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« Cet édifice avait 18 mètres de longueur. »

Nous avons trouvé depuis dans les décombres de ce manoir une notable quantité de pavés en terre cuite émaillée, qui rappellent le pavage de la salle des Etats dont un certain nombre d'auteurs se sont occupés (1). Mais le pavage dont ils provenaient était détruit depuis long-temps. Les uns étaient rouges avec des fleurs de lis de forme ancienne et de couleur jaune, formant rosaces, d'autres rouges treillissés ou frettés de jaune et semés de fleurs de lis. Quelques autres ont dû daller un appartement différent, leurs dessins et surtout le ton de leur couleur étant trop disparates pour ne pas rompre l'harmonie (2).

Du côté opposé à la salle des gardes, vers le palais de Guillaume, était le moulin de l'abbaye, dont l'emplacement est maintenant occupé par un impasse et par la salle d'asile. Il faisait la continuation du logis de Castres, auquel il était joint. Trop dénaturé pour être regrettable, il mérite cependant qu'on signale sa construction d'un gothique orné, son porche à arcades, et les balustrades à jour qui bordaient sa toîture. Il eût mérité un dessin.

Quant au logis neuf de l'évêque de Castres, on en trouvera ici une gravure sur bois, trop imparfaite quoique

(1) Entr'autres M. Henniker 2. lettre à lord Leicester sur les briques armoriées de l'abbaye St.-Etienne (Londres, in-8°. 1794). Voyez aussi Ducarel, traduit et annoté par M. Léchaudéd'Anisy; les historiens de Caen, Delarue, Jolimont, Vaultier, etc.

En Angleterre, les catholiques fabriquent maintenant de ces pavés peints pour leurs nouvelles églises. Pugin (Dublin review, et: The presente state of ecclesiastical architecture in England, London, 1843, in-8°.) donne de bons détails sur cette fabrication moderne.

(2) « Le procès-verbal de 1562 parle. 1°. d'une galerie de 30 pieds << de long et de 12 de large qui conduisait à cette salle (celle des << gardes) et dont l'aire était pavée de la même manière. » (De La Rue, Essais historiques, t. 2, page 91). N'est-ce pas la galerie dorée de l'évêque de Castres dont parle De Bras, dans ses Antiquités de Caen, p. 78?

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LOGIS DE L'ÉVÊQUE DE CASTRES, AU MOMENT DE SA DÉMOLITION.

réduite d'après un dessin très-exact de M. Bouet, peintre et membre de la Société française. Cette vue représente la façade méridionale: on aperçoit au bout l'entrée de caveaux qui régnaient sous le moulin de l'abbaye. Voici aussi un spécimen des détails de la façade du nord: c'est le blason du fondateur, moulé sur l'un des écussons les mieux conservés, dont le plâtre se trouve maintenant au musée d'antiquités de Caen. Charles de Martigny portait: écartelé, au 1er et au 4°., un lion rampant; au 2. et 3., trois fasces vivrées chargées d'une bande semée de fleurs de lys. Nous ne connaissons pas les couleurs de cet écusson.

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SUR LA FLORE MURALE

ET PRINCIPALEMENT

SUR DES VÉGÉTAUX SCULPTÉS, FIGURÉS PAR M. DE CAUMONT;

Par M. Charles DESMOULINS,

Membre de l'Institut des Provinces, Inspecteur divisionnaire de la Société française.

MONSIEUR,

Vous m'avez fait l'honneur, le mois dernier, de me demander mon avis sur la détermination spécifique des végétaux représentés sur deux chapiteaux dont vous m'avez adressé la gravure. La première chose que je dois faire, c'est de me dépouiller de ce désir de tout expliquer, si naturel à ceux qui étudient les monuments du passé. Il faut voir en effet si, consciencieusement parlant, il y a lieu à expliquer, à déterminer scientifiquement; et en thèse générale, il me semble qu'il est prudent, nécessaire même, de se renfermer dans une grande réserve, comme vous l'avez fait dans votre volume de l'architecture religieuse (p. 322). Soit inhabileté d'imitation, soit infidélité dans les souvenirs, soit enfin fantaisie pure, les fleurs artificielles ne datent pas du jour où les modistes en ont orné les chapeaux de nos dames. Aussi, ́dans les monuments, comme dans les tableaux, comme dans

les modes, on remarque et on remarquera toujours, on signalera comme une exception précieuse, l'imitation fidèle et rigoureuse des formes de détail des végétaux. Et ici, j'argue de faux les modèles classiques, tout aussi bien que les types les plus élégants des diverses phases sculpturales de notre art chrétien. Quoi de plus inexact, en effet, que l'Acanthe Corinthienne? Le sentiment, le mouvement, comme disent les peintres, s'y trouvent, mais non la reproduction du détail. Quoi de plus obscur, en l'absence du sarment garni de ses feuilles, que la grappe de raisins romane ? Il arrive, dans ce cas, qu'on hésite entre elle et la pomme de pin, comme cela m'est arrivé à Moissac et ailleurs. Quoi de plus arbitrairement agencé que cette jolie cerise (?) à demi cachée sous la feuille, dans les hauts chapiteaux de la nef à Chauvigny, à St.-Hilaire de Poitiers, à la chapelle de l'Immaculée Conception à Lyon ? quoi de plus fantastique que les crochets du XIII. siècle? quoi de plus infidèle enfin, si gracieux qu'ils soient, que les choux frisés et les chardons de la décadence ogivale ?

Au milieu de toutes ces infidélités, il y a une exception d'autant plus remarquable qu'elle est générale pour tous les temps et pour tous les lieux : elle est immuable comme une loi, et, caractérisée par cette condition d'universalité, elle est, si je ne me trompe, unique. C'est celle qu'offre le chêne; aussi vous, avec votre coup-d'œil de naturaliste qui, comme un verre amplifiant, ajoute la certitude de la netteté à vos perceptions d'archéologues, vous n'avez pas manqué de la faire ressortir en disant (p. 318) de ce seul végétal qu'il a été parfaitement imité, parfaitement rendu.

Vous le voyez, c'est avec une idée préconçue, avec une défiance systématique que j'aborde le travail que vous m'avez prescrit; mais je me garde bien de m'en défendre et de m'en cacher, puisque ce n'est, après tout, qu'une réserve de prudence; et si, comme je le crois, les déterminations en

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