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D'autres entreprises ont été faites depuis; et la plus importante est celle qui fut confiée en 1820 à M. le lieutenant de Wrangell, aujourd'hui contre-amiral. Il se rendit d'abord de Moscou à Irkoutsk, avec les officiers de marine et les autres personnes attachées à son expédition. Irkoutsk est située sur la Léna, dans la partie supérieure de son cours. Les voyageurs s'y embar quèrent, et descendirent jusqu'à Yakoutsk, ville qui avait alors quatre mille habitants, et qui est devenue le centre d'un grand commerce avec le nord de la Sibérie. De là, ils se rendirent, après beaucoup de fatigues et de privations, à Nijné-Kolimsk, vers l'embouchure de la Kolima. Ils observèrent, dans ce voyage, les mœurs des Yakoutes, leur caractère hospitalier, la stérilité du sol, due à l'âpreté du climat. Les vents du nord y règnent fréquemment, et la poussière de neige qu'ils chassent devant eux avec violence y forme une espèce d'ouragan. On ne connaît guère que deux saisons, et l'on passe rapidement de l'hiver à l'été, et de l'été à l'hiver. Le plus grand jour dure deux mois; jl en est de même de la plus grande nuit.

On trouve dans les forêts une grande quantité de rennes, d'élans, d'ours, de renards, de zibelines, d'oiseaux de proie. Les cygnes, les oies, les canards sauvages y arrivent au printemps on entend le chant des oiseaux; la rivière est poissonneuse; des bancs de harengs pénètrent dans son embouchure; et la chasse et la pêche fournissent aux besoins des habitants, qui sont au reste en très petit nombre sous un ciel si rigoureux. Les chiens sont pour eux d'une grande ressource; ils les attellent à leurs traîneaux; et l'on peut juger par le trait suivant de l'intérêt qu'ils mettent à les conserver. Une famille avait perdu tous ses chiens

dans une épizootie, à l'exception de deux petits; et la femme d'un Youkaguire les nourrit de son lait.

Pendant l'hiver que les voyageurs passèrent à NijnéKolinsk, ils observèrent plusieurs aurores boréales, qui éclairaient leurs longues nuits. Le thermomètre marquait, du 3 au 4 janvier 1821, 39 degrés de froid. Enfin on se mit en route le 19 février pour gagner les rives de la mer glaciale et le cap Chélagsk

Le pays que l'on traversait est celui des Tchouktchas, nation nomade et indépendante. Elle occupe un vaste territoire qui s'étend jusqu'au détroit de Béring, et souvent ses bateaux le traversent, pour aller chercher en Amérique des pelleteries et des dents de morses, que l'on va vendre ensuite à la foire d'Ostrovnoyë. Cette foire se tient au mois de février, et il s'y rend des marchands de toute la Sibérie orientale.

Les Tchouktchas ont des chamans ou magiciens qui exercent sur eux un grand empire, et qui les portent souvent à des actes barbares pour fléchir la colère des esprits. Ces peuples ont de nombreux troupeaux de rennes, qu'ils emmènent avec eux lorsqu'ils changent de campements.

Les quatre voyages de M. de Wrangell à la mer glaciale, et ceux de ses savants collaborateurs, sont successivement décrits. Nijné-Kolismk était toujours le point de départ et de retour: on y passa les hivers de 1820, 21 et 22; on partait au printemps, et l'on profitait de la courte durée des étés, pour suivre les extrêmes limites du continent, et tenter sur la mer quelques découvertes, soit en traîneau lorsqu'elle était glacée et qu'on n'était pas arrêté par des montagnes de glaces impraticables, soit dans de légères embarcations,

partout où la mer était accessible et navigable. Les iles aux ours furent visitées. On trouva sur quelques points de la côte d'innombrables défenses de mammouths, et des ossements fossiles, appartenant, soit à cette espèce, soit à d'autres animaux antediluviens, phénomène digne sans doute d'attirer toute l'attention des géologues.

Nous croyons être entrés dans un assez grand nombre de détails pour inspirer aux amateurs de voyages le désir de connaître celui de M. de Wrangell. Ils y trouveront une instruction solide et variée, de piquantes observations sur les mœurs, des peintures souvent affligeantes sur la stérilité du sol et sur la misère des habitants; mais à côté de ces tristes tableaux on voit aussi que la nature a accordé aux hommes quelques compensations, que la création a mis à leur portée quelques moyens de nourriture; que l'habitude a rendu leur sort moins amer; que peut-être même ils ne désirent pas changer de destinée, car ils n'ont pas été à portée de jouir d'un meilleur sort: ils vivent comme ont vécu leurs pères; ils façonnent leurs enfants aux mêmes privations, et de nombreux liens les attachent à leur patrie.

SEPT ANNÉES EN CHINE, et nouvelles observations sur cet empire, etc., etc, par Pierre DOBEL, ancien consul de Russie aux iles Philippines. Traduit du russe par le prince Emmanuel GALITZIN.

M. Dobel, né en Irlande, fut conduit par ses parents aux États-Unis d'Amérique; il fit ses études à Philadelphie, servit dans l'armée fédérale, entreprit

ensuite plusieurs voyages de navigation, visita l'archipel indien et les côtes de la Chine, fit à Canton un sejour de sept ans, et résida ensuite à Manille, en qualité de consul de Russie.

Son ouvrage renferme toutes ses opinions sur les mœurs des Chinois, leur caractère, leur commerce, leur industrie, leur manière de vivre. Il expose leur système religieux, leurs principes de gouvernement, l'état de leurs connaissances. L'idée qu'il nous donne de cette nation ne lui est pas toujours favorable, et d'autres écrivains l'avaient jugée plus avantageusement. Il reste à comparer leurs témoignages; et l'ouvrage de M. Dobel sera utile à consulter pour tous les voyageurs qui se rendront dans cette contrée.

Les Chinois sont manufacturiers et commerçants : ils étendent leur navigation dans tous les archipels des Indes, sur les côtes du continent voisin et dans les principaux parages de l'Océanie.

D'intéressantes observations sur l'archipel des Philippines complètent et terminent l'ouvrage de M. Dobel. Ces îles sont une précieuse possession pour l'Espagne, qui en a négligé trop longtemps la prospérité. L'auteur loue la bonne administration du marquis d'Aguilar, lorsqu'il en était capitaine général. Mais, après lui, la tranquillité de la colonie a été troublée plusieurs fois. L'esprit d'insubordination éclata dans l'ile de Luçon en 1820. L'émeute fut particulièrement dirigée contre les étrangers: on les proscrivit, et il en périt un grand nombre. Le consul de Danemark fut au nombre des victimes. Le feu de la sédition vint encore se ranimer quelque temps après, et le capitaine général, qui voulait s'opposer aux révoltés, tomba lui-même sous leurs coups.

ÉTUDES sur la relation des voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et à la Chine, dans le IXe siècle de l'ère chrétienne.

M. Dulaurier a publié sous ce titre une savante dissertation dans laquelle il rappelle d'abord les relations de commerce que les Assyriens, les Égyptiens, les Phéniciens, et d'autres anciens peuples entretenaient avec les Indes. Les Arabes pratiquaient de temps immémorial cette navigation; d'abord en suivant les côtes, et dans la suite en profitant du mouvement alternatif des moussons, qui leur permettaient de gagner la haute mer, de se rendre directement sur la côte occidentale de l'Inde, et d'effectuer leur retour de la même manière.

Le but de l'auteur est d'examiner quel était dans le 1x siècle la situation de ce commerce: il rend compte des recherches faites sur une si intéressante question par M. Reinaud, membre de l'Institut : il s'attache comme lui aux récits d'un marchand arabe, nommé Soleyman, qui vivait dans ce siècle, et qui avait navigué plusieurs fois dans les parages des Indes et de la Chine; et pour compléter ces informations, il a également recours aux relations publiées par AbouZeyd et par le géographe Massoudy, qui vivaient l'un et

l'autre dans le x° siècle.

On partageait alors en plusiers mers les différents parages de l'Océar oriental. Une de ces régions maritimes s'étendait le long des côtes d'Arabie; une autre s'avançait vers l'Indus et le golfe de Cambaye ; la troisième était située entre le Malabar, l'île de Ceylan et l'archipel des Maldives; la quatrième suivait les

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