aide des médailles antiques, des manuscrits, des monuments que l'archéologie va nous fournir, qu'il nous deviendra facile d'aborder des discussions historiques, en expliquant des faits douteux, en rétablissant des dates importantes, et donnant ainsi à nos travaux toute l'extension que comporte le double titre de la Société.

Mais on dira peut-être que nous sommes les tard-venus dans ce mouvement, qui porte nos contemporains à explorer la terre de France, en évoquant ses vieux souvenirs. Là-dessus nous pourrions répondre qu'il n'est pas sans utilité de trouver une route déblayée, qui facilite nos recherches, et des jalons de reconnaissance qui servent à diriger nos pas.

C'est ainsi que la Société des Antiquaires de l'Ouest, établie à Poitiers depuis l'année 1835, pour la recherche, la conservation et la description des antiquités et des do cuments historiques dans les pays compris entre la Loire et la Dordogne, nous fournit de beaux modèles à imiter, et nous montre toutes les précieuses découvertes qu'un zèle éclairé peut faire dans nos contrées de l'Ouest, jusques là trop peu connues des archéologues.

Bien que notre province soit comprise dans la vaste circonscription que la Société de Poitiers a dû se tracer entre la Loire et la Dordogne, nous ne trouvons dans le compte-rendu des travaux de cette Société, aucune étude spéciale sur l'Angoumois. Elle a cependant publié, en 1839, un volume intitulé: Table des Manuscrits de dom Fonteneau, conservés à la bibliothèque de Poitiers. Là, parmi les titres recueillis par le savant bénédictin, on peut en trouver quelques-uns qui fourniraient, selon toute apparence, de précieux documents sur les antiquités de notre pays.

Notons dès ce moment, dans les Mémoires publiés par la Société de Poitiers, des remarques d'une haute portée, des principes féconds en conséquences, de savantes études, dont nous pouvons faire notre profit.

Dans une séance publique de l'année 1836, M. Nicias Gaillard, président de la Société, a dit, en parlant de l'Histoire nationale: « Il faut qu'il y ait, en même temps que <«< des esprits élevés et vastes qui, des hauteurs de la «< science, l'embrassent tout entière, des esprits studieux <«<et patients qui se dévouent aux recherches de détails. << Il faut de consciencieux chercheurs qui, sans esprit de

1 Séance du 21 août 1836, tome 2, p. 6.

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système, fournissent des faits aux systèmes, des pion<< niers qui déblaient la route où le grand historien de<< puis si long-temps attendu doit passer, quand enfin il << viendra des hommes d'érudition qui servent les hommes « de génie. >>

« Que les matériaux s'assemblent! l'édifice après s'é« lèvera. Que chaque province ait sa biographie! la France « aura bientôt son histoire. >>

M. Mangon de la Lande, autre président de la Société, disait, en 1837: « C'est à l'archéologie qu'il appartient « de faire parler les ruines, les plus petits fragments d'ar«chitecture, les légendes mutilées d'une médaille, les <«< éclats d'une statue ou d'une inscription, d'en lier les « caractères et d'en composer des pages historiques. >>>

M. de Vaudoré, membre de la Société, dans de savantes' Recherches sur les peuples qui habitaient le nord de l'ancien Poitou, lors de la conquête des Romains et de l'introduction du christianisme, a fixé la situation géographique des peuplades connues sous le nom d'Agésinates, et démontré qu'il ne fallait point les confondre avec les habitants de l'Angoumois, malgré l'opinion de quelques antiquaires qui, sur une apparente conformité de noms, avaient cru retrouver là nos premiers aïeux.

C'est aussi M. de Vaudoré qui a dit : « que la science historique, pour les difficultés locales au moins, devrait, «< comme la géologie, être étudiée sur place. S'il en est ainsi, ajoute-t-il, que dans chaque province on fasse « le travail,........ et alors l'histoire de notre belle France en

1 Séance du 20 août 1837, tome 3, p. 12.

2 Tome 1, p. 75 et suivantes.

3 Brochure publiée en 1838, sous le titre de Recherches sur les chroniques du monastère de Saint-Maixent en Poitou, p. 70.

«

général et de nos provinces en particulier, sera bien plus «< aisée à faire, et on pourra travailler sans crainte de << s'appuyer sur des bases fausses, en citant des chroni<< ques fabuleuses et des titres mensongers, et en par«lant d'êtres supposés et imaginaires. >>

On trouve dans le volume de 1835 un précieux travail sur l'état politique des anciens Santons, nos plus proches voisins, présenté par M. Massiou, juge à La Rochelle, auteur de l'Histoire de Saintonge.

Ce volume contient aussi une notice sur l'antique abbaye de Charroux, située sur les marches de notre Angoumois; cette notice est de M. de Chergé, antiquaire distingué.

N'oublions pas une dissertation sur les monnaies d'Angoulême, par M. Cartier.

Le volume de 1836 contient une dissertation de dom Fonteneau sur les voies romaines en Poitou. Là se retrouve le tracé de l'ancienne voie militaire de Poitiers à Angoulême, qui est à peu près celui de la route royale établie au 18e siècle.

Ainsi, lorsque nous mettrons à profit ce que nos voisins nous fournissent, pour faire des investigations au sein de notre pays, l'on ne pourra plus répéter aujourd'hui ce que Hauteserre disait, au 17e siècle, en traçant l'histoire des provinces de l'Ouest : « L'Aquitaine est ignorée même des Aquitains.» Aquitaniam penè Aquitanis ignotam.

Cependant, Messieurs, malgré les travaux qui signalent un si beau zèle, et la facilité des relations établies en ce moment entre les diverses parties du royaume, vous avez fait une remarque assez pénible, et qui se renouvelle chaque fois que la presse parisienne publie de nouveaux ou

vrages sous les titres de France pittoresque, de Guide du Voyageur, de Dictionnaire encyclopédique de la France, c'est que l'on rencontre sans cesse dans ces productions des erreurs sur notre géographie, sur nos traditions locales, sur les faits historiques dont notre province a été le théâtre; erreurs assez étranges lorsque des renseignements pris sur place, d'après l'invitation de M. de Vaudoré, pourraient donner le facile moyen de rétablir la vérité.

Je sais bien que, malgré toutes les preuves de notre bonne volonté, nous ne pouvons avoir mission officielle pour imprimer à certains faits le cachet de la vérité historique, mais nos recherches consciencieuses inspireront sans doute quelque confiance; et si le but que nous voulons atteindre est suffisamment indiqué, si l'utilité de nos études se trouve démontrée, s'il convient de mettre en commun l'avoir de chacun de nous pour former notre trésor provincial et accroître les richesses nationales, si les guides sûrs et éclairés, si les exemples illustres, si les encouragements ne nous manquent pas, il ne s'agit plus que de nous mettre à l'œuvre.

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