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méconnaissable; Marcius-Philippus éleva le temple d'Hercule Musagète; Munatius-Plancus érigea celui de Saturne et Lucius Carnificius consacra celui de Diane. Plusieurs temples furent également élevés en l'honneur d'Auguste, mais tous accusent l'absence d'élévation de caractère, la négligence dans l'exécution matérielle et l'impuissance de création démontrée par l'emploi du style composite; ils portent, en un mot, tous les caractères précurseurs d'une décadence prochaine.

Les Romains, dont la pompe, la magnificence et la somptuosité contrastent singulièrement avec le goût exquis et les sentiments du beau naturel que possédaient les Grecs, étaient, en outre, moins riches que ces derniers d'idées et de formes, et surtout moins brillants qu'eux par l'imagination et par toutes les qualités esthétiques. Le principe de l'art chez les Romains était dû plutôt au luxe de quelques castes particulières qu'au penchant naturel de la foule et nous ignorons si l'histoire de Rome offre un seul exemple d'un édifice religieux qui doive sa construction à l'initiative spontanée du peuple. Aussi, instrument de l'influence patricienne, l'art ne conquit jamais l'enthousiasme populaire et cette circonstance explique le sort qui lui échut; il tomb avec les privilégiés, non point comme l'art grec, qui étai. immortel par son essence et par le culte de ses enfants, mais pour ne plus renaître, si ce n'est dans les basiliques chré tiennes, qui devaient plus tard renouveler la face du monde.

CHAPITRE DEUXIÈME

MONUMENTS RELIGIEUX DE LA BELGIQUE AVANT ET PENDANT LA DOMINATION ROMAINE.

ARTICLE 1er.

Des temples.

Les peuplades germaniques, après avoir refoulé les Celtes, que l'on regarde comme le premier peuple qui ait habité nos contrées, n'élevèrent à leurs divinités ni temples, ni autels, ni statues. Au milieu des bois et des épaisses forêts, dont la Belgique était couverte à cette époque, les Germains se contentaient de choisir un emplacement qu'ils entouraient d'un fossé, d'une haie vive, ou d'une palissade formée alternativement d'abattis, ou de troncs d'arbres, et de pierres brutes superposées, sans ciment, les unes sur les autres (1). C'était dans ces circonvallations, qu'il était défendu de briser ou de franchir sous les peines les plus sévères, qu'ils éle

(1) Rien, dit Tacite, ne ravalait davantage aux yeux des Germains la grandeur et la puissance des divinités qu'ils adoraient que de les confiner entre les parois d'un temple ou de les représenter sous une figure humaine. C'est pour ce motif qu'ils leurs consacraient des retraites sombres dans l'epaisseur des bois. Ces lieux sacrés, qui recevaient le nom du dieu qui était censé y avoir sa demeure, étaient l'objet de la plus profonde vénération; aussi n'étaient-ils accessibles qu'aux sacrificateurs seulement, qui venaient y offrir les dépouilles des vaincus, ou les membres depécés des victimes humaines. (Tacite. De more germ. 7, 9, 39, 40, 43; Annales I, 61; II, 12; IV, 73.

vaient un tronc d'arbre ou un arbre tout entier, une épée ou une pierre brute et informe. Ces simulacres de leurs divinités étaient abrités par une construction en bois composée de plusieurs poteaux surmontés d'un appentis couvert en chaume, ou simplement par une espèce de cabane en terre ou en torchis et de forme circulaire.

Après la conquête des Gaules, les Romains jugèrent, que le meilleur moyen, pour faire perdre aux vaincus le souvenir de leur indépendance, était de leur imposer le culte, les lois, la langue et les coutumes des peuples de l'empire. Les efforts tentés dans ce sens par Auguste, Tibère, Claude et leurs successeurs paraissent avoir été couronnés de succès dans le midi et le centre de la Gaule; mais il n'en fut pas de même dans l'Armorique, la Batavie et la majeure partie de la Belgique. Dans les parties de cette dernière contrée qui correspondent aux provinces actuelles des Flandres, d'Anvers et du Brabant, l'influence romaine n'exerça, pour ainsi dire, aucune action. Le mode grossier et informe de construction, employé pendant l'époque antérieure, continua, en effet, à y être appliqué presqu'exclusivement. Dans les parties de l'est et du midi, au contraire, cette influence se fit plus fortement sentir. Les stations et les postes fortifiés, établis sur les grandes voies militaires et le long de la Meuse, ainsi que les grands centres de population existants à Trèves, à Bavai, à Tournai et à Tongres, plaçaient les habitants de ces localités en contact plus direct avec les conquérants des Gaules. Mais ce qui prouve que là même leur influence fut loin d'être complète, c'est qu'une grande partie des habitants de ces contrées conservèrent leurs mœurs et leurs usages particuliers. Les fouilles nombreuses et consciencieusement pratiquées à Tongres et à Tournai, qui sont réputées les villes les plus anciennes et les plus importantes, élevées dans notre pays pendant l'époque de la domination romaine, n'ont même révélé jusqu'à ces jours aucun édifice

quelque peu remarquable par sa beauté et ses dimensions. Les villes de Trèves et de Bavai, qui à cette époque faisaient partie de la Gaule-Belgique, nous ont, au contraire, conservé un grand nombre de constructions. Ces dernières, élevées d'après les principes de l'architecture romaine, revêtent toutefois presque toutes le caractère d'édifices civils. En fait de monuments religieux, ces deux villes, eu égard à l'importance dont ils jouissaient, ont dû posséder un nombre plus ou moins considérable de temples, mais à part plusieurs débris de colonnes, un assez grand nombre d'autels et de statues et quelques inscriptions, qui y ont été découverts, aucune donnée positive et certaine ne nous est fournie pour baser sur ce point un système (1).

Ce que nous connaissons de plus remarquable en fait de monuments du culte exécutés dans nos contrées à l'époque de leur occupation par les Romains, c'est un temple trouvé, en 1772, hors de l'enceinte de la ville actuelle de Bavai, du côté du midi. Cet édifice n'offrait plus, lors de sa découverte, que quelques restes d'arcades et plusieurs parties de murailles. Les travaux de déblai auxquels il donna lieu permirent de détacher de ces dernières un pan de quatre mètres de long sur un peu plus de deux mètres de haut et d'une épaisseur moyenne de soixante-six centimètres. Voici la description que nous en a laissée M. J. Lebeau : « Il était en pierres entremêlées de briques, liées avec un ciment d'une extrême dureté. Trois niches en occupaient l'une des faces. La voûte de la niche du milieu était angulaire, celles des

(1) L'absence presque complète de restes d'édifices religieux, élevés à Trèves, l'époque de la domination romaine, ne doit pas nous surprendre. Nous savons, en effet, que cette ville servit de résidence aux premiers empereurs chrétiens et que le Christianisme, dès le IIIe siècle déjà, sy trouvait solidement affermi. Le paganisme et les temples qui abritaient ce culte auront dù, en conséquence, y ètre proscrits d'assez bonne heure, pour faire place à des églises chrétiennes.

deux autres étaient cintrées; le fond de chacun était orné d'une figure peinte à fresque. La figure de la niche du milieu représentait Mercure, un caducée dans une main, une bourse dans l'autre, un coq à ses pieds; on voyait dans la niche de droite, la Fortune avec ses attributs, la corne d'abondance, le gouvernail et la roue; dans la niche de gauche, l'oiseau de Minerve reposant sur une guirlande de fleurs. Les couleurs avaient été mises à plat, sans nuances et sans ombres; il existait dans la partie inférieure du mur, au-dessous de chaque niche, une excavation arrondie en voûte (1).

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ARTICLE II.

Des autels.

Si, d'une part, les fouilles pratiquées dans notre pays ne nous ont révélé jusqu'à ces jours qu'un nombre très restreint de temples anciens, les autels, dont elles ont amené la découverte, attestent, d'un autre côté, que plusieurs édiflces de ce genre doivent y avoir existé autrefois. Nous savons, en effet, que les autels romains étaient placés pour la plupart devant les statues des divinités en l'honneur des

(1) Bavai. Cet intéressant monument n'existe plus aujourd'hui qu'à l'état de ruines. Après avoir été conservé longtemps intact par les soins de M. Carlier, curé de Bavai et antiquaire distingué, on le fit transférer, après son décès, dans un jardin, où il resta exposé à toutes les intempéries de l'air. Les peintures s'en détachèrent par parties, au point de ne plus offrir, en fort peu de temps, aucune trace de leur ancienne existence. L'arcade du milieu, qui ressortissait couronnée d'un fronton pyramidal, ayant été supprimée, les deux autres réunies n'offrirent plus qu'une masse informe et dépouillée de leur caractère primitif. M. J. De Bast, nous a conservé le dessin de ce monument dans son Premier supplément au Recueil d'antiquités romaines et gauloises. On en trouve également des copies dans les ouvrages de M. Schayes.

ARCHEOLOGIE.

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