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Considérée au point de vue des traditions chrétiennes, l'étude de l'art chrétien offre encore aux ministres de l'Église des enseignements, dont ils ne sauraient se passer. Il nous a, en effet, conservé en caractères irrécusables les principales vérités de notre foi, et les ressources qui, pour confirmer la doctrine de l'Église, en font une étude indispensable au clergé.

Mais d'un autre côté, comment serait-il possible de méconnaître l'obligation, qui incombe aux ministres du culte d'étudier l'art chrétien, lorsque l'on considère que c'est sous l'influence du Christianisme qu'il a pris naissance et qu'il s'est développé; « c'est le Christianisme, dit le Père Félix, qui, sans maudire les types de beauté créés par le génie de la Grèce, du fond des nuages qui voilaient le ciel de l'humanité païenne, a dégagé le véritable type de la beauté, type inaltérable, éternel, que même le génie païen entrevoyait à travers ses ombres épaisses » et ailleurs : « l'art trouve dans la foi chrétienne sa base la plus ferme, dans l'espérance chrétienne son ascension la plus sublime, dans l'amour chrétien son ressort le plus puissant, dans la sainteté chrétienne ses types les plus beaux et dans le culte chrétien son théâtre le plus éclatant (1). » C'est, en effet, à l'action de l'Église que l'art est redevable de ses plus grandes merveilles, c'est le clergé, qui a peuplé jusqu'aux moindres villages d'inimitables trésors et porté jusqu'au fond des déserts

(1) L'art devant le Christianisme.

et des forêts les plus magnifiques témoignages de la fécondité et de la beauté du Christianisme; c'est le génie chrétien épuré par la foi, l'espérance et l'amour, qui a enfanté ces somptueuses cathédrales, qui semblent porter un défi au ciel et ces mille et une merveilles, qui, tout en attestant la puissance de l'homme, excitent l'admiration et le respect et sont l'une des gloires les plus pures et les plus belles de l'Église.

Après tout cela, le clergé peut-il rester indifférent à l'étude de l'art chrétien? Non; aussi sommes-nous heureux de pouvoir constater que, depuis un certain nombre d'années, plusieurs de ses membres se sont livrés, avec non moins de succès que de zèle, à la recherche et à l'étude de ces grandes et éclatantes pages que l'art s'est chargé d'écrire pour rappeler aux générations futures le développement successif de la civilisation sous l'influence salutaire du Christianisme. On ne saurait nier, qu'il s'est élevé depuis quelque temps, parmi le clergé, des hommes animés d'un grand amour pour l'art et que leur exemple promet d'enfanter une génération de prosélytes digues de marcher sur leurs traces. Ils ont compris que, par leur vocation même, ils se trouvent appelés à marcher à la tête du mouvement, qui entraine tous les esprits vers l'étude des immortels chefsd'œuvres des siècles passés. Ministres de l'Église, chargés de ses intérêts matériels, non moins que de la conduite du troupeau, ils ont reconnu la responsabilité, qui pèse sur eux, de conserver à la postérité le patrimoine sacré que leur ont légué leurs pères dans la foi. L'expérience leur a

démontré, que là, où l'importance et l'intérêt, qui s'attachent aux monuments chrétiens, sont méconnus, là aussi la piété des fidèles diminue et finit par se perdre. Aussi se sont-ils occupés de la réhabilitation de ces nobles restes, qui constituent la gloire de l'art et de la religion, en même temps que l'honneur du pays. Cantonnés sur tous les points du pays, ils ont déterré les antiques inscriptions et fait revivre des noms longtemps ignorés et quelquefois méconnus; ils ont relevé avec amour chaque débris des statues, des baptistères, des vitraux; dans leurs curieuses investigations, ils ont découvert les peintures, qui couvraient les parois et les lambris de nos édifices, et les ont débarrassés du tombeau de plâtre sous lequel la truelle de la Renaissance pensait les avoir à jamais ensevelies; pénétrant plus avant dans le sanctuaire, ils ont trouvé, dans les trésors dépouillés, l'orfèvrerie avec ses rinceaux fleuris, ses filigranes à jour, ses pierreries incrustées et ses riches émaux, les tissus et les broderies aux dessins les plus élégants et les plus variés, les ivoires, les peintures et ces mille et une merveilles des siècles de foi; partout ils ont vu, cachées sous les voiles de la mythologie païenne, les conceptions les plus chastes et les plus poétiques du mysticisme chrétien; la science est venue encourager leurs efforts, le peuple les a sanctionnés de son approbation et l'Église les a bénis.

Cependant, l'autorité ecclésiastique ne resta pas spectatrice muette du mouvement qui se produisait sous ses yeux. Animés d'un saint zèle et d'un grand amour pour l'art, nos

vénérables prélats se sont, au contraire, fait un devoir de se mettre à la tête de la réaction et leur généreux concours a contribué puissamment à lui imprimer une impulsion à la fois forte et salutaire. Sans nous occuper d'une manière spéciale des cours d'archéologie établis par leurs soins dans les séminaires et les colléges et de toutes les autres mesures qu'ils ont prises pour assurer le progrès de cette science, nous nous bornerons à transcrire quelques passages d'une lettre adressée le 17 mai 1854, par feu Mgr Malou, évêque de Bruges, aux membres du Comité archéologique, qu'il venait d'instituer dans son diocèse: Depuis le rétablissement du culte public, en 1802, le clergé et les fidèles de ce diocèse ont fait de nobles et généreux efforts pour réparer les ruines amoncelées par la révolution et la révolution et pour rendre à nos églises dévastées leur ancienne splendeur.... et peu s'en faut que nous n'ayons comblé les lacunes que tous les amis de la religion déploraient. Mais il faut le reconnaître, ce mouvement, louable à tant d'égards, n'a pas toujours été dirigé par le bon goût.... Dès que j'eus pris en main le gouvernement de ce diocèse, je résolus d'améliorer, autant que je le pourrais, cette partie importante de l'administration diocésaine, en réveillant l'étude de l'archéologie sacrée et en encourageant, selon les circonstances, les personnes qui s'efforceraient d'appliquer, plus rigoureusement qu'on ne l'avait fait jusqu'alors, les principes de l'art à la construction de nos édifices sacrés et à la fabrication des meubles d'église.

» Et certes, si sous l'ancien Testament, Dieu remplit de

son esprit Beseleel et Ooliab, comme Moïse l'atteste (Exod. XXXI, 2, et XXXV, 30), et leur donna l'intelligence et la sagesse, pour inventer tout ce qui peut se faire d'ouvrages en or, en argent, en airain, avec du marbre, des pierres précieuses et des bois de tous genres, à l'usage du sanctuaire, qui n'était que la figure de nos églises, il est de notre devoir, sans aucun doute, de fixer une attention spéciale sur les édifices et sur les meubles, qui servent à la célébration de nos augustes mystères et qui rehaussent l'éclat de notre culte.

» C'est dans le but d'encourager tous ceux qui s'associent aux efforts que l'on fait en ce sens, que j'ai institué, il y a trois ans, un concours de sculpture et que, peu de temps après, j'ai ouvert un musée diocésain d'archéologie sacrée. Pour féconder ces premiers essais, je désirais rencontrer quelques personnes versées dans l'étude de l'archéologie qui fussent prêtes à seconder mes vues avec intelligence et avec zèle.

» Je suis, heureux, Messieurs, d'avoir trouvé en vous ces hommes de science et de dévouement, et je me hâte de vous remercier publiquement du concours que vous avez bien voulu me promettre dans l'entreprise, tout-à-fait utile et intéressante, qui fixe mon attention depuis plus de quatre

ans.... >>

Telle est l'expression des sentiments qui n'ont jamais cessé d'animer nos prélats pour toutes les branches de l'art indistinctement. Déjà, avant cette époque, lorsque la réac

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