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d'études assez approfondies sur l'art religieux, sur les traditions ecclésiastiques, et qu'ils construisent les églises absolument comme des théâtres ou des marchés couverts.

M. LE RAPPORTEUR. Messieurs, il est vrai que la ville de Paris ne possède peut-être pas toutes les églises qui seraient nécessaires pour la satisfaction des besoins religieux de ses habitants. Depuis longtemps l'administration municipale et le conseil municipal se sont occupés de ce point; mais il y a un travail préliminaire qui a été sollicité et qu'on n'a pu encore obtenir à cause des difficultés qu'il entraîne, c'est le remaniement général des paroisses et succursales par rapport à l'état actuel de la population.

Vous savez tous que depuis quelque temps la population se porte dans certains quartiers et qu'elle en abandonne d'autres, que tels quartiers n'ont plus assez d'églises pour leurs habitants, tandis que tels autres en ont trop. Vous comprenez alors qu'avant de s'occuper de la réorganisation du service des églises, il faut avoir ce travail préliminaire.

Relativement au dixième arrondissement dont a parlé l'honorable M. de Montalembert, depuis longtemps un projet a été adopté par le conseil municipal pour la réédification de l'église Sainte-Valère, qui a été enlevée au culte : il est sorti depuis longtemps des mains du conseil municipal; il est dans les bureaux du conseil des bâtiments civils, ou je ne sais où, mais le conseil municipal n'a rien à se reprocher; il a agi aussi promptement qu'il pouvait le faire. Quand il s'agit de construire une église, c'est une chose importante, et les observations que vient de présenter M. de Montalembert doivent faire apporter encore plus d'attention sur les constructions qu'il s'agit d'élever.

(Extrait du Moniteur du 11 février 1842.)

X

CHAMBRE DES PAIRS

DÉCORATION

DU PALAIS DE LA CHAMBRE DES PAIRS

Séance du 7 juin 1842.

M. LE CHANCELIER. La suite de l'ordre du jour est la discussion du projet de loi tendant à reporter de l'exercice 1841 sur l'exercice 1842 une portion du crédit voté pour travaux d'art à exécuter au palais de la Chambre des pairs.

M. LE COMTE DE MONTALEMBERT. La Chambre ne trouvera pas mauvais, j'espère, que j'interrompe un moment l'exercice auquel elle vient de se livrer (légère rumeur), pour Ini soumettre, à l'occasion de la loi que nous allons voter, quelques réflexions un peu tardives, je l'avoue, sur la décoration de l'enceinte et du palais où nous siégeons. J'ai cherché en vain l'occasion de le faire jusqu'à présent. Je sais qu'on me dira que c'est bien tard, mais je répondrai par le vieux proverbe: Vaut mieux tard que jamais, et si je puis empêcher de remplir les vides qui existent encore dans cette décoration par des travaux semblables à ceux que nous avons sous

les yeux, je m'estimerai infiniment heureux; d'ailleurs, j'ai à cœur de ne pas laisser croire au public que nous sommes unanimes pour approuver ce qui s'est fait depuis quelques années au Luxembourg. Je me demande d'abord comment on a procédé pour déterminer la nature de ces travaux si importants pour la dignité de cette assemblée, et de l'ensemble du pouvoir législatif. Je ne me souviens pas d'un comité, ou d'une commission quelconque organisée et prise dans cette Chambre pour présider à ces travaux; je ne sais quel ministre ou quelle administration a eu le droit d'en décider souverainement. Je crois que si une autorité sortie de notre propre sein eût été chargée d'y prendre part, cela eût été plus convenable, et nous n'aurions pas eu à déplorer les résultats que nous voyons,

Je déplore, quant à moi, la forme même de cette enceinte. Je crois que cette forme théâtrale, avec toute cette pompe de dorures et de marbrures, est loin de convenir à une assemblée comme la nôtre : je crois que la forme carrée, consacrée depuis plusieurs siècles, par une assemblée analogue dans un pays voisin, aurait mieux valu, surtout pour les occasions où la Chambre des pairs fixe principalement l'attention publique, c'est-à-dire quand elle siége comme cour de justice. C'est alors qu'on a l'étrange spectacle de M. le Chancelier obligé de descendre de son estrade pour aller en quelque sorte se reléguer dans un coin de la salle, tandis qu'il est remplacé dans la position la plus éminente et la plus visible par le régicide ou l'assassin que nous avons à juger. Je sais qu'il n'est plus temps d'y remédier, mais j'ai cru devoir présenter cette observation.

J'arrive à ce qui peut encore se réparer, au genre de décoration employé dans la salle des séances et dans les pièces voisines. Je commence par la peinture.

Là je déplorerai d'abord le choix des artistes et ensuite le

choix des sujets.

Je serai très-court sur le choix des artistes, parce que c'est une chose très-délicate et que je ne veux faire de tort ni de peine à personne; mais je dirai que, dans un pays qui compte des hommes du premier mérite comme M. Ingres et M. Paul Delaroche, et plusieurs autres, il est très-étonnant qu'on ait été choisir, pour décorer la première enceinte législative, des artistes qui sont très-loin de valoir ceux que je viens de nommer, et dont les œuvres que nous avons sous les yeux n'augmenteront certainement pas la réputation.

Mais, pour les sujets, Messieurs, je dirai qu'il est vraiment incroyable que dans ce pays, qui compte quatorze siècles d'histoire, dont les annales sont remplies de faits politiques et civils de premier ordre (car je ne parle pas ici des batailles), on ait pu recourir à un choix d'allégories grotesques comme celles qui sont là-haut étalées sous nos regards, et que, pour ma part, je n'avais pas comprises jusqu'à ce qu'on nous eût distribué l'étrange explication que voici. (L'orateur montre un petit cahier broché.)

Elle a été de nature à augmenter la surprise et le désappointement de ceux qui, comme moi, regardent les allégories comme des puérilités surannées.

Ainsi, par exemple, voilà la Modération et la Sagesse concourant à la rédaction des lois! (On rit.) Je vous demande ce que cela veut dire dans une assemblée de gens sérieux que de mettre sur leurs têtes des hommes et des femmes vêtues à l'antique, qu'on décore de ces noms de Modération et de Sagesse?

Est-ce une recommandation qu'on a voulu faire à la Chambre des pairs? Assurément elle est superflue.

J'en passe et des meilleures; mais, dans les autres parties

du palais, le même système a été suivi partout des allégories.

Dans la bibliothèque, la première qui a été placée, et j'espère que ses pareilles ne viendront jamais l'accompagner, c'est la Philosophie découvrant la Nature; je n'attaque pas ici le talent de l'artiste, mais je vous demande ce qu'ont de commun la philosophie et la nature avec la Chambre des pairs. (Nouveaux rires.)

Si je passe de la peinture à la sculpture, je blâmerai d'abord la position qu'on a donnée à ces quatre grands bustes que nous avons sous les yeux, et sans parler de leurs socles monstrueux, je dirai que jamais, je pense, on n'avait eu l'idée bizarre de placer ainsi des bustes suspendus en l'air contre des plates-bandes de marbre. Cela me paraît contraire à toutes les règles de l'art.

Ce qui me semble plus étrange encore, c'est le choix des personnages de l'hémicycle où siége M. le Chancelier, dont nous ne pouvons encore juger que par les inscriptions. Tandis que Napoléon, l'auteur du Code civil et de presque toute notre législation moderne, est relégué dans un médaillon presque imperceptible du plafond, vous voyez là, honorés d'une statue en pied, M. Turgot et M. Portalis; je suis bien loin de contester leur mérite, mais ce contraste est bizarre, avouez-le. Qui donc a pu avoir l'étrange idée de reléguer au plafond les rois, les souverains législateurs, parmi lesquels Napoléon figure à juste titre, tandis qu'on donne la place d'honneur à des hommes très-remarquables sans doute, mais infiniment moins célèbres et moins faits pour frapper les regards de la postérité ?

Comment se fait-il ensuite que, voulant réserver cet hémicycle pour des hommes qui n'ont pas occupé le rang souverain, pour des hommes d'État, pour de grands magistrats,

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