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lit la note suivante sur l'origine et l'état de la bibliothèque confiée à ses soins.

MESSIEURS,

En ces jours où les Antiquaires de Picardie donnent à notre ville une si spéciale et si précieuse marque d'intérêt, en la choisissant pour siége et pour objet tout à la fois des travaux d'un Congrès archéologique, M. le Curé de Noyon a pensé que puisque pour un temps, pour trop peu de temps, vous êtes devenus Noyonnais, rien de ce qui touche Noyon ne pouvait vous être étranger; et en conséquence il lui a semblé qu'une communication relative à la bibliothèque de l'église, la seule que possède actuellement la cité, pourrait n'ètre pas à vos yeux sans opportunité. C'est donc pour répondre au désir de notre vénérable pasteur que je viens, Messieurs, vous présenter un aperçu de l'état et de la composition de cette bibliothèque, dont j'ai l'honneur d'être le conservateur. Veuillez m'accorder votre bienveillance, et me pardonner de vous distraire un moment des intéressants travaux auxquels doivent être consacrés les trop courts instants que vous voulez bien donner à la ville de Noyon.

Au reste, Messieurs, si notre bibliothèque peut offrir quelque intérêt, c'est particulièrement à des Antiquaires: car, à vrai dire, c'est une antiquité. Etablie dans un bâtiment en bois du xv. siècle, à l'ombre des murailles tant de fois séculaires de notre basilique, son aspect, tant intérieur qu'extérieur, peut ce me semble, rappeler jusqu'à un certain point les librairies du moyenâge. Vieux local, vieux auteurs, vieilles éditions, tout y est vieux, sauf pourtant le bibliothécaire, qui ne saurait encore prétendre au titre de vénérable. Ruine assez imposante encore d'un passé florissant, la splendeur de quelques-uns de ses débris rappelle des souvenirs bien faits pour affliger une âme tant soit peu éprise du noble amour des livres. Je ne chercherai pas les causes de cette déplorable décadence. Soit qu'on la doive attribuer au vandalisme destructeur de 1793, soit qu'il faille l'imputer au zèle trop conservateur des bibliophiles emprunteurs ou visiteurs, toujours est-il qu'aujourd'hui nous sommes bien déchus de notre

prospérité d'autrefois; que bien des pertes importantes sont pour nous le sujet de regrets pleins d'amertume; et qu'en présence des respectables bouquins qui composent actuellement le fonds de la bibliothèque, le bibliothécaire n'a que trop lieu de s'écrier avec un douloureux retour vers le passé: Habent sua fata libelli. Quand je dis libelli, Messieurs, je vous prie de ne pas l'entendre à la lettre. Car si la bibliothèque de l'église possède effectivement grand nombre de petits volumes plus au moins intéressants on insignifiants, elle trouve surtout sa consolation dans les 900 in folios (877 environ) qu'elle présente en ligne au lecteur assez intrépide pour oser affronter ce bataillon sacré. Notez, Messieurs, que ce n'est pas sans raison que je me sers de cette épithète. Nos in-folios se nomment, en effet, pour la plupart, saint Basile, saint Grégoire, saint Chrisostôme, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin, saint Thomas, saint Bernard, et tous, ou presque tous les pères de l'Église, sans compter la série plus nombreuse encore des théologiens scolastiques, dogmatiques et moraux, auteurs de poids, s'il en fut jamais; la main du bibliothécaire en sait quelque chose. C'est là notre véritable richesse actuelle : elle est dans cette vaste collection patrologique et théologique, composée généralement de belles éditions anciennes et d'exemplaires d'assez bonne conservation. Il est des bibliothèques de grandes villes, d'ailleurs beaucoup plus riches et plus brillantes que la nôtre, qui ne sont pas aussi bien partagées sous ce rapport.

Quant aux ouvrages profanes, Messieurs, je dois avouer qu'ils brillent surtout chez nous par leur absence. Je mentionnerai pourtant avec quelque honneur un certain nombre d'auteurs grecs, latins et byzantins, et à leur tête Aristote, Aristote greclatin, se produisant en quatre prodigieux in-folios, qui forment deux exemplaires de ses œuvres complètes. C'est ce que j'appellerai la grosse artillerie de la bibliothèque. Je ne passerai pas non plus sous silence une magnifique édition de Tite-Live, gros infolio, dont l'exemplaire malheureusement demanderait pour sa couverture uue complète restauration.

Un genre de richesse que bien des amateurs de livres aiment particulièrement à rencontrer dans une bibliothèque, ce sont,

Messieurs, les raretés et les curiosités bibliographiques. Sous ce rapport nous n'avons à présenter que quelques incunables ou paléotypes, c'est-à-dire des produits typographiques du siècle qui vit naître l'imprimerie. Outre ces paléotypes proprement dits, nous possédons encore un assez grand nombre de livres imprimés dans la première moitié du xvI. siècle. Les Jehan Petit, les Vascosan, les Galliot du Pré, et autres imprimeurs distingués du temps, se trouvent là représentés.

Quand je voudrais maintenant, Messieurs, avoir à vous parler de manuscrits, de vieilles chartes, chefs-d'œuvres de calligraphie patiente, monuments trop longtemps dédaignés de ce moyenâge, pour lequel notre siècle s'est pris d'un amour intelligent et si utile aux progrès de l'histoire! Mais, hélas! Messieurs, il ne nous reste rien en ce genre à mettre sous vos yeux. Les archives ecclésiastiques de Noyon, qui devaient être autrefois si riches, ont péri tout entières, emportées par le souffle de la tempète révolutionnaire. C'est une perte à jamais irréparable. Aujourd'hui la bibliothèque ne possède guère que quelques manuscrits tout modernes, et, si je ne me trompe, de mince valeur, sauf peut être deux ou trois.

Je ne m'étendrai pas davantage, Messieurs, sur la composition de notre bibliothèque. J'ai voulu seulement vous en donner un aperçu; et d'ailleurs je dois dire que je ne la connais pas encore bien moi-même, quoique je lui aie déjà consacré beaucoup de temps. Car, absorbé par le travail matériel de l'inventaire et de la classification, j'ai à peine eu jusqu'ici le temps de faire connaissance avec les auteurs.

Il me reste en terminant à exprimer un vou, et puisse-t-il être entendu ! Nous sommes pauvres, et nous voudrions bien devenir riches: on ne peut pas, je pense, trouver cela mauvais. Mais nous ne pouvons guère nous enrichir que par la libéralité des possesseurs de livres, qui voudraient bien disposer de leur superflu en faveur de nos rayons nécessiteux. Nous faisons donc appel à leurs sentiments de philobiblique fraternité, et nous conservons l'espoir que cet appel ne sera pas inutile.

O vous, qui que vous soyez, qui aimez à donner, donnez-nous

des livres, n'importe de quelle couleur et de quel format, et pourvu que ce soient des livres de bonne et salutaire compagnie, dont le voisinage ne soit pas dans le cas de faire peur à nos saint Thomas et à nos saint Augustin, nous leur donnerons sur nos tablettes les places les plus honorables, et notre reconnaissance inscrira dans son meilleur latin, au front de ces nouveaux venus, et bienvenus, l'impérissable formule de souvenir: Donavit Ecclesiæ bibliotheca Noviomensis anno.... Que, si parmi vos livres, il se trouvait par hasard des échappés de notre bibliothèque, qui, par suite de vissicitudes humaines, n'importe à quelle époque, seraient devenus votre propriété, nous ne vous en contesterons pas la légitime possession, mais nous vous prierons en toute humilité de vouloir bien nous rendre nos plumes dont, sans le savoir peut-être, vous vous trouvez parés, et nous promettons en retour de vous considérer non pas comme restituteurs, mais bien comme donateurs, ayant droit à notre gratitude éternelle.

Un mot encore, Messieurs, s'il vous plaît, et je finis. C'est seulement pour ajouter que la bibliothèque possède un assez bon nombre de doubles d'une certaine valeur, qu'elle serait disposée à vendre ou à échanger suivant l'occurence. Je crois devoir en donner avis aux amateurs.

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M. le Président donne la parole à M. de Beauvillé, pour une proposition.

M. V. de Beauvillé signale à l'assemblée, parmi les monuments du Beauvaisis les plus dignes d'intérêt, un reste imposant d'architecture romane, la porte de La NeuvilleRoy, formée d'une ogive romane décorée d'un cordon dentelé, au-dessus de laquelle se trouve une corniche aux modillons ornés de masques et de têtes d'animaux sculptés probablement en 1190, alors que Philippe-Auguste réparait cette porte d'un des points les plus importants des frontiéres de la Picardie. Ce monument, dit-il, est menacé d'une ruine prochaine ; une rectification de la route

doit en amener la destruction, et M. l'Ingénieur en chef a fixé un délai de trois mois qui doit bientôt expirer. Il serait déplorable, dit M. de Beauvillé, qu'en 1856 on détruisît un monument si digne du plus baut intérêt, alors que le Gouvernement consacre à la conservation de nos édifices historiques des sommes considérables, et que les circulaires des Ministres les recommandent tout particulièrement à l'attention des préfets. Le Conseil municipal proteste contre le projet de M. l'Ingénieur, et il est assurément meilleur juge que lui dans cette affaire. Il affirme que la porte ne gêne en rien la circulation, et demande qu'elle soit conservée. M. de Beauvillé s'étonne en même temps que des fonds aient été votés par le Conseil général pour la ruine de ce monument, alors qu'il a donné si souvent tant de preuves de sa sollicitude pour tout ce qui se rapporte à la conservation des monuments historiques. Il demande donc qu'un vœu soit émis par l'assemblée pour la conservation de la porte de La-Neuville-Roy, et qu'il soit adressé à M. le Préfet du département et à M. le Ministre de l'Intérieur.

M. Danjou demande la parole Comme membre de la Société des Antiquaires, il s'associe de tout cœur au vœu émis par M. de Beauvillé; comme membre du Conseil général, il proteste contre l'accusation de vandalisme. Le Conseil a été consulté sur l'amélioration de la route, mais il ne lui a pas été parlé de la destruction prochaine de la porte de La-Neuville-Roy, et il pense que M. le Préfet lui-même ignore le projet dont M. de Beauvillé vient d'entretenir l'assemblée.

La proposition de M. de Beauvillé est mise aux voix,

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