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CONCLUSION

Des considérations de haute convenance nous obligent d'arrêter notre course à travers les âges qui ont vu naître, croître et s'embellir notre l'Isle-Adam; plusieurs l'appellent bourg et même ville; mais toute notre ambition est de lui laisser le nom si gracieux d'un humble village.

L'Isle-Adam a vu la longue lignée de ses seigneurs se succéder et s'éteindre; leur nombre, leur mérite, leur gloire, leur destinée ressemblent à peine au nuage que colore et embellit les derniers rayons du soleil couchant; ses forteresses, ses tours, ses châteaux ont disparu; son vieux moutier, son prieuré, sa maladrerie n'ont plus conservé que le souvenir de leur emplacement; nous chercherions en vain à saisir les derniers échos des chasses bruyantes, des fètes splendides, auxquelles prenaient part, il y a plus d'un siècle, les princes du sang, les hauts personnages, les savants et les artistes à grande renommée, mais nous y retrouverons toujours la rivière d'Oise aux gracieux contours, aux rives fleuries, les îles où s'élevaient les palais de nos princes, et qui rappelaient en petit l'opulente Venise bâtie sur les eaux de l'Adriatique,

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Si parva licet componere magnis, enfin cette couronne de bois où croissent à profusion la violette, le muguet et cette flore si variée et si recherchée des botanistes (1). Il n'y a point de vicissitudes pour les beautés immuables de la nature, tandis que dans les révolutions politiques les palais des princes, les colonnes de marbre, les statues de bronze, les cités mêmes disparaissent en un instant; la simple fleur des champs, bravant tous ces orages, croît, brille et se multiplie toujours en exhalant ses parfums si purs et si suaves. Elle sera éternellement vraie, cette grande parole du maître : L'homme superbe servira d'escabeau, tôt ou tard, à l'homme modeste.

(1) Tous les ans nous voyons la joyeuse colonie de l'École de pharmacie de Paris venir herboriser dans notre forêt; essaim bourdonnant qui butine, avec une louable avidité, les espèces les plus rares de notre flore luxuriante.

APPENDICES

I

Sur les Écoles

Nos registres paroissiaux, qui remontent au xvie siècle, nous apprennent qu'on n'a jamais négligé l'instruction de la jeunesse dans la commune de l'Isle-Adam. Nos seigneurs, parfois évêques, et ceux qui ont fondé le prieuré et la maladrerie n'ont pas dû laisser dans l'ignorance la jeunesse de leur pays du reste, le nombreux clergé qui desservait les établissements religieux de la paroisse n'a jamais cessé d'obéir à cette si touchante recommandation du divin Maître : Laissez venir à moi ces jeunes enfants. Les conciles faisaient au clergé une obligation de se livrer à l'enseignement des enfants du peuple.

C'est surtout au xviie siècle que nos écoles ont pris un nouveau développement. C'est le prince Armand de Conti qui, en 1666, établit définitivement les prêtres missionnaires de Saint-Joseph pour le service religieux de la paroisse; l'un d'eux était spécialement chargé de l'école des garçons; il remplissait ces fonctions depuis 1660; une maîtresse d'école s'occupait des jeunes filles.

C'est de cette même époque que l'on peut constater les progrès obtenus dans l'instruction; nos registres paroissiaux en font foi, car, outre que le nombre des illettrés diminue, on remarque une meilleure calligraphie dans les signatures des actes religieux.

Il est donc bien constaté qu'en 1660, il y avait des écoles dans les paroisses; celle des garçons avait pour instituteur un vénérable prêtre de la congrégation de Saint-Joseph, qui, pendant trente ans, a rempli avec zèle et succès ces modestes fonctions; nous trouvons son éloge inscrit dans nos registres, digne récompense qu'il nous est doux de lui accorder en consacrant ici cet impérissable souvenir. L'école des filles était dirigée par une institutrice; mais si, pour lors, le programme des études n'était pas surchargé, la somme de l'éducation ne laissait rien à désirer; pour toute critique, nous répéterons cet ancien adage : le mieux est souvent l'ennemi du bien.

Au xvne siècle, un nommé de Latour, ami de l'enfance et bienfaiteur des écoles, fit un legs assez important en faveur de ces établissements d'instruction.

Le prêtre instituteur reçut alors un traitement de 160 francs, et les honoraires de l'institutrice s'élevèrent à la somme annuelle de Goo francs, mais plus tard ce traitement fut réduit à 480 francs, la rente léguée ayant subi une réduction.

Durant la première Révolution, nos écoles ont ressenti le contrecoup de ces temps désastreux; il ne pouvait en être autrement avec les tristes instituteurs qui remplacèrent les anciens. L'un était complètement illétré, l'autre n'avait pas appris et moins encore pratiqué la vertu de sobriété.

Les registres municipaux nous font connaître un troisième instituteur de nos pauvres écoles. Un Sr d'Eaubonne déclare ouvrir une école pour les garçons, et sa femme pour les filles. Ledit d'Eaubonne enseignait depuis plusieurs années. Toutefois il ne paraît pas que cet instituteur ait longtemps tenu son école ouverte, car, le 24 fructidor an 11, il était administrateur du Directoire au district de Pontoise. Cet homme paraissait peu convenable, car il fut un de ceux qui avaient dénoncé M. Martin, curé de l'Isle-Adam; par suite de cette dénonciation, ce vénérable prêtre subit une détention qui dura près de quinze mois.

Le programme de nos écoles était assez grotesque; en voici un échantillon : Tous les décadi le peuple se rassemblera dans le temple; les enfants seront placés dans le chœur, les filles à droite et les garçons à gauche. L'instituteur fera réciter à ses élèves ce qu'ils auront appris pendant le cours de la décade. De préférence on leur fera lire quelques articles de la déclaration des Droits, de la Constitution et les paragraphes les plus frappants des livres républicains, les traits d'héroïsme et autres à leur portée. Les vieillards décideront quel est l'enfant qui aura mérité le prix. Le plus ancien des vieillards lui attachera à la boutonnière un ruban tricolore qu'il portera pendant le cours de la décade suivante.

Outre ces deux écoles primaires, la communauté des prêtres de Saint-Joseph avait une vingtaine d'élèves; cette institution s'appelait le Petit-Collège; au nombre de ces jeunes collégiens nous pouvons citer avec orgueil M. Dambry, enfant du pays, qui a rempli les honorables fonctions de maire, de conseiller général et de député; la simplicité d'un appendice nous permet à peine de répéter de lui : Ipse sibi elogium.

Terminons cette rapide étude sur l'instruction dans notre l'IsleAdam, en citant quelques lignes d'un rapport du savant Fourcroy, conseiller d'Etat, en mission en l'an ix; il s'exprime ainsi sur l'enseignement sans Dieu donné à cette époque dans les écoles pri

maires : << Les parents n'envoient pas leurs enfants chez les maîtres où l'on n'enseigne pas la religion; ils l'exigent de ceux qu'ils payent pour les instruire. Défendre, d'ailleurs, aux maîtres d'écoles d'en parler, c'est le faire désirer davantage par les pères de famille. » Il dit ailleurs, dans un autre rapport :

<< Il paraît certain que le défaut d'instruction sur la religion est le motif principal qui empêche les parents d'envoyer leurs enfants aux écoles; on préfère les envoyer chez des maîtres particuliers qu'on aime mieux payer, parce qu'on espère y trouver une meilleure instruction, des mœurs plus pures et des principes de religion auxquels on tient beaucoup. »

En conséquence, Fourcroy, dont l'attachement aux idées de la Révolution ne pouvait être suspecté, conseillait au gouvernement d'alors, non seulement de tolérer, mais de prescrire l'enseignement religieux dans les écoles primaires. Ce sage avertissement ne manque pas d'à-propos.

II

Sur les monuments détruits ou subsistant encore

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I. Pont du Moulin : Ce pont banal a été détruit en 1835, lors de l'établissement du barrage; ce pont a été élargi en 1845; de nouvelles réparations ont été exécutées en 1881.

II. En avant et à droite du pont du moulin se trouvaient la grande salle des audiences et les prisons féodales. Ces bâtiments ont été démolis après la Révolution.

III. — A l'extrémité gauche du même pont, s'élevait l'ancienne tour, ou château-fort; ce vieil édifice, qui portait sur ses murs noircis par les siècles les glorieuses cicatrices que le roi Henri IV lui avait faites durant les combats de la Ligue, a été démoli par le prince Armand de Conti au commencement du dernier siècle (1710). IV. Le château, reconstruit plusieurs fois, avait été restauré, vers la fin du dernier siècle, par le prince Joseph de Conti, dernier du nom. La toiture avait été dissimulée par un attique surmonté d'une balustrade avec faisceaux de guerre aux angles. Ce castel, acheté par la bande noire, a été détruit de fond en comble. L'élégante maison, style Louis XIII, qui remplace le château de nos

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seigneurs, a été construite par M. E. Ducamp. Cette nouvelle habitation, incendiée après les combats et de sang froid, par l'armée prussienne en 1870, a été restaurée.

V. En face du château et séparé par la route, se trouvait le prieuré fondé au x1° siècle. En 1709, la chapelle et les bâtiments du prieuré, tombant en ruine, ont été achetés par le prince Armand de Conti; le fief, la maison et les terrains que possédait M. Bardou de Valicieux ont été donnés en échange de cette acquisition, ainsi qu'il a été dit dans la notice historique de ce prieuré (1).

La chapelle était surmontée d'une flèche très haute. Moreau l'aîné, qui a gravé le château, indique cette flèche élégante qui domine la chapelle et les arbres séculaires du prieuré.

VI. Le pont du milieu, dit : le GRAND-PONT, s'est appelé aussi Pont de la Cohue, et Pont de la Croix, à cause de la croix en pierre qui le surmontait, selon la coutume de la confrérie des pontifes, ou pontiers.

Ce pont, dont la hardiesse et l'élégance semblaient rappeler une œuvre de Péronnet, était orné des armoiries des princes de Conti; cette œuvre d'art a été détruite par la mine pour se défendre contre l'invasion de l'armée prussienne, en 1870. Après la guerre il a été remplacé par un pont en fer.

VII. La monographie de l'église, publiée en 1879, nous dispense de parler de ce monument et des richesses artistiques qu'il renferme; nous devons signaler ici l'Hôtel-de-Ville et la maison presbytérale; ces deux constructions accompagnent l'église et semblent reproduire l'ombre des monuments incomparables qui décorent la place de Pise.

VIII. Nous ne pouvons omettre de parler des splendides écuries que fit construire le prince Joseph de Conti. Le Sr André, architecte, nous en a conservé les plans. Ces vastes constructions avaient été décorées par les sculpteurs Moite et Mérard.

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IX. Non loin de l'emplacement des écuries du prince, un bienfaiteur, en souvenance et recommandation de sa sainte femme, M. Chantepie-Mancier, a fait construire un hospice pour soigner les malades de l'Isle-Adam et de Parmain.

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X. A la suite des croisades, nos seigneurs avaient fondé une léproserie. Cet hospice était situé rue Saint-Lazare, en face de la fabrique actuelle de porcelaine. Au xive siècle, la lèpre ayant cessé en France, cet établissement a fait retour aux seigneurs de l'IsleAdam.

(1) Notice historique sur le Prieuré de N.-D. de l'Isle-Adam. Société Historique du Vexin, t. IV.

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