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avons adoptées, sont basées sur la classification architectonique admise par le plus grand nombre des archéologues. Pour la période ogivale, nous avons préféré suivre les divisions fournies dans le tableau systématique, qui se trouve à la fin du Mémoire de M. Schayes, intitulé: Essai sur l'architecture ogivale en Belgique.

Nous commencerons ce travail par donner à nos lecteurs une idée succincte des principes et des règles de l'art antique, à l'encontre de plusieurs archéologues, qui prétendent que le style ogival est le seul qui soit directement en rapport avec les tendances et les idées du catholicisme. Nous ferons observer à cet égard, que l'époque apostolique et celle non moins glorieuse pour l'Église de ses confesseurs et de ses martyrs ont eu pour témoins les murs souillés jadis par le culte des idoles, mais purifiés par la consécration chrétienne. Au temps des persécutions et sous le règne réparateur de Constantin et de sainte Hélène, l'Église se servit du style et de l'ornementation de l'art classique. Des sarcophages relatant des cérémonies païennes renfermèrent les restes précieux des vierges et des pontifes et, lorsqu'en l'an 816, Louis-le-Débonnaire voulut donner au grand Karle une sépulture digne de lui, il emprunta aux chambres funéraires de Ravenne le beau sarcophage de marbre que nous voyons encore aujourd'hui au trésor d'Aix-la-Chapelle. L'architecture latine, qui couvrit la Gaule et la Belgique en particulier de nombreux édifices religieux, élevés pour la plupart par les évêques eux-mêmes, emprunta ses copies aux monuments

païens. Pour ne pas heurter les habitudes des Gallo-Romains nouvellement convertis, les évêques changèrent le moins possible l'aspect matériel et connu des édifices du culte et des monuments de l'art. Ce ne fut qu'à l'époque des Croisades, que le caractère des constructions orientales, bâties sur des données absolument neuves par les chrétions de l'empire grec, donna naissance, en Occident, aux premiers essais du style byzantin, que l'on confond trop souvent avec celui de la période romane. Peu à peu, l'Église n'ayant plus à compter avec les traditions païennes, qui se perdaient de génération en génération, les plans des édifices religieux s'éloignèrent de plus en plus du type de la basilique païenne, si longtemps suivi. Ce plan s'adapta graduellement aux rites et aux usages de l'Église catholique; il est embryonaire dans l'église romane, mais il devient parfait au XIII siècle, époque où les théologiens et les liturgistes commencent à le fixer par des écrits et des mandements (mandata), qui sont produits au grand jour dans les Conciles. Antérieurement, l'autorité ecclésiastique suivait dans ces questions les coutumes et les traditions locales. Au XIV siècle, nous voyons l'architecture hiératique échappée des mains des congrégations religieuses, devenir exclusivement le partage des corporations maçonniques civiles; les maîtres de Cosme (magistri Comacenses) deviennent les seuls dépositaires assermentés des traditions chrétiennes, en matière de construction religieuse. Le XVe siècle vit continuer le même état de choses; les traditions d'architecture religieuse se

perpétuent d'atelier en atelier, en même temps que les traditions techniques. Au XVIe siècle, la réforme vint trancher la filiation de ces écoles par la suppression et la dispersion des confréries de bâtisseurs. Dès ce siècle déjà, le patriarche d'Aquilée, Daniel Barbaro, ressuscitant les traditions de Vitruve, rééditait les principes de l'architecture greco-romaine, et l'on vit les fidèles, adversaires de la réforme, abriter le culte catholique sous les portiques de l'architecture païenne. La nouveauté se développa sur une si grande échelle, que c'est à peine si nous pouvons citer, comme exception, quelques édifices de style flamboyant, que des architectes encore imbus des traditions du passé élevèrent en France et en Belgique (1). Au XVIIe et au XVIII° siècle, la réaction était complète et générale; on vit même alors des ecclésiastiques publier des traités sur la manière d'approprier les édifices chrétiens, construits suivant les règles de l'architecture ogivale, aux proportions et au caractère de l'architecture greco-romaine. Un prêtre, l'abbé Langier, membre des Académies d'Angers, de Marseille et de Lyon, publia cx professo, dans ses Observations sur l'architecture, la façon de rectifier, d'embellir et de décorer les églises bâties en style ogival. Telles étaient les idées de ces époques.

(1) Dans notre pays, nous ne pouvons guère citer d'autres exemples de l'application du style ogival pendant le cours de ce siècle, que l'église de Notre-Dame de Brou, élevée par Marguerite d'Autriche, celle de SaintJacques, à Liége, continuée par Lambert Lombard, en style de la Renaissance, la chapelle de la Sainte-Vierge, érigée dans l'église de SainteGudule, sous le règne d'Albert et d'Isabelle et quelques autres édifices de moindre importance.

Tous ces faits, en justifiant l'étude sur l'architecture religieuse de l'antiquité païenne par laquelle nous commençons notre travail, prouvent encore surabondamment que l'archi- · tecture ogivale n'est pas inhérente à l'essence du culte catholique. Saint Charles-Borromée officiait à Milan sur un autel construit par des artistes de la Renaissance et plusieurs des martyrs de la révolution de 93 avaient officié, pendant toute leur vie, sous les dômes des Invalides, du Val-de-Grâce, de Sainte-Geneviève et dans les sanctuaires de Saint-Eustache et de Saint-Sulpice.

Après avoir étudié jusque dans ses moindres détails l'art ancien, dont procèdent directement nos traditions architectoniques religieuses, nous passerons aux acceptions diverses, que cette architecture a fait naître dans sa décadence (style latin, byzantin et roman). Nous suivrons ensuite l'idée progressive du type à l'aspect svelte, né de nos relations avec l'Orient, quoique existant déjà antérieurement dans les monuments de l'Inde et dans ceux de Pompéi et d'Herculanum. Ce type svelte fut généralement appliqué aux monuments du moyen-âge. Il ne se présenta pas tout d'abord avec toute son hardiesse et son luxe de végétation ornementale. Ses arcades d'abord lancéolées d'une ornementation primitive acquirent bientôt des contours plus élégants et une décoration qui dénotait une étude technique plus avancée, pour finir à force de perfection dans les raffinements outrés de l'époque flamboyante, qui inaugura sa décadence définitive et le retour complet aux formes et aux traditions

de l'architecture antique. Nous suivrons donc ces différentes phases et nous étudierons les traces indélébiles qu'elles ont laissées sur la physionomie extérieure et intérieure de nos temples. Il ne sera pas sans intérêt de remarquer l'unité permanente de la doctrine et du culte catholique à travers les variations d'aspect matériel, que les arts, les événements politiques et les perfectionnements de construction et d'ornementation lui firent subir.

Il nous reste à parler encore d'une période des plus intéressantes pour le chrétien et que l'enchaînement des styles nous a forcé de passer sous silence. Pendant qu'orgueilleuse et puissante l'architecture païenne présentait à la face du soleil les entablements superbes des temples des idoles, près d'anciennes carrières abandonnées, d'où l'on avait peut-être extrait les blocs qui en formaient les assises, une autre architecture naissait; c'était celle des premiers confesseurs de la foi, qui bâtissaient de leurs mains et à la clarté douteuse des lampes, ou de quelques rares soupirails ouverts dans la plaine aride de la campagne romaine; ils y élevaient timidement au vrai Dieu d'autres temples et d'autres autels, en attendant que la foi de Constantin fit trôner la religion sous la pourpre des Césars.

Telles sont toutes les périodes que nous examinerons successivement, en ayant soin d'appliquer toujours aux monuments du pays, lorsqu'il s'en trouve, les questions théoriques qui s'y rattachent.

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