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pour l'église de Dieu. Le signe de victoire est parti du labarum de Constantin et il marchera désormais à la tête de la phalange chrétienne jusqu'à l'époque où les indignes descendants du grand Karl ne sauront plus défendre contre les incursions des Normands le mélancolique tombeau où, revêtue de la pourpre impériale, la dépouille de ce héros attendait qu'un saxon de cœur, Frédéric Barberousse, vengea, à la fois, l'humiliation des vieilles races franco-gauloises et la destruction des églises et des monastères.

Cette période partant de Constantin et allant jusqu'à Charlemagne, nous l'intitulerous période primordiale chrétienne. Elle s'ouvre au IVe siècle, avec la délivrance des entraves que l'esprit du mal avait suscitées, pour paralyser le libre essor de la grande idée catholique. A partir de cette époque, on éleva des temples chrétiens avec une splendeur sans égale; le culte extérieur revêtit la majesté et la dignité qu'on admira plus tard au XIII° siècle. Il est vrai qu'antérieurement les chrétiens, profitant d'une période où la lassitude des persécutions et des supplices énervait les tyrans, avaient construit quelques temples, modestes abris du culte, dont la simplicité constituait le plus grand mérite. Cela est si vrai, qu'à l'époque où des débris des trophées païens Constantin fit élever l'arc qui depuis porta son nom, il y avait à Rome plus de quarante édifices religieux, appelés églises et l'on citait la basilique d'Antioche comme un temple véritablement digne de la majesté du culte que l'on y exerçait (1).

(1) Nous possédons aujourd'hui une liste assez complète de ces édifices antérieurs au règne de Constantin. On les trouve cités dans l'ouvrage de l'architecte Hubsch, auquel nous empruntons les suivants :

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Saint-Alexandre. basilique à trois nefs et à colonnes.

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Idem. Saint-André in Barbara (basilica siciniana) à une nef, avec porche et tribune.

Sutri. - Église taillée dans le roc, à trois nefs et à piliers.

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Orléansville. Saint-Réparateur, basilique à cinq nefs et à colonnes, construite en l'année 270.

Nous avons montré dans les chapitres précédents que les premieres églises chrétiennes empruntaient leur disposition au précepte dont nous avons donné l'exposition succincte à l'article VIII du chapitre Ier de la période ancienne et où nous avons présenté, d'après Vitruve, un sommaire de la classification des anciens temples.

A partir de la période constantinienne les monuments chrétiens revêtent un caractère, des dispositions et des détails qui, pour des parties essentielles, sont complétement en désaccord avec l'économie du système employé pour la construction des édifices païens. Une remarque importante peut être déduite de l'examen même de la base fondamentale de toute construction le plan. On a vu plus haut que cette disposition se rapportait à deux figures géométriques, le rectangle plus ou moins allongé et le carré parfait. Les plans des édifices chrétiens de l'époque primordiale sont très-variés; ceux à base polygonale se rencontrent surtout d'une façon caractéristique et nous donnons plus bas les différentes figures qu'affecte l'ordonnance iconographique, tant pour l'Occident que pour l'Orient (1).

Notre assertion, toute spéculative, revêt l'autorité d'une preuve matérielle, si l'on veut considérer l'une des parties les plus difficiles, les plus délicates et les mieux réussies de la construction des basiliques primordiales chrétiennes;

Spolete.

Saint Augustin del-crocifisso, basilique à trois nefs, à colonnes, à transept voûté et à coupole.

Trèves.

Le dôme, la partie la plus ancienne, à trois nefs, sur plan carré, à plafond de bois et à quatre colonnes.

(1) Nous avons divisé la période primordiale en deux grandes zones architectoniques, se rapportant aux régions que se partagèrent plus tard les fils de Constantin. L'Occident et l'Orient soumis à l'évêque de Rome n'eurent qu'un seul style, comme ils n'eurent qu'une doctrine et qu'une croyance,et l'opinion de l'architecte Hubsch, qui est pour nous du plus grand poids en cette matière, est formelle sur ce point. La distinction du style des basiliques et de l'ancien style byzantin n'est, d'après lui, aucunement fondée.

nous voulons parler du recouvrement en matériaux pondereux tels que la pierre ou la brique.

La seule étude des voûtes des basiliques de cette époque suffit pour établir une ligne de démarcation nettement tranchée entre le constructeur du Panthéon, appuyant sur des murs colossaux et de peu d'élévation une lourde voûte en calotte et les architectes de l'époque constantinienne (1), disposant dans les airs des pleins cintres et des pendentifs sur des murs de médiocre épaisseur et d'une hardiesse qui eut étonné Edwin von Steinbach et Richard de Saint-Trond.

Une erreur généralement admise ferait regarder, comme indignes de figurer à côté des produits de la statuaire romaine de la brillante époque du style ogival primaire, les motifs d'ornementation architecturale de l'époque primordiale chrétienne. Loin de nous la pensée d'établir un point de comparaison entre les chapiteaux du portique d'Agrippa et les statues de Notre-Dame de Chartres ou de saint-Sébald, à Nuremberg. La perfection relative de la première époque chrétienne est restée notablement inférieure à celle de l'époque classique, comme aussi à celle de la période où le style ogival était à son apogée.

(1) Un des Pères de l'Église, saint Jérôme, rapporte que Constantin avait pour architecte Zenobius et se servait pour ses constructions des lumières du prêtre Eustathius,fort versé en cette matière. Justinien, pour la construction de l'église de Sainte-Sophie, à Constantinople, fit appel à un grand nombre d'artistes, parmi lesquels figuraient deux des principaux architectes de l'époque, Anthemius de Tralles et Isidore de Milet. Le premier,très-habile dans la mécanique, dirigeait les travaux et fournissait aux ouvriers les plans et les épures; le second, très-versé dans la statique, l'aidait de ses conseils et de son expérience.

ARTICLE II.

Origine des basiliques chrétiennes.

Une erreur généralement accréditée par le fait que quelques temples païens auraient été appropriés au culte nouveau fait regarder la basilique chrétienne comme une copie de l'édifice ancien, connu sous le nom de basilica, vaste monument public, élevé dans le forum ou près de cette place et servant à la fois de lieu de réunion pour les marchands et de cour de justice.

Cette basilique antique, affectée à ces divers usages, répondait à la fois à notre palais de justice, à nos hôtels de ville et aux bourses qui s'élèvent depuis le XV siècle dans nos villes les plus commerçantes. Vitruve en a donné une description exacte, et l'intérieur d'une basilique offrait une grande ressemblance avec la plupart de nos vieilles églises; mais arguer de ce chef que la basilique chrétienne procède de la basilique antique est faire une proposition aussi absurde que celle de prétendre que les casernes de Pompéi ont servi de modèle aux cloîtres du moyen-âge, parce qu'on y rencontre une certaine similitude de plan, d'ailleurs justifiée par une vie commune, soumise à l'obéissance et présentant des points de ressemblance très-frappants, comme on peut s'en convaincre, même de nos jours, en étudiant l'organisation militaire et la hiérarchie ecclésiastique.

Pour rendre saisissante cette assertion quelque peu subtile en apparence, nous ferons remarquer que le point principal de ressemblance consiste dans les galeries supérieures construites dans les édifices païens pour la commodité des spectateurs, des oisifs et des plaideurs attendant leur tour et les galeries de la basilique chrétienne, destinées

aux femmes et aux néophytes. L'ancienne basilique de Vérone, telle qu'elle a été restaurée par le comte Arnoldi, possédait, à la partie extrême, une tribune élevée hors du corps principal et destinée aux juges; mais cette tribune était d'une importance si minime qu'elle ne peut être comparée avec l'arcus regius, arc triomphal du sanctuaire s'ouvrant sur l'abside de la basilique chrétienne.

Les basiliques antiques, celles-là mêmes qui avaient trois nefs, et dont la partie centrale était couverte, n'ont pu servir de modèle aux églises chrétiennes primordiales. Vitruve, qui décrit en détail sa basilique de Fano, nous fournit peut-être l'argument le plus solide pour réfuter l'assertion contraire, et il ne nous reste, comme point de comparaison véritable, que la similitude des trois nefs d'une grande importance peut-être pour l'archéologue amateur, mais paraissant toute naturelle à l'architecte, eu égard à l'économie qui résultait du recouvrement partiel de trois voûtes de médiocre importance et du dispendieux tour de force qu'il eut fallu mettre en œuvre pour couvrir tout d'un trait un espace de cette largeur. On a cherché une autre preuve de filiation dans la grande niche ou espace circulaire qui termine également la cella des basiliques et l'abside des temples chrétiens primordiaux; mais nous avons fait voir précédemment que l'un était un simple emplacement utilitaire, destiné à isoler les juges des plaideurs, tandis que l'autre était, ce qu'il est encore aujourd'hui, le point culminant où viennent converger tous les regards, toutes les pensées, toutes les aspirations des fidèles, puisque c'était dans cette partie comparable au Saint des Saints du temple de Jérusalem que s'opérait le sacrifice non sanglant du divin Agneau de la loi nouvelle.

Ces considérations établies et nos opinions personnelles suffisamment justifiées par ce qui précède, il nous reste à combattre l'idée assez répandue que le type de la basilique

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