Page images
PDF
EPUB

Lettre, datée de Saint-Denis, dans laquelle le Maréchal de Biron annonce aux maire et échevins de Dijon la surprise d'Amiens et les invite à profiter de cet exemple pour mieux garder leur ville qu'ils ne l'ont fait jusque-là.

Saint-Denis

1597-12 mars.

MESSIEURS LES ESCHEVINS,

Original

B. 460. No 204.

Je vous faict ce mot à la haste ayant le pied à l'estrier pour m'en aller avec le roy en la frontière de Picardie pour essayer de remédier à l'accident qui est arrivé de la perte d'Amyens, pour vous dire que vous serez bien heureux sy le mal d'autruy vous rend plus soigneux de la garde de vostre ville que vous n'avez esté jusqu'ici. Vous voiez ce qu'apporte la négligence de se garder à ces misérables, lesquels pour s'amuser à de vains privilèges, ont perdu leurs libertez, leurs biens et honneurs et la pluspart la vye, et ruyné les affaires du roy. Que cet exemple vous tourne à utilité et vous augmente le soin que vous debvez avoir à vos gardes et conservations, comme je vous en prye, sans considérer que les ennemys sont éloignés de vous. Il arrive souvent que ceux qui, par une audace et comme lyons, ne peuvent exécuter leurs dessings ont recours aux finesses tout ainsy que les reygnards, par ainsy vous y debvez prendre garde, car s'il vous arrivoit quelques disgrâces par vos négligences, vous en seriez blasmez et en recepvriez dommage infiny en voz personnes, .en voz familles et en la perte de vos biens, et le Roy en recepvrait ung grand préjudice en les affaires, à quoy je participerois pour avoir la charge que j'aye en la province. Faites toujours estat de mon amityé et de la bonne volonté que j'ay de vous le tesmoigner, estant fort à vostre service.

A Saint-Denis, ce 12 Mars 1597.

Votre plus affectionné amy à vous faire service,

BIRON.

A Messieurs, Messieurs les eschevins de la ville de Dijon.

RAPPORT

SUR L'HISTOIRE GÉNÉRALE DE PÉRONNE
De M. JULES DOURNEL, membre titulaire non résidant,
Par l'Abbé Paul DE CAGNY.

Président de la Société.

Lorsque ce volume fut offert par l'auteur à la Société, on m'insinua la proposition peu explicite d'en faire l'examen et le rapport. Je ne crus pas alors, pour des motifs assez plausibles, pouvoir formuler une acceptation. Moins qu'aucun autre, je n'offrais une garantie suffisante d'impartialité : et encore je ne pouvais guère supposer un travail bien sérieux de la part d'un écrivain sans maturité, sous-lieutenant de cavalerie, licencié en droit, qui venait de traverser l'époque de la jeunesse dorée dans la diversion successive du volontariat, d'un service d'état-major et des cours de jurisprudence. Cette saison souvent orageuse des plaisirs, de la dissipation et des cigares qui neutralisent l'intelligence, est-elle ordinairement compatible avec les études, les recherches et l'application indispensables pour écrire l'histoire? Ma défiance par rapport à celle de la ville de Péronne, contenue dans un fort volume grand in-8° de plus de 500 pages, me paraissait assez fondée. Eh bien! je dois l'avouer, après l'avoir attentivement parcourue, avec parfaite connaissance de cause, j'ai dû modifier mes conjectures et en faire une appréciation beaucoup plus favorable au jeune écrivain, auquel pourrait s'appliquer l'ante gerens annos du poète Virgile. J'ai reconnu en effet dans cette Histoire générale de Péronne une œuvre réelle de science et d'érudition. L'auteur, il est vrai, combattait pro focis et aris; il était inspiré par le glorieux souvenir de ses ancêtres dont Péronne a été le berceau et qui ont figuré avec distinction dans la magistraiure de cette ville; mais ce mobile, qui l'honore, ne saurait diminuer en rien la valeur des recherches, la persévérance du travail, exigées pour

cette importante publication. Aussi, n'ai-je plus hésité à entreprendre ce rapport, ou plutôt cet aperçu fort sommaire, comme rappel intéressant de mes vieux souvenirs, et aussi comme encouragement au laborieux collègue dont le début fait concevoir de grandes espérances pour l'avenir.

Monsieur Jules Dournel a eu raison de donner à son ouvrage le titre d'Histoire générale de Péronne. Car, avant lui, avaient été publiés divers documents sur cette importante cité; comme: les Essais du chanoine de Sachy et du docteur Martel; l'Histoire de la Collégiale de saint Fursy, par l'abbé Gosselin ; celle aussi de la ville et de l'arrondissement; puis des Etudes particulières sur le collège, les cloches, la bannière du siège, l'hôtel-de-ville, la Révolion de 1789, l'invasion allemande, par MM. Vallois, E. Quentin et Ramon principalement. Il le reconnaît avec une louable équité dans son Avant-Propos mais dans le texte même il a omis les renvois opportuns et circonstanciés à ces différents écrivains. Néanmoins il peut se prévaloir de plusieurs circonstances tout-àfait inédites qu'il a extraites des archives de la ville, des registres de l'Échevinage et surtout des manuscrits intéressants de Jean de Haussy. Tous ces matériaux scientifiques étaient dispersés depuis longtemps; il les a réunis et combinés dans un ensemble historique offrant une suite consécutive et bien précisée des annales de sa ville de prédilection. Pour en faciliter l'intelligence, il a habilement renfermé cette espèce de tableau synoptique dans le cadre même de l'histoire de France, en attribuant à chaque règne de nos rois les événements particuliers qui concernent la cité péronnaise. C'est, de l'avis de plusieurs, la méthode la plus convenable pour écrire une histoire de simple intérêt local. D'ailleurs, on ne saurait le méconnaître, la Picardie, le Vermandois et l'Ile de France n'ont-ils pas été, pendant bien des siècles, le principal théâtre de notre histoire nationale; et avant que l'annexion du pays reconquis eût reculé vers la Flandre les bornes du royaume,

- ne

la place de Péronne en particulier Urbs nescia vinci. fut-elle pas longtemps le boulevard et la clef de la France vers le Nord, par son importance stratégique et la force de ses remparts? L'auteur a donc recueilli et coordonné dans son travail les éléments considérables que lui fournissaient les règnes successifs des monarques français. Il y a consigné avec une grande sagacité tous les faits importants de l'histoire de France se rattachant à celle de Péronne: et ils sont nombreux. Voici, d'après l'auteur, un aperçu fort rapide des plus mémorables et des plus intéressants pour cette illustre cité! Maison royale habitée par sainte Radegonde et sainte Bathilde, sous les Mérovingiens; fondation de la collégiale SaintFursy et de l'abbaye du Mont-Saint-Quentin; la captivité, dans son château, de Charles-le-Simple qui y mourut, et plus tard celle de Renaud, comte de Boulogne, de Charles-le-Mauvais et de Louis XI qui-même; l'établissement de sa commune; la possession de la ville par des seigneurs particuliers, puis par les ducs de Bourgogne avec retour définitif à la couronne; siège fameux de 1536, à la suite duquel François Ier accorda des privilèges extraordinaires à ses magistrats et habitants; rédaction des coutumes du gouvernement de Péronne, Montdidier et Roye; la Ligue mémorable qui en porte le nom; séjours divers dans la cité des rois de France Charles-le-Chauve, Lothaire, Louis-le-Gros, Louis VIII, PhilippeAuguste, saint Louis, Philippe-le-Bel, Charles VI, Henri IV, Louis XIII avec Richelieu, Louis XIV et Mazarin, Louis XV, etc.; enfin capitulation de 1815 et le bombardement désastreux par les Vandales de 1870, etc.

Cet exposé chronologique, fort exact et intelligible, comprenant 380 pages de l'Histoire générale de Péronne, est suivi d'un Appendice en forme de notices, fort abrégées et rigoureusement suffisantes, sur les établissements religieux, civils et militaires; sur les monuments, coutumes, privilèges, etc. de la cité.

L'appendice contient un tiers environ de cet intéressant volume,

et se termine par les pièces justificatives, l'armorial de la ville accompagné de plusieurs planches; par une table des noms des personnages rappelés dans cette histoire, et enfin par celle des matières.

-

La rédaction même de l'ouvrage, d'une belle exécution typographique, se distingue par un style clair, élégant, sans affectation, et le plus convenable à la narration historique. Les erreurs y sont rares et peu importantes, relativement à la jeunesse de l'historien. Il a eu tort, par exemple, de citer au nombre des étymologies de Péronne, celle peu admissible, de per ranas (au milieu des grenouilles); et de reproduire, sans toutefois la confirmer, l'opinion surannée de Jean de Haussy et autres qui prétendent faire remonter à l'époque romaine l'origine, plutôt francque de cette ville sur le Mont des Cygnes, où jamais on n'a découvert un seul indice de séjour par les conquérants des Gaules. Et encore en désignant la Somme au Sud pour limite du Santerre, il a fait abstraction du Bas-Santerre s'étendant vers Nesle, Roye et Montdidier, au Midi et à l'Ouest de ce fleuve. Il a aussi confondu Godefroy, abbé du Mont-Saint-Quentin avec saint Geoffroi, évêque d'Amiens. Quant aux appréciations historiques du jeune écrivain, elles sont généralement assez justes et basées sur les vrais principes. Il faut en excepter néanmoins quelques légers écarts où son -inexpérience l'a entraîné à la remorque de certains penseurs du XIXe siècle. Ainsi, il avance que l'ancien usage des cimetières dans l'intérieur des communes dut en grande partie être la cause des épidémies au Moyen-Age et dans des temps plus modernes. Et encore (ce sont également ses expressions): Le 6 avril 1580, un tremblement de terre se fit sentir en Picardie, et renversa plusieurs édifices, notamment à Amiens et à Calais. A Noyon, le Chapitre se hâta d'instituer une procession hebdomadaire et il ajoute remède alors trop ordinaire contre les calamités naturelles, politiques et religieusees. Assurément il n'a pas réfléchi

« PreviousContinue »