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sur le lieu de naissance de Godefroy, dit dans son rapport (pag. 427 et 428) Basy ou Baisy, anciennement nommé Basin, Basir ou Basieu, parait devoir l'emporter. Nos plus anciennes et plus respectables chroniques brabançonnes y plaçent le berceau de Godefroy, dans le château dont, au dernier siècle, on montrait encore quelques restes près de l'église du village.

» Jean de Klerk, en son vivant secrétaire d'Anvers, né vers 1280, et mort en 1351 (voyez Willems, les gestes des ducs de Brabant, introd. p. x) dit en vers flamands ce qui suit traduit en latin: (Brabantsche yeesten, lib. 2, c. 2, v. 195 à 199, t. 1, p. 286) et Lotharingia remansit tunc super ejus nepotem de Bulonio, filium ejus sorroris S. Idæ, quæ maxime illis temporibus apud Bruxellas habitabat, et ibi in vicinia et apud Genapium, ut reperitur, habebat insuper mansionem. Etiam ibi sæpe habitabat in hoc loco, et tenebat tres suos filios sub ipsius vergâ illic, et docebat eos pudorem et honorem, et super omnia servire dominum nostrum.

» L'excellente chronique de Brabant dite: de excellente cronike, dont l'auteur a eu de Klerk sous les yeux, dit: Si waren opghevoet te Basin, bi Genapien: Ils furent élevés à Baisin près Genappe.

« En 1840 M. Willems a publié dans son Belgisch museum, (t. 2, pag. 391 à 399) quelques pages sur la question: Où Godefroy de Bouillon a été baptisé? La conclusion de ce travail est que Godefroy n'a pas été baptisé à Genappe, mais à Baisy. Il cite à ee propos, le légendaire de Rouge Cloitre; un manuscrit du xva. siècle, contenant les échevins de Gand, depuis 1301 jusqu'en 1463, et les mémoires de Jacques du Clerck, publiés par MM. de Reiffenberg, Buchon, etc... A la suite des échevins de Gand, on lit en flamand ce qui suit: En juillet 1459, naquit à Genappe, au-dessus de Bruxelles, Joachim, fils du dauphin de France, et fut fait chrétien (baptisé) à la Couture (village), où Godefroid de Bouillon fut fait chrétien (baptisé). Du Clerck. liv. III, chap. XLVII, écrit: Par ung vendredy xvi. jour de juillet, la fille du duỡ de Savoye, et femme à Loys, aisné fils du roy de Franche, ens ou chasteau de Genappe, en Brabant, accoucha d'ung fils... et le §.a

jour d'aoust fut le dit enfant baptisé ès fonts de la paroisse dudict Genappe, es quels, tout comme on disoit, avoit jadis esté baptisé Godefroy de Bouillon, quy jadis avoit conquesté Jherusalem, et en avoit esté roy, et sy avoit esté né audict chasteau.

>> Le P. Debuck mentionne ensuite un éloge de Godefroy de Bouillon, composé vers 1830, par M. Schrant, professeur à l'Université de Gand, qui avait visité le petit village de Baisy, et le baptistère ci-dessus cité; qui n'indique aucune nouvelle autorité pour établir dans ce pays la naissance de Godefroy de Bouillon. Il rapporte seulement qu'on aurait vu dans le siècle dernier une pierre portant le nom de Godefroid, et qu'il résulterait de la tradition des habitants du pays que Baisy avait vu naître le grand homme.

» Le P. Debuck ajoute qu'il n'a rien retrouvé dans la vie de sainte Ide; et que l'ancienne chronique de Brabant, qu'il a nommée en commençant, d'après M. de Ram, n'est rien autre chose que la Genealogia ducum Buloniensium, composée avant le départ de Godefroy pour la croisade et imprimée dans Pertz: Monumenta Germanica t. 1x. Le manuscrit de M. de Ram a été un peu augmenté, mais c'est le même fond.

Le P. Debuck cite pour l'opinion contraire l'écrit de M. Hédouin. Je vais indiquer plus loin les autorités invoquées par ce dernier.

On est surpris, après l'examen des passages invoqués par M. de Ram, de l'affirmation si positive des savants belges. Le P. Debuck ne peut modifier ce sentiment. Ce qu'il y a de plus précis est sa première citation; mais quelle authenticité peut avoir ce qu'on trouve écrit sur deux feuillets de garde d'un manuscrit sans nom d'auteur, et d'une écriture d'environ 1269, c'est-àdire près de deux cents ans après l'époque présumée de la naissance de Godefroy de Bouillon: nati tamen et nutriti sunt in Brabantia. Comment, les trois seuls fils qu'on donne ici à Eustache aux grenons seraient nés tous trois et auraient été élevés à Baisy, en Brabant? Cela ne peut être admis. Jamais, non plus, ils ne se sont tous appelés de Boilon: qui licet nominati sunt de Boilon. Les mentions de la vie de sainte Ide ne sont pas plus précises.

On aurait montré dans l'église de Baisy les fonts où Godefroy aurait été fait chrétien. A-t-il été baptisé aussitôt sa naissance? Ces mots initiatus, ou fait chrétien, ne peut-il signifier qu'il a prêté serment de seigneur chrétien, ou comme duc de Bouillon ou comme chevalier?

Godefroy de Bouillon est-il né dans le comté de Boulogne?

M. Hédouin, avocat et membre de la Société d'agriculture et des belles-lettres de Boulogne-sur-mer, a publié, le 15 septembre 1832, un mémoire pour établir que Godefroy de Bouillon était né à Boulogne. Voici les autorités qu'il invoque :

<< Guillaume de Tyr dans son histoire des faits et gestes dans les régions d'outremer, liv. ix, s'exprime ainsi: Godefridus oriundus vero fuit de regno Francorum, de Remensi provinciâ, civitate Boloniensi, quæ est secus mare Anglicum sita. Ce que M. Guizot a traduit: Godefroy était originaire du royaume de France, de la province de Rheims, et de la ville de Boulogne, située sur le rivage de la mer d'Angleterre.

> Cet historien est certes le plus digne de foi. Il est presque le contemporain de Godefroy de Bouillon, puisqu'il écrivait 69 ans après la mort du héros des croisades. Il était du même rang que les chefs croisés. Ses relations avec eux étaient intimes', et il avait bien connu les anciens compagnons du héros de ce temps.

Le Père Lequien, né en 1661, et qui a passé une grande partie de sa vie à faire des recherches sur les chroniques et les antiquités du Boulonnais, dit dans son histoire: « Eustache II, surnommé aux grenons, était comte de Boulogne, et tenait dans cette ville une cour brillante, qui le fit appeler par le chroniqueur Paul-Emile, le petit roi Boulonnais. En visitant la basse Lorraine, il s'arrêta à Bouillon, résidence habituelle de Godefroy le Barbu, son parent, et y épousa sa fille Ide qu'il emmena avec lui, et dont il eut plusieurs enfants. »

De Locres, dans sa chronique de Belgique, et le Père Malbrancq dans son ouvrage prétendent que Godefroy a reçu le jour à Wasta ou Wastenée, près St.-Omer. Ils s'appuyent du texte d'un passage des antiquités de Wasserberg, chanoine de Verdun. Ce Wasta ou Wastenée a été démontré ne pouvoir être

que le Wast, village à 16 kilomètres environ de Boulogne vers St.-Omer. Les comtes de Boulogne y avaient un château, et sainte Ide y aurait fait rebâtir, suivant Malbrancq, un prieuré des religieux de saint Bertin, de St.-Omer.

M. Dufaitelle, archéologue de Calais, a découvert une histoire manuscrite de la ville capitale de Boulogne et des comtes Boulonnais par un prêtre nommé Luto, qui vivait au commencement du siècle dernier, et qui était l'ami et le correspondant de Lequien. Il s'explique ainsi sur la question actuelle. Les registres de Boulogne marquent un lieu où Godefroy, surnommé de Bouillon est né, c'est l'endroit où se trouve construit l'hôtelde-ville, et où était autrefois le palais des comtes.

Enfin M. Henry, qui a fait une histoire de Boulogne imprimée en 1810 à Boulogne chez Leroy-Berger, a affirmé avoir un manuscrit de 1650, d'un auteur inconnu, énonçant des faits parfaitement exacts de l'histoire de Boulogne, et contenant ensuite ce passage: « Aucuns disent qu'Ide, la mère de Godefroy, accoucha en la ville de Boulogne, en l'hostel de ville qui est sur la place, et auquel a été éleué un beffroy ou clocher pour servir à la dite ville pour les découvertes. Autres qu'il est né dans le bâtiment vis à vis, qui a été depuis dédié en abbaye, nommée saint Wilmer (saint Wulmer devenu l'Oratoire). >>

Comme complément de ces citations je vais transcrire la lettre du 20 avril 1854 que j'ai reçue de M. le chanoine et vicaire général Parenty, président de l'Académie des sciences et des lettres d'Arras.

<< M..., je commence par un trait de la vie de sainte Ide écrite par un religieux du Wast, qui a vécu de son temps. Il m'a semblé qu'il était permis de conclure de ce passage que les trois fils d'Eustache aux grenons sont nés dans le comté de Boulogne. J'ai traduit sans prétention aucune le texte inséré t. n, d'avril, des Acta sanctorum, fol. 139 à 150.

» Le comte Eustache ayant appris de source certaine, sur le rapport d'un grand nombre de personnes, que la susdite vierge Ide ne laissait rien à désirer sous le rapport de son illustre naissance, de sa beauté et de la pureté de sa vie, envoya des ambas

sadeurs d'un jugement sûr et d'une éloquence bien connue, qui demandèrent au duc Godefroy sa fille en mariage, par ce motif qu'il se formerait ainsi entr'eux un lien indissoluble d'amitié.... Lorsqu'il eut pris conseil.... il confia aux envoyés l'honorable vierge Ide, et leur adjoignit quelques personnes de confiance.... Lorsqu'ils approchèrent du territoire Boulonnais, toute la ville alla au-devant du cortège, en témoignant une grande joie.

» Après avoir été reçue avec distinction, elle fut unie au comte Eustache de Boulogne, selon le rit de l'Eglise catholique. Les noces furent célébrées avec solennité, et la vénérable Ide s'appliqua, sous la dignité de comtesse, à s'attacher fidèlement à ce qui tenait au monde. Elle usa saintement et avec chasteté du mariage, conformément au conseil de l'apôtre. Dieu permit qu'elle mit au monde trois fils.... Le premier fut Eustache, qui devint comte de Boulogne et se distingua par son courage. Le second fut Godefroy, qui prit le nom et posséda le duché de son ayeul. Après qu'il eut par un effet de la miséricorde divine triomphé des Turcs, il devint par une autre grâce premier roi de Jérusalem. Il y eut un 3. fils, non moins vaillant que les deux ainés, ce fut Beaudouin, qui fut seigneur d'Acre et de ses dépendances. De plus il fut honoré de la dignité royale, après la mort de Godefroy, son frère. Or quoiqu'elle eût été mère de plusieurs fils, la vénérable Ide ne voulut point qu'ils fussent nourris au berceau d'un autre lait que le sien, dans la crainte de laisser inoculer de mauvaises mœurs. »

« L'ordre de la naissance des fils de sainte Ide, tel qu'il est établi dans le narré ci-dessus du bénédictin du Wast, est conforme à celui qu'elle régla elle-même dans une charte de 1098, qu'elle édita en faveur de l'abbaye de St.-Bertin. Mais il existe d'autres titres et documents ou Godefroy vient en premier lieu. Quoiqu'il en soit de la progéniture de ce héros, il n'en parait pas moins probable, d'après ce qu'on vient de lire, que le comte Eustache ne résida pas en Brabant après son mariage, et que ses enfants naquirent dans le Boulonnais. L'auteur précité mentionne plusieurs voyages de sainte Ide, mais ils n'eurent lieu qu'après la mort de son mari.

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