Page images
PDF
EPUB

En terminant n'oublions pas de mentionner les châsses en bois sculpté, enrichies de peintures et dont la renommée du maître contribue à en faire des objets d'art plus précieux que les fiertes somptueuses, à bas-reliefs d'or ou d'argent. Telle est entre autres la fameuse châsse de sainte Ursule à l'hôpital de Saint-Jean, à Bruges, chef-d'oeuvre du peintre Hans Memling, qui vivait dans le second tiers du XVe siècle.

Les reliquaires peuvent se diviser en deux grandes classes: les édicules à forme architecturale et les récipients de forme anatomique humaine. Les premiers sont souvent des tourelles, des clochetons, des gables offrant parfois une façade entière, dont la relique occupe la rose, ou bien encore des sortes d'écrans à fond plein ou ajouré. A l'exception du visage, des mains et des pieds, les reliquaires anatomiques présentent toujours les bustes ou les membres, richement habillés d'orfrois, ciselés, émaillés et enrichis de pierres précieuses. Pour les bustes le visage est le plus souvent doré et la prunelle de l'oeil formée d'une calcédoine placée sur un paillon qui lui donne presque l'apparence humaine. Parmi les bustes nous signalerons celui du bienheureux Charlemagne au trésor d'Aix-la-Chapelle et celui du pape saint Alexandre, en argent et de grandeur naturelle, provenant de l'église de Xhendelesse, dans la province de Liége et conservé au musée de la porte de Hal. Ce dernier exécuté au XIIIe siècle est orné d'un collier enrichi d'émaux sur fond d'or et repose sur un socle rectangulaire, garni de douze émaux byzantins représentant des saints et des figures symbolisant des vertus.

[graphic]

DEARS DEL
Eglise de Celles.

Parmi les reliquaires la première place revient sans contredit à ceux enfermant une parcelle de la sainte Croix. Le plus souvent ils affectent la forme d'une croix à double traverse. La relique que saint Louis rapporta de la terre sainte était enchâssée dans un étui byzantin du XIIe siècle, qui présentait trois croix à double traverse. On retrouve la même forme dans les deux reliquaires de Trèves et dans celui de l'ancienne abbaye des Verger, près d'Oisy, et connu sous le nom de croix d'Oisy.

Dans notre pays, le trésor de la cathédrale de Namur renferme deux croix reliquaires de la même forme, l'une donnée par Philippe et l'autre par Jean III, tous deux marquis de Namur. L'église de Walcourt en possède une autre de la plus grande beauté. La relique apportée de Jérusalem, en 1099, par Robert comte de Flandre et donnée par lui à l'église de sainte Walburge, à Furnes, celles de sainte Waudru, à Mons, et de Notre-Dame, à Tongres, et celle du musée de la porte de Hal, datant du XIe siècle, sont également conservées dans des croix à double traverse.

Le reliquaire ostensoir est une des variétés les plus communes au moyen-âge pour les reliques autres que celles de la sainte Croix. Notre pays en possède encore aujourd'hui un nombre considérable parmi lesquels nous citerons ceux des églises de Notre-Dame, à Tongres, de saint Remy, à Ittre, de sainte Waudru, à Mons, de saint Jacques, à Louvain, de sainte Gertrude, à Nivelles, de Notre-Dame de Hal, de saint Vincent, à Soignies, et des sœurs Carmélites de Tournai.

On appelle << superaltare » un autel portatif, entouré le plus souvent d'une bordure de métal doré, dont les côtés sont ornés de plaques de feuillages ciselées, repoussées, niellées ou émaillées et ornées de figures et de pierreries. Le trésor des sœurs de Notre-Dame, à Namur, possède un curieux « superaltare » en marbre gris-verdâtre, posé sur

quatre pieds et datant du commencement du XIIIe siècle. Le musée de la porte de Hal possède un autel portatif du XIe siècle affectant la forme de coffret rectangulaire. Cet autel entièrement émaillé nous représente le Sauveur en croix avec la sainte Vierge, saint Jean, le tétramorphe et les douze apôtres. Citons encore dans la même collection un autre autel portatif du XIIe siècle, en cuivre doré avec couvercle et cantonné aux angles de quatre statuettes représentant les évangélistes. Il est enrichi d'émaux cloisonnés et présente sur la plaque supérieure diverses scènes de la passion. Au centre sous un cabochon se lit le mot « sanctus >> trois fois répété sur un parchemin, et les côtés représentent le martyre des apôtres. Cette œuvre remarquable provient de l'ancienne abbaye de Stavelot.

ARTICLE VI.

Émaux, nielles et filigranes.

L'antiquité connut l'art de fabriquer, de colorer le verre et d'en assembler les différentes teintes pour en former des figures ou des ornements. Elle connut également le procédé pour en recouvrir les grès; mais elle ignorait complètement celui de l'appliquer aux métaux et de l'y souder par la fusion. Les Romains mêmes n'avaient aucune notion de l'application du verre à l'orfèvrerie, comme le démontrent les fibules trouvées à Drouvend, près de Neufchatel, l'épée et les abeilles du tombeau de Tournai, le plateau du trésor de Gourdon, les aigles et les agrafes du tombeau de Bavay et généralement tous les bijoux romains aujourd'hui dispersés dans diverses collections. Tous ces objets, en effet, sont simplement ornés de verres ou de pâtes de

verre, incrustées à froid et trahissant l'ouvrage d'orfèvres nullement initiés aux secrets de l'art d'émailler. C'est à l'ancienne Gaule Belgique que revient le mérite de l'invention des émaux dans leur application au métal, et les nombreuses fibules, plaques et cassolettes émaillées, que les fouilles opérées dans nos contrées ont mises à jour, révèlent toutes les caractères et le style de l'époque antérieure au Ve siècle. Ce furent donc nos pères qui découvrirent les émaux proprement dits et, dès le IIIe siècle déjà, comme nous l'apprend Philostrate, ils étendaient sur l'airain ardent. des verres colorés, qui y adhéraient, devenaient aussi durs que la pierre et produisaient des figures qui se conservaient parfaitement.

Au XIe siècle, la ville de Limoges s'était acquis une brillante réputation dans la fabrication des émaux, et les nombreuses productions de ce genre qu'enfantaient ses artistes firent que tous les émaux indistinctement lui furent attribués et portèrent son nom. Nous savons cependant avec certitude qu'outre l'école de Limoges il en existait autrefois plusieurs autres très-importantes et notamment celles de Cologne et de Maestricht, et, malgré l'identité des procédés employés, l'œil exercé de l'archéologue distingue aujourd'hui sans peine les anciens émaux limousins, rhénans et liégeois.

L'émail est un cristal coloré par des oxydes métalliques et fixé sur les métaux par la fusion. Nous ferons observer que ces oxydes ne peuvent être alliés au verre que dans des proportions assez faibles, si l'on veut conserver aux émaux l'une de leurs qualités premières, la translucidité, car plus les oxydes abondent, plus aussi les tons deviennent intenses. et l'émail opaque. La fusibilité des émaux est de plus en rapport inverse avec sa coloration et sa dureté. L'émail est d'autant plus fusible qu'il est plus clair.

On distingue trois sortes d'émaux les émaux incrustés,

les émaux translucides appliqués sur des reliefs et les émaux peints.

Les émaux incrustés sont de deux espèces : les émaux champlevés et les émaux cloisonnés ou à cloisons mobiles. Pour les premiers, au moyen du burin, de l'échoppe ou du ciselet, on creusait le métal, ordinairement le cuivre rouge, de manière à ne laisser saillir que les traits du dessin, le contours des figures et des ornements, ainsi que les plis des draperies et l'on remplissait d'émail l'espace compris entre les traits. Pour terminer l'opération on polissait à la fois la surface émaillée et l'arrête métallique, que l'on dorait ensuite.

Les émaux champlevés ne sont qu'une variante des premiers sur le champ lisse de la plaque ou de l'objet à émailler on soudait de minces lamelles, traçant le profil du dessin, que l'on fixait provisoirement avec de la cire. En exposant ce fond à une chaleur modérée, capable de fondre les grains de soudure, mêlés à la cire, cette dernière s'écoulait laissant parfaitement libres les cases formées par les lamelles. On remplissait alors ces cases de poudre d'émail de la couleur voulue et on l'exposait à un degré de chaleur suffisant pour fondre l'émail. Après avoir laissé refroidir graduellement la plaque, on en polissait la surface. On opérait ordinairement de la sorte pour les émaux à fonds d'or, à cause de la facilité que présente la soudure et des déchets d'or que l'on évitait de voir se perdre sous l'action du burin.

Parfois même l'on supprimait la plaque servant de fond et les émaux cloisonnés devenaient de véritables vitraux où le verre coupé était remplacé par l'émail coulé et le plomb de sertissure par une lamelle en métal plus précieux.

Les émaux translucides s'appliquaient sur des bas-reliefs, des dessins ciselés ou gravés et laissaient apparaître sous leur couche émaillée les figures en demie ronde bosse, les rinceaux et les autres ornements en relief.

« PreviousContinue »