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sequendum. Au haut de la page l'écrivain a dessiné une feuille de l'arbre qui lui a fourni la matière sur laquelle il a inscrit l'épitaphe ainsi conçue:

EPITAPHIUM SUper Guidonem SILVANECTENSEM CANTOREM.

Cura chori, regimen vocum, moderatio cantus,
Nullus in officiis et nullus in ordine tantus.
Moribus et vita virtutum flore polita
Ad bene vivendum se prebuit iste sequendū.
Tertia lux Aprilis erat, cum, sole ruente,
Guido ruit faciens in relligione ruinam.

NOTICE

SUR LE LIEU ET L'ÉPOQUE DE LA NAISSANCE
DE GODEFROY DE BOUILLON,

Par M. DE POUCQUES D'HERBINGHEM, membre titulaire résidant.

On n'a trouvé, pour résoudre ces deux questions, aucun texte précis d'historiens contemporains; ou, dans les historiens postérieurs dignes de foi, aucune mention d'écrits ou de monuments établissant la date et le lieu de naissance du héros des croisades. L'histoire est surtout silencieuse sur l'époque précise de la naissance.

Godefroy de Bouillon n'est-il pas né à Boulogne, lieu de la résidence habituelle de son père, prince souverain, et de sa mère? Des savants belges ont prétendu qu'il avait reçu le jour dans leur pays, au château de Baisy, près de Nivelles. Cette opinion fortement soutenue à l'Académie royale de Belgique, s'est traduite par l'érection de la statue de Godefroy de Bouillon sur l'une des places de Bruxelles. Seulement le corps savant belge, consulté par son Gouvernement pour l'inscription à mettre au bas de la statue, inscription dans laquelle on aurait indiqué le lieu de la naissance, n'a pu s'entendre pour l'énonciation du fait qu'il avait avancé, et que des hommes sages doivent regarder comme très contestable.

J'ai recherché dans les bulletins de l'Académie royale des sciences, lettres et beaux-arts de Belgique, ce qui était relatif à la question de nationalité de Godefroy de Bouillon. Dans le tome xix, à la page 428, M. le chanoine de Ram a résumé quelques autorités sur cette question. Sa discussion ne m'a pas semblée complète, et j'ai osé recourir aux révérends pères Jésuites Bollandistes de Bruxelles. On m'avait dit qu'ils possédaient une bibliothèque riche surtout en manuscrits. J'ai fait apostiller ma lettre par le Père supérieur des Jésuites d'Amiens, et j'ai reçu des Pères Bollandistes une réponse que j'ai lieu de penser provenir du savant et modeste père Debuck. Elle contient l'énonciation des autorités principalement favorables à l'opinion belge. Mais, avant de la rapporter, ainsi que les titres de la prétention contraire en faveur de Boulogne-sur-mer, il faut rappeler ce qui serait établi d'une manière plus certaine.

Eustache II, dit aux grenons, parce qu'il portait de longues moustaches, était comte souverain de Boulogne-sur-mer, et l'un des puissants seigneurs de son temps. Il épousa d'abord Goda ou Godoya, sœur de saint Edouard le Confesseur, roi d'Angleterre, et n'en eut pas d'enfants. Il était veuf, lorsqu'en 1059 il reconduisit à Rome le pape Victor, venu à Cologne pour présider le concile tenu dans cette ville. A son retour d'Italie, il traversa la basse Lorraine dont Metz et Verdun étaient les principales villes, avec plusieurs seigneurs qui l'avaient accompagné; il s'arrêta à Bouillon, qui était la résidence de Godefroy le Barbu, et y épousa Ides, fille de ce dernier, connue plus tard sous le nom de sainte Ide, et descendante de Charlemagne. Eustache aux grenons eut d'Ide plusieurs enfants. Les historiens ne sont pas d'accord sur leur nombre, et sur leur ordre de progéniture. Suivant les uns, ces enfants auraient été: 1°. Godefroy de Bouillon, 2o. Eustache III, qui aurait succédé à son pèré pour le comté de Boulogne, 3°. Beaudouin, qui devint deuxième roi de Jérusalem à la mort de Godefroy, 4°. Guillaume, 5o. et 6. deux filles, dont l'une nommée Adelède aurait été mariée à Henri IV, empereur d'Allemagne. Suivant d'autres chroniques, Eustache Il n'aurait eu que trois enfants: 1°. Eustache III, qui

aurait succédé à son père, 2o. Godefroy de Bouillon et 3o. Baudouin; ou, suivant cet ordre: Eustache III, Baudouin et Godefroy de Bouillon. Le frère de la comtesse Ide, nommé Godefroy ie Bossu, était un chef de mérite, grand ennemi du roi de Saxe. Robert, comte de Flandre, l'aurait fait traitreusement assassiner. Il n'avait pas d'enfants de sa femme Mathilde, fille d'un prince de Lombardie. Avant de mourir il avait nommé pour son héritier Godefroy, fils du comte de Boulogne et de l'une de ses deux sœurs. Cette mort arriva en 1076. Godefroy, devenu ainsi duc de Bouillon, avait été élevé, ainsi que ses frères, selon les écrivains anciens et les chartes de couvent cités dans l'ouvrage de M. Michel Vion sur Pierre l'Hermite, pages 198 et suivantes, par ce grand prédicateur des croisades, envoyé à Eustache II, comte de Boulogne, par son frère Geoffroy, évêque de Paris. Sa mère sainte Ide l'aurait aussi conduit à son grand oncle maternel Godefroy, abbé supérieur du couvent de Saint-Quentin, près Péronne. Il était très-jeune, lorsque conduit aussi par sa mère à son oncle Godefroy le Bossu, il s'était distingué, dans des expéditions guerrières où il l'accompagnait, par un courage et une force remarquables, et avait été fait chevalier avant la mort de cet oncle. Ces circonstances expliquent son adoption par ce dernier, mais ne fournissent aucun indice que lui ou ses frères ne seraient pas originaires de Boulogne, résidence et principal lieu de souveraineté de leurs parens. Bientôt Godefroy eut à soutenir des guerres pour son héritage du duché de Bouillon avec les princes voisins, parmi lesquels l'évêque de Liège était regardé comme le plus redoutable. L'empereur d'Allemagne, Henry IV, n'eut pas égard au testament de Godefroy le Bossu, et donna l'investiture du duché de basse Lorraine à son fils Conrad. Godefroy réclama aussi par les armes cette partie de son héritage, principalement contre les évêques et comtes de Verdun. L'empereur le reconnut plus tard comme souverain de basse Lorraine. Il fit ensuite la guerre avec cet empereur contre le Pape, et fut atteint d'une maladie grave. Alors les prédications pour les croisades soulevaient les peuples chrétiens. Godefroy de Bouillon, comme presque tous les braves seigneurs de son temps, prit la croix

pour aller à la délivrance du tombeau du Christ. Avant son départ avec une nouvelle armée de croisés, en 1095, il vendit avec le consentement de la comtesse Ide, sa mère, devenue veuve, ses duchés de Bouillon et de basse Lorraine. Celle-ci fit construire la Cathédrale de Boulogne, fonda plusieurs maisons religieuses dans le Boulonnais, l'une au village de le Wast, où les comtes de Boulogne avaient un château, et une autre à la Capelle, au village des Attaques, près de Calais. Elle établit aussi plusieurs couvents en Belgique, dans les terres qui dépendaient du duché de Bouillon. Les chartes de ces couvents mentionnent son affection pour ce pays, les séjours plus ou moins longs qu'elle y fit, mais sans désigner les époques et les durées de ces séjours.

Eustache aux grenons, après son second mariage, dut revenir dans ses états et y ramener sa femme. Celle-ci demeurait près de lui, lorsqu'elle eut plusieurs enfants. Eustache prit part en 1066 à la conquète d'Angleterre, avec Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, et reçut de grands biens dans ce pays. La comtesse Ide, après la mort de son mari arrivée en 1070, a dû aller dans le duché de Bouillon où elle possédait et héritait de grands biens, et pour y visiter sa famille.

Beaucoup de monuments historiques contemporains de cette époque existent en Belgique. Ils relatent les naissances, les alliances et les décès des souverains du pays. Tous sont silencieux sur le lieu et l'époque de la naissance de Godefroy de Bouillon. Quant à ceux qui devaient exister dans le Boulonnais, ils auront été détruits dans les guerres qui ont tant ravagé ce pays frontière. Boulogne a été pris par les Anglais en 1556, et possédée par eux jusqu'en 1560. Tous les historiens de cette dernière époque racontent avec désolation les ravages et les destructions alors exercés dans le pays.

Je vais présenter d'abord ce qui concerne les prétentions belges, et, pour qu'elles aient toutes leurs forces, je demande la permission de transcrire presqu'entièrement la note du R. P. Debuck:

<< Sur le lieu de naissance de Godefroy de Bouillon, nous citerons d'abord l'ancienne chronique des ducs de Brabant. M. Bor

mans, professeur à l'Université de Liège, a trouvé cette chronique sur deux feuillets de garde d'un manuscrit de la bibliothèque de l'Université de Liège, no. 77. L'écriture est environ de l'année 1269, époque du mariage de Jean Ir, avec Marguerite de France. Le manuscrit commence par les mots : incipit genealogia Karoli magni (1). On y lit: Godefridus dux genuit Godefridum Gibbosum ducem et sanctam Idam, Bononiensem comitissam, matrem Godefridi de Boilon, ducis Lothariengie, post mortem Godefridi Gibbosi, et regis Jherusalem, et matrem Balduini, regis Therusalem, et Eustacii, comitis Bononiensis; qui licet nominati sunt de Boilon, noti tamen et nutriti sunt in Brabantid, silicet apud Baisiv apud Genapiam castrum ducis Brabantie (2). M. de Ram, recteur de l'Université de Louvain, et membre de de l'Académie de Bruxelles, ajoute en note: il y a évidemment dans le manuscrit Baisiu, c'est-à-dire Baisy. Dans une note jointe à son rapport sur l'inscription pour la statue de Bouillon, il fait la remarque suivante: Genappe et Baisy étaient des alleux de la mère de Godefroy, comme le prouvent les chartes de 1094 et 1096 (Apud Miræum op. diplom., t. 1, p. 76 et 77). Elle faisait sa résidence ordinaire à Baisy, et voilà pourquoi un auteur de sa vie publiée par Henschenius dans les Acta sanctorum, t. 11, april, p. 146, dit: apud Bruxellam..... vel circa eam magná ex parte vitæ suæ mansionem fecit, et justa Genapiam, cum filiis honestissime conversans, habitavit. Monstratur illuc (à Baisy, près Genappe) usque hodie fons sacri baptisterii, in quo Godefridus ejus primogenitus fertur fuisse initiatus. Cette vie est extraite du célèbre légendaire de Rouge Cloitre dans la forêt de Soignies, composée au xv. siècle par le célèbre Gellenaus.

« M. de Ram, après avoir rapporté les différentes opinions

(1) Cette description ou cette notice sur le manuscrit est littéralement prise des recherches sur l'histoire des comtes de Louvain, et sur leurs sépultures à Nivelles, par P. J. X. de Ram. Bruxelles 1851, p. 27, n. 1. (2) M. de Ram cite ce passage dans les recherches cit. p. 28, et le note de nouveau dans son rapport sur l'inscription de Godefroy de Bouillon, Inséré dans la 1.re partie du tome xix, p. 428 des bulletins de l'Académie de Belgique.

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