Page images
PDF
EPUB

expliquions difficilement le geste tourmenté du bras gauche, qui semble relever les plis de l'ample stola des matrones. La robe de la Vierge est assujettie au bas de la gorge par une fibule d'assez grande dimension, en forme de cabochon. C'est à partir de cette fibule que, du côté droit, la robe s'écarte pour permettre l'allaitement de l'Enfant. Cet Enfant, contrairement aux traditions - byzantines, a les mains croisées sur le bas de la poitrine, sans avoir l'attitude consacrée de bénédiction. Ses vêtements consistent en un simple indusium à manches fort amples, fermant au cou par une petite fibule. La figure de l'Enfant a tout-àfait le cachet byzantin; la disposition des cheveux contribue beaucoup à la réalisation de l'apparence de ce type. La robe de la Vierge est fixée aux reins par la zona des matrones; les plis que forme cette ceinture sont raides, sans être à cassures métalliques; les mains et les pieds sont de facture médiocre et il semble que l'artiste ait voulu concentrer tout le savoir de son ciseau sur la tête de la Vierge, dont le profil est réellement admirable.

Enfin, comme dernier type d'images de la sainte Vierge à l'époque romane, nous mentionnerons la madone de l'église de saint Pierre, à Louvain, dont quelques indices certains rattachent le travail à l'art gréco-byzantin. Cette statue présente en général des caractères d'un archaïsme indubitable et d'autant plus remarquable, que presque tous les monuments de ce genre ont été dans le temps péniblement mutilés pour recevoir l'application du vertugadin espagnol, seule raison pour laquelle on a enlevé dans la statue d'Alsemberg l'enfant Jésus au gíron de sa Mère. Sauf quelques détails, la statue de Louvain n'a reçu aucune mutilation. Les pieds, les mains, le visage et les souliers de la sainte Vierge, ornés de pierreries, datent tous de l'origine de la statue. Quant aux draperies, elles sont tellement remarquables qu'elles pourraient fournir à elles seules des types, pour

juger à l'avenir des œuvres semblables. Le manteau collant à plis pressés et symétriques est orné d'une bordure de cabochons posés deux et un et plus modernes que ceux du collier. La retombée des plis partant du genou droit de la sainte Vierge peut être considérée comme le type le plus caractéristique et le mieux réussi de cette draperie byzantine, qui semble plutôt godronée au petit fer que produite naturellement par l'ondulation de l'étoffe sur le membre qu'elle recouvre. La stola ou longue robe matronale, que porte la madone, semble vouloir imiter la laine la plus fine, grâce à ses petits plis multipliés avec plus de bonne volonté que de sens. Une remarque que nous tenons à faire, c'est que les lés sont indiqués par une légère broderie cachant le travail à l'aiguille.

Quant au visage de la sainte Vierge, il est incontestablement d'origine byzantine et procède directement du type de la beauté grecque. Cette figure est d'une convenance et d'un charme, qui font vivement regretter que les moyens techniques de l'artiste inconnu qui sculpta cette statue n'aient pas été à la hauteur de sa compréhension de l'idéal et de sa recherche du beau absolu. Le type de l'enfant Jésus n'est pas comparable, quant à la perfection, à celui de sa divine Mère; la figure en est un peu empâtée et manque d'expression. C'est là un défaut que l'image de Louvain partage avec un grand nombre d'autres de la même époque. Quant aux colliers qui couvrent la poitrine de la Mère et de l'Enfant, notre opinion est qu'ils ont dû avoir été ajoutés vers le XVe siècle, sans doute pour recevoir le don pieux des joyaux et gemmes de quelque noble châtelaine. La différence entre l'ordonnance confuse de ces derniers et l'ordonnance rigoureusement symétrique des cabochons de la bordure suffit pour nous le démontrer sans réplique.

La chaise mérite de notre part une attention critique rigoureuse. Prise telle qu'elle est, elle donnerait à la statue

la date du XVe ou de la fin du XIVe siècle; mais si, d'autre part, nous voulons faire abstraction des quatre amortissements en culs de lampe et des bandes à feuilles de lierre ondées, qui ornent les fuseaux, nous retrouvons exactement la même chaise qu'à Notre-Dame de Chartres ou à la Vierge d'Alsemberg. La statue ayant été cachée pendant près de trois siècles sous l'ample robe en vertugadin, partant du cou et s'élargissant en espèce de triangle équilatéral, de toute nécessité il a fallu retrancher les boules terminales ou pins du haut dossier et celles du siége inférieur; les premières, pour qu'elles ne trouassent pas la robe à la hauteur des épaules; les secondes, pour remédier à l'excès du diamètre produit par la courbe du vertugadin. Quant à l'enjolivement des fuseaux, il dut se faire en même temps que l'adjonction des culs de lampe, lorsque, il y a quelques années, l'on se décida à montrer de nouveau la sainte Vierge sous son aspect primitif. Un dessin de la statue, telle qu'elle se présentait avant cette époque, nous a été heureusement conservé dans la Renaissance et confirme en. tous points les assertions qui précèdent.

ARTICLE III.

Ivoires.

Nos anciennes églises étaient riches en ivoires sculptés. L'on sait qu'en général une sorte de discrédit s'attache à des œuvres d'art de cette nature, à cause de la facilité que l'on possède de leur donner, au moyen d'un feu de paille humide, la teinte, l'agatisation et l'espèce de reflet stéarique, que la suite des siècles imprime à la dent d'éléphant.

[graphic][subsumed][subsumed][merged small][subsumed]

Parmi les plus anciens ivoires qui nous aient été conservés nous mentionnerons en premier lieu la couverture d'évangéliaire, provenant de l'église de saint Martin à Genoels-Elderen et exposée de nos jours dans les vitrines du musée de la porte de Hal. Au milieu d'un des feuillets dont se compose le diptique, le Christ, revêtu d'une tunique à zona très-large, la tête ceinte d'un nimbe crucifère, portant l'une des lettres du mot rex sur les extrémités de chacun des bras apparents de la croix, tient un livre fermé de la main gauche et porte, à la facon des faisceaux consulaires, une croix légère sur les épaules; deux anges entièrement vêtus, sauf les bras et les pieds, se tiennent à ses côtés. Les extrêmités, au point de vue de l'art, sont malheureuses; mains et pieds ont cette raideur et cette absence de modelé, qui caractérise bien l'époque à laquelle on attribue cette œuvre. L'aspic, le basilic, le lion et le dragon, ces bêtes légendaires et apocalyptiques, peuplent le bas de la composition entourée d'une légende et d'une bordure de dessins, non en zigzags, comme l'indique à tort l'auteur du catalogue, mais bien à queues d'aronde, alternées et évidées.

Le second feuillet, moins important que le premier et dont nous n'avons pas jugé à propos de donner une gravure, nous représente deux scènes empruntées à la vie de la sainte Vierge l'annonciation et la visitation. La bordure qui les encadre est ornée d'entrelacs et, particularité intéressante, les yeux de tous les personnages sont en verre bleu.

Les moulages de la collection Arundel, également au musée de la porte de Hal, nous fournissent des données précieuses sur les types et la fabrication des anciens. ivoires. Le bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, année 1869, contient la nomenclature des cent et douze fac-similés composant cette interessante col

« PreviousContinue »