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gloires du passé qui forment une partie si essentielle de la vie morale du pays; il est tenu de ne pas réserver exclusivement sa sollicitude pour l'amélioration des races chevalines et la rectification des pentes; enfin, lorsqu'il lui plaît de refuser cinq cents francs pour sauver ce qui reste de la plus grande église d'une grande province, il est tenu de ne pas donner pour considérant à son refus des motifs qui feront sourire tous les antiquaires et tous les architectes dignes de

ce nom.

Agréez, Monsieur, etc.,

LE COMTE DE MONTALEMBERT,

Pair de France, membre du Comité historique des arts et monuments au ministère de l'Instruction publique.

VII

CHAMBRE DES PAIRS

EXPROPRIATION

DES MONUMENTS HISTORIQUES

Séance du 12 mai 1840.

Après le vote de la Chambre des pairs sur les articles du projet de loi relatif à l'expropriation pour cause d'utilité publique, et avant qu'elle ne passât au vote d'ensemble, M. le comte de Montalembert prit la parole pour présenter les observations suivantes :

Avant que la Chambre procède au scrutin sur l'ensemble de la loi, je demande la permission d'adresser une question aux organes du gouvernement.

Je désirerais qu'il fût constaté, par l'insertion de leur réponse au procès-verbal de nos séances, que le gouvernement entend, qu'il lui est possible et permis, en vertu de la loi de 1833, d'appliquer aux monuments historiques la déclaration d'utilité publique et l'expropriation qui peut en résulter.

Vous savez, Messieurs, qu'il y a en France un grand nombre de monuments du plus haut intérêt qui se trouvent

entre les mains de particuliers qui en disposent à leur gré et font à chaque instant disparaître les souvenirs les plus précieux pour la religion, l'art et l'histoire nationale. Ceux qui n'ont pas encore disparu courent un risque quotidien de périr. Le pouvoir est resté jusqu'à présent désarmé en présence de ces abus du droit de propriété.

Si notre zélé collègue, M. le comte de Rambuteau, était présent, il vous dirait combien de peine il a eu pour obtenir la cession de la tour de Saint-Jacques la Boucherie, que vous connaissez tous, et qui est assurément un des plus beaux ornements de la ville de Paris. Il importe, selon moi, de déclarer que le gouvernement possède les moyens légaux nécessaires pour déposséder, moyennant une juste indemnité, les propriétaires individuels de certains monuments d'un intérêt général, et qui seraient tentés de les détruire ou de les dégrader. Vous sentez, Messieurs, que l'autorité sera naturellement avare de ces déclarations d'utilité publique, puisqu'il faudra les faire suivre par l'emploi de sommes qui ne sont pas toujours à sa disposition. Mais lorsqu'une ville ou un département, ou le gouvernement lui-même, scra disposé à faire des sacrifices, soit pour rendre au culte une ancienne église, soit pour conserver le plus beau monument d'une localité, je voudrais qu'on pût se croire autorisé, par les mesures que nous avons déjà votées, à procéder sans scrupule par voie de déclaration d'utilité publique, avec les conséquences qui en découlent.

Je ne veux pas fatiguer la Chambre par une plus longue énumération des considérations qui militent en faveur de cette idée ou des précieux débris de l'art national qui sont à la veille de périr. Je rappellerai seulement que le gouvernement actuel a déjà rendu de très-grands services à l'histoire et à l'art national; et j'ajoute qu'il ne pourra point en rendre

Œuvres. VI. - Art et Littérature,

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de plus grand que de veiller par les moyens que j'indique au trop petit nombre de glorieuses ruines qui nous restent.

(Extrait du Moniteur du 13 mai 1840.)

M. le duc de Broglie appuya la demande de M. le comte de Montalembert en ces termes :

« M. de Montalembert n'a pas proposé d'insérer une nouvelle disposition dans la loi; il s'est borné à demander au gouvernement s'il ne considérait pas comme une extension possible au pouvoir que la loi lui confère l'application de cette loi à la confection de travaux nécessaires pour la conservation d'anciens monuments. Si, par exemple, il se trouvait autour d'un monument national des bâtiments dont l'existence pût compromettre la conservation de ce monument, le gouvernement ne pourrait-il pas considérer cette conservation comme un motif d'utilité publique ? Quant à moi, si j'étais ministre de l'intérieur, je n'hésiterais pas. Je crois qu'il est difficile de tracer, d'une manière absolue, la limite entre le beau et l'utile dans une pareille matière. Très-souvent, dans les expropriations, on ne consulte pas seulement l'utilité réelle, on consulte encore l'agrément, la beauté d'une promenade, l'élargissement d'une rue; ce sont là des questions à apprécier par l'administration. Ce que M. de Montalembert a prétendu consigner, c'est le vœu que l'administration, quand il se présentera de ces cas rares, considère la conservation des anciens monuments comme une véritable question d'utilité publique. Il suffit qu'un pareil vœu soit énoncé pour que l'administration recherche comment il sera possible d'y satisfaire. Il paraît difficile qu'elle se renfermât rigoureusement dans le sens de l'utilité, et que la loi ne fût pas appliquée dans le sens qu'on vient d'indiquer. »

M. Vivien, garde des sceaux, répondit que le gouvernement ne pouvait faire à cet égard de déclaration générale, mais qu'il devait se réserver le droit d'agir selon les circonstances, et après avoir pris l'avis du conseil d'État.

VIII

CHAMBRE DES PAIRS

CONSTRUCTIONS OFFICIELLES

Séance du 1er juin 1840.

Les observations suivantes furent présentées à l'occasion d'un projet de loi tendant à accorder un crédit spécial de 285,000 francs pour travaux à exécuter dans les bâtiments du ministère de la guerre.

M. LE COMTE DE MONTALEMBERT. Je profite de la présence de M. le ministre des travaux publics à son banc pour soumettre à la Chambre quelques observations sur la nature des constructions qu'on nous propose.

Je crois que dans des projets semblables il y a deux questions: la question de finances et la question de convenance et de goût. Quant à la question de finances, je n'ai aucune observation à faire; je suis et je serai toujours fort partisan des dépenses utiles, et très-ennemi des économies exagérées et contraires à la bonne administration des affaires publiques. Mais sur la question de convenance, quand on vient deman

1 M. le comte Jaubert.

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