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Succession des divers Seigneurs qui ont possédé le Domaine de l'Isle-Adam

Les quatre principales familles qui ont possédé et illustré l'IsleAdam sont :

1° La famille de l'Isle, qui semble avoir pris le nom de son domaine et auquel les propriétaires ajoutèrent le nom patronymique de Adam; d'où il est arrivé qu'ils se sont fait appeler non plus Adam de l'Isle, mais de l'Isle-Adam.

2o A la famille de l'Isle-Adam a succédé la famille de Villiers qui a pris nom de Villiers-Adam, ou de Villiers de l'Isle-Adam.

3° Aux de Villiers ont succédé les puissants seigneurs de la maison de Montmorency.

4o Ces derniers ont été remplacés par la branche royale des princes de Bourbon-Conti.

Ainsi le grain si petit qui a été confié au sein fécond de notre terre a germé et s'est développé de manière à devenir un grand arbre.

Il est de notre devoir d'indiquer les plus illustres personnages de ces anciennes familles, surtout ceux qui ont le plus contribué à la prospérité de notre contrée. Nous éviterons, autant que possible, d'entrer dans le domaine de l'histoire de France, où se trouvent consignés les faits et gestes de nos nobles seigneurs. Notre tâche est bien plus modeste. Nous essayerons de nous renfermer dans l'intimité de leur vie privée.

Adam de l'Isle, le fondateur du prieuré de Notre-Dame de l'IsleAdam (1) est regardé comme le premier seigneur et le créateur de l'Isle-Adam, sans doute à cause des postes importants qu'il occupait à la cour du roi Philippe Ier.

Ce même Adam est l'un des seigneurs et officiers de la couronne qui signèrent, en 1069, la charte de confirmation que le roi Philippe ler, étant à Pontoise, fit de la fondation de l'église de Saint-Germain, appelée depuis Saint-Martin-de-Pontoise (2).

Ancel ou Anceau Ier, fils de Philippe de l'Isle, est l'un des premiers fondateurs de l'abbaye du Val, en 1136. Il y fut inhumé.

Ce monastère était situé primitivement sur la paroisse de VilliersAdam, ensuite sur celle de Mériel, depuis l'érection de cette annexe en cure, en 1713. Mais déjà, en 1125, les moines du Val étaient

(1) Voir la Notice historique du Prieuré de l'Isle-Adam.

(2) Moréri. Famille des de l'Isle.

établis au lieu dit le Vieux-Moutier, qui n'est qu'à quelques pas plus haut, à la source même du rû qui arrose la vallée (1).

Adam III, seigneur de l'Isle, qui avait fait trois fois le voyage de la Terre-Sainte, augmenta les biens que son père, Anceau Ier, avait donnés à l'abbaye du Val.

Anceau II, fils du précédent, confirma les revenus du prieuré de l'Isle-Adam, constitués par son père et ses aïeux. Il les augmenta lui-même en donnant quatre septiers de pur froment et deux muids de vin du meilleur de son clos pour le pain et le vin de la célébration des messes. Nous en trouvons le témoignage dans l'acte de donation de l'an 1184.

L'année suivante,. Thibaud et Adam, frères du précédent, d'accord avec leur frère aîné, déposèrent sur l'autel l'acte de leur propre consentement et donation, Mecum posuerunt super altare, 1182.

Ce ne fut cependant qu'au XIIe siècle que Ancel ou Anceau, IIIe du nom, et l'un des petits-fils d'Adam de l'Isle prit le surnom de l'Isle-Adam.

Ce seigneur fit, en 1239, comme croisé, le voyage de TerreSainte avec Amaury de Montfort, connétable de France, son cousin, et autres princes et grands seigneurs.

De retour de la croisade, il fit son testament en 1251. De son premier mariage il eut Jean, qui lui succéda. Jean vivait en 1275. Anceau IV, fils de Jean, dont l'existence est constatée en 1289, épousa Isabelle de Mareuil. Il eut de cette union Jeanne, dame de Valmondois, Isabelle, dame de Nogent, et Guillemette, dame de l'Isle-Adam qui eut en partage notre seigneurie.

Cette dernière épousa Robert de Fontaine, baron d'Ivry, et, étant morte sans enfant, laissa la terre de l'Isle-Adam à Guillemette de Luzarches, sa cousine.

Il n'est pas sans intérêt de citer ici quelques particularités d'une lettre de cette noble châtelaine qu'elle écrivait en forme de donation testamentaire, le 30 novembre 1350. C'est un épisode de la guerre de cent ans qui, pour lors, dévastait l'Isle-Adam et désolait toute la contrée.

« Affirmant comme au grant besoing et nécessité qu'elle a eu de >> reffuge pour le fait des guerres qui ont esté et sont encores ès >> parties du Veulguessin (Vexin), tels et si grans que la dite Dame

(1) Dom Mabillon pense que cette abbaye du Val était le monastère même de Tusonis Vallis et appartenait à l'abbaye de Saint-Denis depuis le viie siècle; mais l'abbé Lebeuf prétend que cette assertion souffre bien des difficultés. Nous pensons répondre à ces doutes en disant que la première maison bénédictine a été tout d'abord établie au hameau de Vaux, puis transférée à Méry-sur-Oise, enfin reconstruite à nouveau au Val. Dipl., page 477.- Gallia Christ., t. VII. — Hist. du Dioc. de Paris. - Archives du château de Méry-sur-Oise.

>> ne pouvoit bonnement ne seurement demourer ès maisons qu'elle » eut ne ait au dit pais; mais très hastivement s'en convint de par» tir et venir toute dépourvue en la bonne ville de Pontoise,

» La Prieure, frères et suers de l'Ostel-Dieu de Pontoise aient la » dite Dame, ses gens et tout son estat de mesnage, gracieusement >> secourue et reçue en leur dit hostel, hebregé bien et honestement, >> selon son estat, où elle, son dit mesnage sont et seront encores >> tant commes la dite Dame vivra et il lui plaira, comme accordé >> lui ont franchement et quittement sans aucun loyer ne proffit....

» Recognut la dite Dame que, en récompensation de ce, et aussi » pour ce que en oultre les diz Prieurée, frères et suers ont donné et » ottroié à la dite Dame à perpétuité une messe à note (1) estre cé» lébrée chascune sepmaine au dit hostel : c'est assavoir: tant que » elle vivra, du Saint Esprit et après son trépassement de Requiem » pour elle et tous ses amis dont elle veult Dieu estre prié; et en>> cores l'ont accueillie et accompaignée aux autres bienfais, prières >> et oraisons du dit hostel,

» La dite Dame, à tiltre de pur et vray don, et irrévocable, fait » entre les vifs, ottroie, quitte, cessie et transporte à toujours une » pièce de bois contenant vingt arpens, assise ès bois de l'Isle-Adam » qui sont à la Dame de son propre heritage : et ottroie de plus que >> tous les biens quelconques appartenans au dit hostel soient francs » et quittes au travers de l'Isle-Adam, soit en montant et avalant, » pardessus, ou pardessous le pont de la dite Ville. »>

Il nous est grandement agréable de clore la liste de nos premiers seigneurs de l'Isle-Adam en reproduisant, en partie, le titre authentique qui honore tout à la fois et la gracieuse hospitalité de la Prieure de Pontoise, et la reconnaissance non moins généreuse de notre châtelaine, la noble Dame Guillemette, Baronne d'Ivry. Ces deux actes éveillent et partagent notre commune admiration.

A la noble famille de l'Isle succéda ia famille non moins illustre de Villiers, maison considérable par les grands hommes qu'elle a produits et dont nous ne rappelons ici que les principaux personnages qui ont possédé le domaine de l'Isle-Adam.

1o Jean de Villiers qui, avant 1324, avait épousé Marie de l'Isle, issue des de l'Isle-Adam, ce qui établit la parenté entre les premiers et les seconds seigneurs de notre châtellenie.

2o Adam, seigneur de Villiers, fils du précédent, mort en 1339. Il eut pour successeur son fils Pierre, premier du nom.

30 Pierre de Villiers, Ier du nom et fils du précédent, allié à la

(1) La grand'messe chantée était dite à note, et la messe basse sans note. Benoît XIII, an. 1419. — Ducange, verbo: missa bassa.

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maison de l'Isle par son aïeule, fit l'acquisition de la terre de l'IsleAdam moyennant la somme de cinq cents livres d'or.

Ce même seigneur fut commis pour porter l'oriflamme de SaintDenis l'an 1372, et reçut cet étendard des mains de Charles V.

Ce fut également à Pierre de Villiers, devenu conseiller et chambellan du Roi, lieutenant général de Basse-Normandie et grandmaître de l'hôtel de France, que le roi Charles VI donna en garde l'oriflamme. Il la porta dans les guerres de Flandre. Cet illustre seigneur se rendit recommandable sous les règnes des rois Jean, Charles V et Charles VI, par les grands emplois qu'il remplit avec dévouement et loyauté sous ces différents monarques (1).

Nous ne pouvons en dire autant de Jean de Villiers, seigneur de l'Isle-Adam, fils de Pierre IIe du nom.

Engagé dans la faction de Bourgogne, il fut créé maréchal de France par Henri V, roi d'Angleterre, en 1418; mais rentré sous l'obéissance de Charles VII, il prit Pontoise sur les Anglais et facilita la reddition de Paris en 1436. Après une vie très agitée, il périt misérablement à Bruges, dans une sédition populaire, le 22 mai 1437.

Ce fut sous ce même seigneur que le 15 décembre 1427, un écuyer nommé Sauvaige de Fromonville, après une résistance désespérée, fut pris dans le château de l'Isle-Adam. Son exécution donna lieu à une scène émouvante et terrible. Je laisse la parole au chroniqueur :

« Il fut mis sur ung cheval, les piés liez et les mains, sans chaperon; en ce point admené à Baignolet, où le Régent étoit, qui tantost commandat que san nul delay, on l'allast pendre au gibet hastivement, sans être ouï en ses deffenses; car on avoit grand paour qu'il ne fut reconu; car de très grand lignage étoit. Ainsi fut admené au gibet accompagné du Prévost de Paris, et de plusieurs

(1) Voici le blason d'un sire de l'Isle-Adam à la fin du xive siècle :

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De gueules à la fasce d'argent à six alérions de même.

Extrait du Mémorial de France de 1406. (Bibl. Imple, n° 254), publié par M. Douët d'Arcq.

gens, et avec ce étoit un nommé Pierre Baille, qui avoit été varlet corduannier à Paris, et puis fut sergent à verge, et puis receveur de Paris, et lors étoit grand trésorier du Meinne; lequel Pierre Baille ne volt onques quand le dit Sauvaige demanda confession, qu'il requist si longuement; mais lui fist tantost monter l'eschelle, et monta après en deux ou trois eschelons, en lui disant groses paroles. Le Sauvaige ne respondit pas à la volenté; pourquoi le dit Pierre lui donna un grand cop de baston, et en donnoit cinq ou six au bourrel, pour ce que l'interrogeoit du sauvement de son âme. Quand le bourrel vit que l'autre avoit si mal voulenté si ot paour que le dit Baille ne lui fist pis : si se hasta plus tost qu'il ne devoit pour la paour et le pendit; mais pour que se hasta, la corde rompi, ou se desnoua et chust le dit jugié sur les rains et furent tous rompus, et une jambe brisée; mais en cette douleur lui convint remonter et fut pendu et estranglé, et, pour vray dire, on lui portoit une très male grace, espécialement de plusieurs meurtres très horribles, et disoit-on qu'il avoit tué de sa main en pays de Flandres ou de Haisnault un Evesque. >>

L'année suivante, nous trouvons cette note:

« Le vendredi 10e jour de septembre 1428, fut despendu du gibet de Paris ung nommé Sauvaige de Fromonville, à qui Pierre Baille fist tant de déplaisir quand on le pendit; car il le frappa en l'eschelle moult cruellement et se battit le bourrel d'un gros baston qu'il tenoit, et étoit pour lors le dit Pierre receveur de Paris. » (1)

Citons un fait pour mémoire seulement :

En la nuit de « Karesme prenant, » 12 février 1437, les Anglais s'emparèrent de Pontoise par surprise en escaladant les murs et sans rencontrer de résistance, par suite de la négligence du sire de l'Isle-Adam qui commandait la place. Les Anglais, pour assurer leur audacieuse entrée en la ville du Vexin français, profitant de ce que la contrée était couverte de neige, s'étaient enveloppés de manteaux blancs. Cette ruse de guerre leur réussit à merveille.

Mais le plus célèbre de nos seigneurs est sans contredit Philippe de Villiers de l'Isle-Adam, nommé grand-maître de l'ordre de SaintJean-de-Jérusalem en 1521. Il soutint l'année suivante le mémorable siége de Rhodes et tint en échec, pendant six mois, avec une poignée de chevaliers et de piétons, l'innombrable armée des Turcs commandée par l'empereur Soliman II.

Finalement le Grand-Maître, victime d'une infâme trahison, et ne voyant pas arriver les secours qu'on lui avait promis, il fut contraint de rendre la ville de Rhodes par composition, le 24 décembre 1522, après l'avoir possédée l'espace de 213 ans, depuis l'année 1309.

(1) Le Gibet de Montfaucon (Firmin Maillard).

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