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J'ai d'autant plus volontiers entrepris cette tâche qu'un pareil labeur me passionne, qu'il m'est un agréable délassement et que rien ne saurait m'arrêter lorsqu'il s'agit de prouver un fait qu ajoute une fleur de plus à la couronne déjà si glorieuse de notre cité.

D'après les registres aux baptêmes d'Amiens, Vacquette JeanBaptiste, né sur la paroisse Saint-Remi, le 4 décembre 1715, est le troisième des sept enfants de Adrien Vacquette, sieur de Fréchencourt, conseiller au Bailliage d'Amiens et de Élisabeth Romanet. Suivant d'anciens titres, il aurait vu le jour dans la rue des Rabuissons; c'est donc sur cette seule rue que doivent porter mes investigations.

Dans un rôle de capitation que je possède, daté de 1722, le domicile de M. de Fréchencourt se trouve placé à peu près au tiers de l'espace compris entre les Feuillants et le couvent des Saintes-Maries.

M. de Fréchencourt père est mort le 23 mai 1749 aussi paroisse Saint-Remi.

Sur un même rôle de 1757, Madame veuve de Fréchencourt est inscrite dans la même habitation où elle est imposée pour 36 livres, sa fille Henriette pour 9 livres, plus 3 domestiques 3 livres. Comme observation en marge de l'article on a écrit: ces personnes demeurent de l'autre rang.

Effectivement, en 1761, cette dame demeure toujours avec sa fille et M. de Romanet son frère à peu près vis-à-vis de la rue des Jacobins, dans la même rue des Rabuissons, entre un sieur Lavette, maçon, garde de M. de Chaulnes et M. Boitard, chapelain. (Ce nouveau domicile était indiqué comme fermé dans le rôle de 1757). D'après ces apparences notre célébrité ne peut être née que sur une portion des terrains qui ont servi à l'érection de l'hôtel de l'Intendance, aujourd'hui la Préfecture; la chose n'est

plus douteuse et cependant elle doit être confirmée. Les documents qui suivent lèveront toute incertitude.

Les intendants de Picardie et leurs bureaux mal logés dans les bâtiments qu'ils occupaient rue du Puits-Vert, où une humidité fatale tant à leurs personnes qu'à leurs papiers régnait constamment, obtinrent des maires et échevins la promesse d'un autre hôtel approprié plus convenablement et plus digne de contenir ce corps si important des intendants.

Les vues de l'administration sont tombées sur la rue des Rabuissons, qui, comme aujourd'hui, était une rue saine et salubre. Un arrêt du Conseil d'État du 10 mai 1755 autorise en conséquence la ville d'Amiens à acquérir les maisons des sieurs de Rune, Brunel, Durozel, Vacquette de Fréchencourt, d'Allonville, Assaulé et Dumoulin, pour y établir ces constructions.

Le 29 juillet 1755, Jean Delamarre, charpentier et entrepreneur de bâtiments, est nommé expert pour la Ville, et Tilloloy Jacques, Me charpentier, expert pour Madame de Fréchencourt.

La maison comportait 44 pieds 6 pouces de façade et 75 pieds. 6 pouces de profondeur; elle renfermait trois corps de bâtiments, un sur rue, un en retour à droite et le troisième au fond.

L'expert de l'administration porte son estimation à 23,000 liv. Celui de Madame de Fréchencourt à

27,000 liv.

comme ils ne ne se trouvaient pas d'accord, un tiers expert, Antoine Bourgeois, est désigné; il apporte une estimation de 24,000 livres, chiffre accepté par la Mairie et qui doit servir de base aux transactions à intervenir.

Le contrat de vente est alors rédigé et présenté à la signature de Madame de Fréchencourt ainsi qu'à Adrien-Pierre Vacquette, fils aîné, tant en leurs noms qu'en celui de Jean-Baptiste, Alexandre et Henriette; les conditions étaient 12 sols de denier à Dieu mis dans la boîte des pauvres prisonniers, et 24,000 livres dont 10,000 payables comptant.

Du procès-verbal dressé le 12 du même mois par Mes Picard et Lemarchand, notaires, il résulte qu'Adrien-Pierre refuse de donner sa signature au contrat de vente et qu'il ne la donnera que : « Si sa mère consent å garantir le paiement qui doit lui être fait par la ville à l'époque de la cessation de l'usufruit. »

A la suite de ce refus intervient une ordonnance d'Étienne Maynon d'Invau du 11 mars 1757, qui envoie les maire et échevins en possession de la maison de Fréchencourt.

Cet acte a dû mettre le comble à la mauvaise humeur de M. Adrien-Pierre; car, dans sa lettre du 2 avril suivant à l'Intendant, il n'accorde qu'une confiance bien limitée à l'Administration municipale.

« Je ne recevrais, dit-il, pour prix de l'éviction forcée de l'héri« tage de mes pères qu'une créance dont l'hypothèque ne porte a sur rien.

« Si l'on joint à ces considérations bien puissantes l'exemple « du passé qui nous apprend encore qu'il est dû depuis plus de a 40 ans à de légitimes créanciers de la ville des fonds considé «rables que l'on a promis et que l'on s'est engagé de liquider, qui « ne l'ont jamais été et qui ne le seront jamais, n'y a-t-il pas lieu a d'avoir une juste crainte?»

L'acte de vente a dû être réalisé en ce qui concerne Madame de Fréchencourt, et les 10,000 livres payées à cette dame, car une ordonnance du 22 septembre 1764, tout en fixant à 14,484 livres 11 sols le restant dû en principal et intérêts, prescrit au receveur de l'octroi de 10 sols par velte d'eau-de-vie de payer cette somme à la charge par M. de Fréchencourt, de souscrire le contrat de vente et d'obtenir le consentement de sa mère au paiement qui lui sera fait.

Bien certainement toutes ces formalités furent remplies, puisque l'hôtel des Intendants a été édifié et que la succession des temps en a fait l'hôtel de la Préfecture, sur la façade duquel on peut en

toute sécurité inscrire : « Ici naquit Jean-Baptiste Vacquette, sieur

<< de Gribeauval, le 4 décembre 1715. »

DEUX LETTRES

EXTRAITES

Des Archives départementales de la Côte-d'Or

ET RELATIVES A L'HISTOIRE DE LA VILLE D'AMIENS,

Par M. le Baron DE CALONNE, membre titulaire résidant.

Le duc de Mayenne

à Messieurs les Vicomte, Mayeur et Eschevins de la ville de Dijon.

Amiens 1594-4 juillet.

MESSIEURS,

Original.

D. 460. No 182.

Sur l'advis que je reçuz en l'armée il y a six jours, que les habitans de ceste ville d'Amiens estoient venus aux armes les ungs contre les autres par l'artifice des ennemis qui y avoient faict avancer des forces et pensoient s'en rendre les maistres, par ce moyen, je m'y vins en diligence, et sy à propos que je pacifiay toutes choses à mon arrivée, depuis j'ay tellement travaillé et pourveu à dissiper leurs trames et desseings que je m'asseure qu'il leur sera malaysé d'y plus revenir et que ceste ville demourra très asseurée en ce party. Les habitans qui ont recongneu le péril où l'on mettoit la religion catholique se soubsmettant au Roy de Navarre, sont résolus de souffrir plustost toutes les extrémitez du monde que d'en venir lå et ont renouvellé le serment de leur Unyon pour y demeurer plus fermes et plus constans que jamais. Je vous diray sur ce sujet, Messieurs, que durant la Tresve et la conférence qui ont esté ci-devant faictes avec nos ennemys qu'ils n'ont jamais voulu entrer en nulle pourparler de seureté pour la

religion catholique, ny en donner aucune espérance, et que si quelqu'un des nôtres s'est estendu sur ce discours quilz lui ont tout aussitost couppé chemin, voullant remettre ce point qui est le premier et principal que nous devions disputer à leur arbitre et discrétion ou pour mieux dire en celle des Huguenotz, lesquels ont plus de crédit et d'authorité près du Roy de Navarre qu'ils n'avoient jamais. J'espère que Dieu renversera leurs pernicieux desseings et prendra soing de sa cause. Notre armée, en laquelle je suis sur le point de retourner, se fortifie tous les jours et sera bientost en estat de faire quelques bons progrez. Cependant celle des ennemys s'affaiblit devant Laon où leurs affaires ne sont guères plus advancées que le premier jour. Au reste j'ay pourveu à faire acheminer des forces en vostre province que vous y verrez bientost entrer, et seront suffisantes non-seulement pour vous conserver, mais pour entreprendre dessus les ennemys et vous eslargir et deslivrer de ce qui vous oppresse. Je n'ay point de soing plus grand que celuy là, comme vous le recongnoistrez bientost par vrays effectz. Cependant je prie le Créateur qu'il vous donne, Messieurs,

très heureuse et longue vye.

D'Amiens, ce ive Juillet 1594.

Vostre plus affectionné parfait et asseuré amy,

CHARLES DE LORRAINE.

Messieurs les vicomte, mayeur, eschevins et commune de la

ville de Dijon.

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