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Si, comme tout commande de le penser, l'important vignoble qui se crée en Algérie réalise les espérances que les colons fondent sur la réussite, non seulement la valeur du sol prendra une augmentation considérable, mais la métropole trouvera, dans les vins de la colonie, le moyen de combler le vide que font, de jour en jour, dans la consommation, les ravages du phylloxera. De cette manière, nous ne serons plus tributaires de l'Espagne, du Portugal et de l'Italie, qui nous expédient des vins dotés d'un bouquet qui ne satisfait ni le palais ni l'estomac de tout le monde.

J'ai été à même de goûter, l'année dernière, des vins rouges algériens apportés à Angers par M. Martel, qui tient à notre Anjou par son mariage. Ces vins, qui m'avaient été communiqués par mon excellent ami, M. Charles Leroy, connaisseur et dégustateur émérite, m'ont paru de beaucoup plus agréables que les vins rouges d'Espagne et s'accommoder mieux à notre tempérament, que ces vins lourds qui viennent on ne sait d'où, et qui sont répandus, par le commerce, sous la rubrique conventionnelle de vins du Midi.

D'autres cultures industrielles sont encore en voie de progrès en Algérie les éducations de vers à soie s'y maintiennent, et il faut espérer qu'au lieu de perdre de leur valeur, comme elles en ont été menacées, elles en acquerront une nouvelle. La ramie, le chanvre, l'osier, le tabac ont pris leur place dans certains sols et ne les abandonneront plus. Quelques espèces d'oliviers fournissent des huiles de premier choix et d'excellents fruits qui tiennent un bon rang dans le commerce de l'Europe; les oranges, les grenades, les raisins de table, les légumes verts, pommes de terre, haricots, petits pois, artichauts franchissent la mer pour prêter leur concours à l'alimentation de Paris, la plus gourmande de toutes les bouches françaises.

A côté de ces produits du sol algérien, il ne faut pas oublier de mentionner l'alfa, plus connu sous le nom de sparte, qui vit commun et nombreux à l'état spontané sur les hauts plateaux du Sud, et donne lieu à un immense commerce pour la pâte du papier. Parallèlement à l'alfa, vient une autre plante indigène, de grand mé

rite, le palmier nain, qui est utilisé pour la fabrication du crin végétal et des nattes et a déjà des débouchés considérables.

En général, le concours des animaux laissait quelque peut à désirer. Néanmoins l'exposition des chevaux était, ainsi qu'à Oran, suffisamment réussie. La race syrienne ou orientale comptait de nombreux représentants d'élite, très propres à revivifier par le croisement le sang de la race arabe qui s'affaiblit sur plus d'un point de l'Algérie et particulièrement dans les territoires du littoral. De leur côté, les colons travaillent à faire un cheval de trait algérien, dont ils ont le plus grand besoin pour l'exécution de leurs travaux agricoles; ils espèrent trouver dans la race bretonne et la race percheronne l'élément améliorateur qui leur est nécessaire. Le véritable point noir du concours était l'exposition des races bovines africaines, qui étaient très mélangées et d'une grande pauvreté.

On se demande s'il convient d'importer en Algérie des races européennes, perfectionnées, qui auraient à leur début à souffrir du climat, ou s'il vaut mieux, par la sélection directe, améliorer les races indigènes. Le problème est posé. Mais quand et comment sera t-il résolu? Voilà ce qu'on ne peut dire. Déjà un essai d'acclimatation de la race comtoise a bien réussi à Bel-Abbès; ailleurs le croisement durham arabe donne des produits solides et résistant au climat, mais ce ne sont là que des faits isolés qu'il convient cependant de consigner dès aujourd'hui, afin de voir de quel côté s'accentuera le progrès.

On sait combien est grand le nombre des moutons en Algérie, puisque leur importation a atteint, en 1880, le chiffre de 8 à 900,000 têtes; cependant leur parc était à peu près vide au concours régional. Cela provient de ce que la plupart des troupeaux appartiennent aux Arabes et de ce que ceux-ci, nous présentent, sous le couvert de provenance algérienne, des moutons d'origine tunisienne, qu'ils achètent très bon marché, pour nous les revendre très cher.

Enfin, il ne faut pas négliger de mentionner l'exposition des autruches; grâce à l'incubation artificielle des œufs, ces oiseaux sont élevés en grand nombre et

leurs plumes mises en coupes réglées, tout comme un bois taillis. Chaque élève représente en moyenne une valeur de 1,000 fr.

La brève analyse que je viens de faire des produits exposés au concours régional d'Alger, permettra de juger de la place que prend, dès aujourd'hui, l'agriculture dans notre grande colonie.

COMPTE-RENDU DU 42° CONCOURS DÉPARTEMENTAL d'animaux reproducteurs

Par M. A. BOUCHARD, secrétaire.

DISCOURS DE M. BLAVIER, PRÉSIDENT

Messieurs,

Votre empressement à répondre à l'appel que vous adresse chaque année la Société Industrielle et Agricole, la valeur des animaux que vous avez amenés de tous les points du département à ce Concours, témoignent de vos persévérants efforts et démontrent que l'Agriculture, du moins dans notre bel Anjou, ne s'est pas encore laissée abattre par le découragement.

> Permettez-moi de vous en féliciter hautement.

› Car, votre noble industrie qui aujourd'hui, comme du temps de Sully, alimente les vraies mamelles de la France, est soumise en ce moment à une bien rude épreuve.

> Et qu'on ne dise pas, officiellement ou officieusement, que nous nous laissons aveugler par des craintes chimériques. Nul n'oserait nier le triste sort des travailleurs agricoles, qui se traduit par la ruine des fermiers, le délaissement des fermes, l'avilissement du prix de la terre.

» Si, en Anjou, je le reconnais avec une entière satisfaction, nous n'en sommes pas encore rendus à ce point

de détresse extrême qu'on signale dans l'Est et dans le Centre, c'est que nous possédons le plus riche sol de France et la meilleure population rurale. Quand nous aurons succombé nous-mêmes dans la lutte inégale contre les producteurs étrangers, si légèrement acceptée par ceux qui ont mission de nous défendre, on peut affirmer que l'agriculture nationale sera bien définitivement anéantie.

› Avons-nous inventé les chiffres vraiment effrayants qu'ont rapportés d'Amérique ces deux membres du Parlement anglais MM. Read et Pell, chargés de la mission officielle de s'enquérir des conditions de production agricole du Nouveau-Monde ?

› Sommes-nous les promoteurs du cri d'alarme poussé de l'autre côté du détroit par un agronome, M. Caird, dont la parole fait autorité chez nos voisins?

› Avons-nous rêvé que dans la seule année 1880, les Américains ont importé dans notre vieille Europe 170,000 têtes de bétail vivant, pour 400 millions de viandes abattues et plus de 60 millions d'hectolitres de blé?

> Qu'on lise le rapport des commissaires anglais, dont notre savant secrétaire M. Bouchard a publié un si intéressant résumé, qu'on analyse les chiffres officiels des douanes et on verra si cette invasion de nos marchés par les blés et les bestiaux du Nouveau-Monde, dont la conséquence pour la France a été l'exportation de plus de 700 millions en or, n'est qu'un accident passager, dù à l'inclémence des saisons de ces dernières années, dans notre pays.

> MM. Read et Pell ne nous disent-ils pas, au contraire, pour l'avoir vu de leurs propres yeux, que dans ces immenses plaines alluvionnaires du Far-West et du Canada, dont la surface dépasse celle de la France entière, les Américains, grâce aux machines agricoles les plus puissantes et aux voies de communication les plus économiques, peuvent, avec bénéfice, tirer d'une terre vierge, pour l'expédier à nos quais de déchargement, au prix de 14 fr. l'hectolitre, du blé qui sera livré en concurrence des produits nationaux sans avoir participé à nos charges publiques par l'impôt.

> Sans nul doute cette fécondité naturelle d'un sol qui produit sans engrais cessera, comme elle a cessé sur notre vieux Continent, mais dans quel temps? et peut-on trouver dans cette lointaine perspective un argument sérieux pour refuser à l'agriculture nationale ce que demandait pour elle notre Société, d'accord avec tous ses représentants autorisés, non pas un régime de privilège, mais seulement l'égalité devant la loi des finances et l'égalité devant la loi des douanes.

» Au lieu de ce régime équitable et tutélaire, vous le savez, messieurs, malgré les efforts dévoués de quelques hommes politiques éclairés, alors que l'industrie obtenait dans la loi douanière des droits protecteurs variant de 15 à 30 pour cent, l'agriculture, qui fait vivre vingtdeux millions de Français, était condamnée par les pouvoirs publics au régime du libre échange, exclusivement appliqué à ses produits, ce qui, comme l'a spirituellement dit un agronome distingué dont nous regrettons la perte récente, M. Léonce de Lavergne, constitue une véritable protection... A REBOUrs.

» En présence d'une situation aussi grave, que restet-il à faire à ceux qui, comme nous, défendent la véritable source de notre richesse nationale, en se faisant les champions de l'Agriculture? Nous devons en toute occasion réclamer avec insistance le plus large dégrèvement possible des lourds impôts qui pèsent sur la production agricole.

» Déjà dans cette voie, nous le reconnaissons, une certaine satisfaction nous a été donnée par le Parlement, mais ne portant que sur les boissons et sur les sucres, les dégrèvements ne profitent qu'à certains centres agricoles et non à la généralité du pays où domine la production du pain et de la viande. Ce qu'il faut demander, pour tous sans distinction, c'est une large réduction de l'impôt foncier et des droits de mutation qui grèvent si lourdement la propriété en France. L'honorable président du Sénat s'est déjà fait l'interprète autorisé de cette juste réclamation, mais dans des proportions trop modestes et absolument insuffisantes suivant nous.

>> Puisse sa voix être entendue à temps pour sauver notre agriculture d'une ruine complète qui, laissant le

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