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une parenté incontestable avec ceux de la vieille école de Giotto et d'Andrea di Foligno. Ils marquent la limite qui existe entre le style hiératique des peintures byzantines et le style réaliste inauguré par les frères Van Eyck aux Pays-Bas et par Antonello de Messines en Italie. Ces peintures forment un diptique et représentent l'Annonciation et la Visitation d'une part, et de l'autre la Présentation et la Fuite en Égypte. Il est assez curieux de remarquer qu'hormis les coiffures, les costumes sont à peu près justes au point de vue somptuaire. Certaines têtes de ce rétable sont de la plus haute valeur. Dans la Présentation citons surtout le profil émacié du vieillard Siméon et la face aux lignes pures et suaves de la divine Mère de Dieu.

Hâtons-nous d'arriver à l'immortelle école de Maeseyck, dont un peintre inconnu fut l'initiateur des deux maîtres de la peinture flamande Hubert et Jean Van Eyck. Ce n'est pas ici le lieu de rechercher la valeur de la découverte de la peinture à l'huile, ou plus correctement du genre de siccatif dont les connaissances chimiques d'Hubert Van Eyck enrichirent l'attirail des peintres. Nous nous contenterons d'examiner brièvement les principaux titres à la gloire des deux illustres frères. L'œuvre d'Hubert est moins important que celui de Jean. M. Passavant lui attribue trois ouvrages dont l'authenticité lui paraît historiquement prouvée. L'une « le triomphe de l'Eglise » est au musée national de Madrid; la seconde représentant saint Jérôme arrachant une épine de la patte d'un lion est au Musée de Naples ; la troisième est l'Adoration de l'Agneau, ce chef-d'œuvre immortel, qui figura jadis au grand complet à la cathédrale de Saint-Bavon, à Gand, et fut commandé par le bourgmestre de cette ville Josse Vyts et sa femme Elisabeth Borluut.

Bien qu'Hubert fut le maître et l'initiateur de son frère Jean, celui-ci recueillit tous les avantages de sa légitime

célébrité. Jean Santi, le père de Raphaël, fit un juste éloge de la vivacité de son coloris et de la vérité de son naturalisme. Ce fut en effet sa propension à imiter les formes de la nature qui le porta à retracer des sujets profanes, comme par exemple, la Chasse aux loutres et la Salle de bains, aujourd'hui perdus, mais cités par Facius comme d'admirables tableaux. De plus il ne se bornait pas à introduire dans les fonds de ses œuvres des vues lointaines, mais il exécuta encore à la demande de Philippe le Bon un véritable paysage.

Le plus ancien tableau connu de Jean Van Eyck se trouve en Angleterre dans la galerie du duc de Devonshire; il est signé et daté de 1421. Immédiatement après dans l'ordre chronologique viennent les volets du rétable d'autel de Saint-Bavon, à Gand, qu'il acheva à cause de la mort prématurée de son frère. L'Angleterre possède encore plusieurs autres œuvres de Jean Van Eyck et parmi elles : La Vierge et l'enfant Jésus de Ince Hall, près de Liverpool, daté de 1432, le portrait d'homme du Britisch Museum, peint en 1433, son portrait et celui de sa femme exécutés en 1434, dans la même galerie, et la Vierge avec l'Enfant en possession du marquis d'Exeter. Le Louvre possède plusieurs tableaux du maître d'un intérêt secondaire. L'Académie de Bruges s'enorgueillit de la fameuse Vierge au dais, commandée par le chanoine George de Pala, peint en 1436. La galerie du Belvédère à Vienne possède le portrait de Jean de Leeuw. Le musée d'Anvers offre un intérêt tout particulier à cause d'un tableau inachevé du maître, tracé au bistre avec un talent merveilleux et représentant sainte Barbe au pied d'une tour gothique. Cette œuvre, dont nous donnons ci-après une gravure, témoigne de la souplesse du pinceau du grand artiste flamand; car au premier aspect il a l'air d'ètre tracé à la plume. On sait que cette production remarquable

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Volet d'un triptique de Rogier Vander Weyden, au musée d'Anvers.

fait partie de la riche collection léguée au Musée de la métropole commerciale par Florent Van Ertborn, bourgmestre d'Anvers. Le Musée de Berlin possède une tête de Christ au type primitif et barbu, très-souvent reproduit par la peinture et la gravure; celui de Francfort la Madone alaitant le divin Enfant; celui de Dresde la Sainte-Vierge avec l'enfant Jésus. Nous n'en finirions pas si nous voulions citer les œuvres plus ou moins authentiques, attribuées au célèbre peintre de Philippe le Bon, mais qui sont évidemment de ses principaux élèves, ou considérés comme tels : Pierre Christophsen, Justus van Ghent, cité par Vasari, Dierick Stuerbout ou Thierry de Harlem, Hans Memling, Hugo Vander Goes, Rogier Vander Weyden, Gérard Vander Meire, Albert Van Ouwater, etc., dont les œuvres authentiques et signées font la gloire des musées de l'Europe.

ARTICLE V.

Peinture sur verre.

L'emploi de la peinture sur verre coïncide avec l'adoption de l'arc en ogive pour les arceaux et les couvertures des édifices. Ce fut un nouvel et important élément de décoration, inconnu des siècles précédents et dont les applications multiples devaient former un incomparable corps de doctrine. Cet élément fut introduit en grand au XIIIe siècle et ne tarda pas à devenir d'un usage général, même dans les plus humbles sanctuaires. Il est cependant certain que le verre colorié a été employé, comme décoration, dans l'antiquité et pendant la période romane. Du X au XIIe siècle le verre de couleur paraît avoir été disposé de manière à former des mosaïques, mais il règne

beaucoup d'obscurité sur la nature des verrières à cette époque. Le plus ancien vitrail que l'on connaisse est celui que l'abbé Suger donna à son église et dont il reste encore des fragments à Saint-Denis. Plusieurs autres verrières sont présumées contemporaines de ce dernier, mais on n'a pas pour justifier leur attribution, comme à Saint-Denis, la signature de Suger, et nous croyons avec les meilleurs archéologues qu'il faut être très-circonspect dans l'attribution d'oeuvres d'art à une date aussi reculée.

A la fin du XIIe siècle commence done en réalité l'histoire de la peinture sur verre. Le développement de cette branche artistique exerça une grande influence sur les formes architecturales et provoqua même l'élévation systématique et successive des baies divisées par des meneaux. Ni Robert de Luzarches, ni Jean de Chelles, ni Erwin Von Steinbach auraient osé tracer les hardies fenêtres dont ils trouaient leurs édifices, s'ils n'avaient compté sur l'appoint que l'art du maître-verrier pouvait leur apporter pour leur

ornementation.

Les vitraux du XIIIe siècle jusqu'au temps de saint Louis furent composés de médaillons de diverses formes, distribués symétriquement sur des fonds en mosaïque. Ces médaillons alternativement circulaires, quadrilobés, elliptiques, etc. forment une ligne verticale de tableaux au centre de la fenêtre. Les ornements sont toujours découpés en un triple feston et se présentent invariablement par petits groupes composés chacun de trois divisions.

Les pièces de verre sont fort épaisses et les armatures de plomb qui les liaient fort serrées. Les premières sont toujours de petite dimension, vu que l'art de la fabrication du verre était privé des ressources techniques qu'il ne connut que plus tard.

Les mosaïques des fonds présentent le plus souvent des compartiments, tantôt carrés ou en losanges, remplis de

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