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représentant la sainte Vierge assise sur une espèce de cathedra, les pieds reposant sur l'hypopodium, semble, au premier aspect, d'origine byzantine et offre une grande analogie avec la Vierge de l'église de saint Martin à SaintTrond et avec celle trouvée au château d'Hermal, près de Huy, et provenant de la collection Hagemans, acquise par l'État et conservée au musée de la porte de Hal, à Bruxelles.

Les draperies de cette statue ont la raideur, mais en même temps aussi l'élégance des statues byzantines; la sainte Vierge est vêtue d'une tunique fixée à la taille par une simple mais large zona, ceinture des matrones antiques; ce vêtement est recouvert d'une clamyde attachée, au haut de la poitrine, par une espèce de broche ou fermail de forme circulaire, et s'étendant sous la statue, comme la tunique elle-même; la main, disposée de façon à tenir un sceptre, est une annexe moderne; la main droite primitive devait avoir la même disposition que la gauche et soutenir l'enfant Jésus assis sur le giron, le dos tourné vers sa mère; il est malheureusement perdu. Un enfant Jésus se voit encore sur les genoux de la Vierge du château d'Hermal; il tient de la main gauche le globe terrestre et bénit de la droite à la manière latine.

Le type du visage, aujourd'hui défiguré par une couche de peinture à l'huile, est des plus remarquables et procède de la tradition byzantine, mélangée cependant de cette disposition particulière de la bouche aux coins relevés, que l'on remarque également à l'antique image vénérée dans la cathédrale de Chartres et que le naïf artiste de ces temps reculés avait adopté comme expression de bienveillance et d'amour. C'est le sourire traduit par un ciseau dont l'exécution matérielle trahit la pensée du sculpteur.

On trouvera peut-être que l'ensemble de la figure ne porte pas l'empreinte de l'exquise et céleste beauté que les

artistes chrétiens surent faire rayonner plus tard au front de la reine des vierges. Dans les madones, l'expression de bonté a devancé de plusieurs siècles celle de la beauté matérielle ou plastique. Les croyances pieuses ne voyaient dans l'image de Marie que la représentation de la divine avocate intercédant, devant le trône de son Fils, pour les fidèles qui lui adressaient leurs prières. Les artistes du XII siècle dédaignaient la forme et la beauté physiques au profit de la pensée et des idées mystiques, souvent profondes et toujours ingénieuses. Leurs œuvres ne supportent pas l'analyse au point de vue des règles anatomiques, ou des principes de l'art classique. Les lèvres très-épaisses, la bouche largement fendue, le menton aigu, les narines excessivement dilatées, les pommettes très-saillantes, le front fuyant et élevé et le visage ovale ne constituent-ils pas tous les caractères de laideur? Et pourtant les paupières modestement baissées, de manière à ne laisser entrevoir que la prunelle des yeux, le sourire, la naïveté, le calme et l'onction suave, que respire la physionomie, nous offrent une expression de bonté, de candeur et d'amour qui commande le respect et inspire la confiance. Oui, c'est bien là la beauté morale, la beauté telle que la comprend le christianisme, mais non pas cependant le dernier mot de l'art. Plus tard, en effet, lorsque l'artiste fut plus maître de son ciseau, il voulut encore renchérir sur l'expression de bonté divine, consacrée pour le visage de la sainte Vierge, et, réalisant à son tour le type d'idéale beauté qu'il s'en formait dans le cœur, il mit au jour ces œuvres sublimes, qui semblent n'avoir pu émaner que du ciel et qui ont pour auteur un Fiesole, peintre angélique, qui ne maniait le pinceau qu'à genoux, et dont chaque toile est plus puissante pour émouvoir et transformer le cœur que le plus brillant discours du plus éloquent des orateurs chrétiens. Le procédé de peinture polychrome, employé pour la

décoration de la statue de Notre-Dame d'Alsemberg, est des plus remarquables. L'artiste a sculpté la figure, les mains et les contours de la chaise ; quant au corps, il n'en a fait qu'une espèce de maquette destinée à être complétée par un autre travail. Le bois de tilleul, dont il s'est servi pour l'exécution de cette œuvre d'art, est entièrement recouvert d'une enveloppe de lin, enduite d'une épaisse couche de talc ou plâtre fin, retouché à l'outil et assez profondément fouillé dans les plis des draperies. Tout cet ensemble est entièrement doré avec des rehauts au manganèse. La figure est argentée et brunie; les mains devaient l'être également. Comme nous l'avons dit plus haut, l'une de ces mains est perdue et a été remplacée par une autre moderne. L'agrafe ou fibule du manteau était ornée d'un cabochon probablement en cristal de roche. On sait que très-souvent on insérait sous ce cabochon une relique insigne. La bouche, l'iris des yeux, les sourcils et les cils sont teintés au manganèse. La tête est couverte d'un voile qui descend et s'arrête à la nuque ; le front est complètement dénudé.

Une autre image de la sainte Vierge, non moins remarquable que la précédente, est celle de l'église de NotreDame de Hal. Nous avons eu l'occasion de voir et même, puisqu'il le fallait, d'étudier, avec toute la froideur de l'archéologue et du critique, cette antique et vénérable image. Lorsqu'elle n'est point cachée par son burlesque travestissement espagnol et qu'elle ne disparaît pas sous la masse des pierreries et des dentelles qui la déparent, la sainte image, qui peut avoir trois pieds de haut, est complètement noircie par le temps et nous semble indubitablement avoir été taillée par un pieux ciseau d'artiste pendant la période de transition qui sépare le XII et le XIIIe siècle.

La Vierge se rapporte au type connu sous le nom de sedes sapientiæ, que nous retouverons également plus loin dans l'image de l'église de saint Pierre, à Louvain. Nous

avons dit que l'aspect général de la statue présente une teinte noirâtre et oxydée. Quelles que soient les mauvaises conditions dans lesquelles cette statue s'est trouvée durant les nombreuses vicissitudes causées par le malheur des temps, nous ne pouvons attribuer qu'à une ancienne argenture totale de l'image la noirceur nitratée, qui la couvre d'une respectable patine.

La physionomie de la sainte Vierge, dans laquelle on remarque, à la première vue, la direction verticale imprimée à l'os frontal, présente une pureté de galbe, une onction et une beauté matérielle, que seules peuvent donner à une figure l'inspiration et la foi d'un ciseau chrétien. Le voile tuyauté au petit fer, comme dans la statue de la Vierge de Louvain, est enfermé dans un bandeau ou couronne royale. Les fleurons de ce bandeau ont été malheureusement supprimés pour faciliter la pose d'une de ces riches couronnes que lui décernèrent si souvent les têtes couronnées.

Nous avons déjà dit que la Vierge est assise; le siége n'a pas de dossier; c'est plutôt un scamnum ou tabouret ; l'ornementation en est indécise et vague, et c'est la particularité de ce siége, qui rapporte l'origine de la statue aux premières années du XIIIe siècle, au plus tard, alors que la circonstance de l'allaitement maternel semblerait en rapporter le type à l'année 1250.

Les draperies qui couvrent la sainte image sont de la même école et à peu près du même style que celles de la Vierge de Fontfroide et de celle que l'on admire au musée de Toulouse; c'est ce type de draperies se rapportant plutôt aux traditions gallo-romaines qu'au précepte du livre de la peinture du mont Athos. Une remarque que l'on peut faire et qui, à première vue, donne un caractère archaïque à la statue, c'est que, de même que dans toutes les Vierges byzantines, la tête est un peu forte pour le reste du corps. L'ensemble de la pose est assez bien réussi, quoique nous nous

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