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construire ou pour recons

der aux Chambres des fonds pour truire des bureaux dans un ministère, je suis obligé de me reporter aux édifices analogues que nous avons sous les yeux. Or, vous connaissez tous, Messieurs, les bureaux de l'intérieur qui s'élèvent actuellement dans la rue de Grenelle. J'ose en appeler, à cet égard, au goût si éclairé et si bien connu de M. le comte Jaubert. Je ne puis pas voir de sang-froid que ce soit dans un boyau semblable, dans une impasse de bâtiments sans goût, sans caractère et sans grandeur, terminée par cette hideuse tour du télégraphe, que se doivent traiter les affaires les plus importantes d'un pays comme la France. Comment! dans la capitale, non-seulement de la France, mais encore, à ce qu'on prétend, de la civilisation et des beaux-arts, voilà ce que vous pouvez montrer aux étrangers comme le centre des affaires, le chef-lieu de l'administration publique, et du département même des beaux-arts! Mais, au moyen âge, la moindre ville de province aurait rougi d'un édifice officiel de cette sorte. Ce n'est pas seulement sous le rapport de la beauté que cet édifice mérite un blâme énergique. Je ne sais si je suis bien informé; mais j'ai appris d'hommes assez haut placés que les plans de l'architecte qui ont été malheureusement employés pour ces constructions ne répondent nullement à leur destination. Il m'a été dit que vingt-cinq bureaux ne seraient pas placés dans ce nouveau bâtiment, et que ceux qui pourront y entrer y seront aussi incommodément, aussi à l'étroit que possible. Il y a eu des plaintes unanimes à cet égard.

Un autre exemple plus ancien, mais qui montre le détestable système qui règne dans l'architecture officielle, c'est celui des bureaux du ministère de la justice. Vous connaissez tous, dans la rue Neuve-de-Luxembourg, un affreux petit édifice qui porte ce nom; je me suis borné longtemps à en

déplorer la laideur; mais tout dernièrement j'ai découvert, dans le rapport sur les crédits supplémentaires présenté à l'autre Chambre par l'honorable M. Lacrosse, que ce bâtiment, élevé il y a dix ans, exigeait déjà un supplément de fonds de 185,000 fr. pour grosses réparations, sans lesquelles, ajoute le rapport, « la construction vicieuse de ce bâtiment (élevé en 1828 ou 1829) entraînerait sa ruine, si on ne reprenait à neuf le pavage de la cour et même les grosses fondations. >>

Voilà, Messieurs, où en est l'architecture officielle de la France au bout de dix ans. Ainsi ce n'est pas seulement une laideur systématique (rires) qui règne dans nos édifices publics, mais encore un défaut total de solidité.

Les bureaux des travaux publics ont été élevés d'après le même système. Je ne sais pas si leur solidité est plus grande ni ce qu'ils seront dans dix ans d'ici; mais je dis qu'il n'y a rien de plus disgracieux et de plus mauvais goût que ce bâtiment qui encombre la cour de l'ancien hôtel de Tessé.

Je ne prétends pas appliquer ces critiques au projet de loi en discussion; ce n'est qu'une occasion que j'ai cherchée pour dire ma façon de penser sur la manière dont les constructions officielles sont conduites par l'administration. En ce qui touche aux bureaux de la guerre, il ne s'agit pas d'un édifice neuf à construire, il s'agit seulement de compléter les bâtiments actuellement existants. Je ne demande pas qu'on rase ce qui existe pour élever un édifice monumental, mais je demande que lorsque de nouveaux bâtiments seront construits pour le service du gouvernement, on ne fasse plus de ces constructions qui déshonorent l'art national et l'administration elle-même, comme celles qui se font en ce moment aux bureaux du ministère de l'intérieur et ailleurs. (Très-bien !) (Extrait du Moniteur du 2 juin 1840.)

M. le comte Jaubert, ministre des travaux publics, reconnut que les reproches adressés par M. le comte de Montalembert à l'architecture officielle étaient jusqu'à un certain point fondés. Il fit observer cependant que les vices des constructions constatés par l'orateur dans les nouveaux bâtiments du ministère de l'intérieur ne devaient pas être imputés à l'architecte, mais qu'ils étaient la conséquence nécessaire du programme imposé à cet architecte, et de l'exiguïté de l'espace mis à sa disposition.

IX

CHAMBRE DES PAIRS

OBSERVATIONS

SUR LES ÉDIFICES RELIGIEUX

Séance du 10 février 1842.

La Chambre des pairs avait été saisie d'un projet de loi ayant pour objet de céder l'église de la Madeleine à la ville de Paris, à la charge par cette dernière de pourvoir aux dépenses des abords de l'édifice et de son appropriation au service religieux.

A l'occasion de ce projet, M. le comte de Montalembert échangea avec le rapporteur, M. de Cambacérès, les observations suivantes :

M. LE COMTE DE MONTALEMBERT. Je voudrais présenter à la Chambre quelques courtes réflexions, à l'occasion même de ce passage du rapport que M. de Cambacérès vient de rappeler, et où il est parlé du besoin d'un plus grand nombre d'églises dans certains arrondissements de Paris.

Il est certain que la ville de Paris est, de toutes les villes de l'Europe, celle qui possède le moins d'églises, eu égard à sa population. Ce qui est vrai pour le premier arrondissement l'est aussi pour presque tous les autres; et cette occa

sion me paraît trop naturelle pour que j'hésite à indiquer en même temps les besoins religieux du dixième arrondissement, que beaucoup d'entre nous habitent, qui a la même population que le premier arrondissement, environ 90,000 habitants, et qui n'a également qu'une paroisse principale et trois très-petites, très-indignes succursales; car l'Abbaye-aux-Bois et Sainte-Valère ne sont réellement que deux chambres, deux salles, elles ne peuvent passer pour deux églises.

Il y a un emplacement, celui de la place Belle-Chasse, qui depuis longtemps a été indiqué comme pouvant servir à la construction d'une église nouvelle. Je ne sais quelles sont les pensées du gouvernement ou de la ville à ce sujet, je sais seulement que les habitants ne peuvent voir avec satisfaction cette espèce de marais boueux au milieu de la plus belle partie de cet arrondissement. Mais en attendant cette nouvelle construction, il y a dans ce quartier un ancien édifice religieux, l'église de l'abbaye de Pentemont, qui pourrait être aussi bien restitué au culte catholique, absolument par les mêmes considérations qui lui ont fait conserver l'Assomption.

J'adresse ce vœu aux membres du gouvernement et aux membres du conseil général qui se trouvent dans cette enceinte, et j'ajouterai que si l'on vient à construire sur la place Belle-Chasse un édifice pour le culte, il faut espérer qu'il sera mieux adapté au culte que la Madeleine, et même que toutes les églises qui ont été construites récemment à Paris. M. le rapporteur a fort bien fait ressortir le peu d'aptitude de la Madeleine au culte catholique. J'en dirai autant de toutes les autres églises nouvelles; leur imperfection, leur style profane et peu digne, provient de ce que les architectes officiellement chargés de leur construction n'ont pas fait

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