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son effet disgracieux en cachant ces voûtes dans l'obscurité du triforium.

Le jour arrive dans les collatéraux par des fenêtres si longues et si étroites qu'elles simulent des meurtrières, et dans la nef, par des fenêtres plus grandes placées au-dessus de l'arc de chaque travée.

Les deux premiers piliers de cette église supportent les angles des deux tours de la façade. Ces tours ne sont point voûtées, mais il existe dans chacune d'elles une fenêtre géminée, qui fait supposer que, dans la pensée de l'architecte, il devait y avoir des voûtes formant des espèces de tribunes, d'où l'on devait avoir vue dans la nef.

A l'orient de cette église de St.-Michel, s'ouvre un grand cintre orné de colonnes par lequel la vue plonge dans la grande nef de l'église principale. Les deux bas-côtés avaient aussi vue sur les collatéraux de la grande église par deux charmantes fenêtres géminées soutenues par un faisceau de deux colonnes élégantes. A côté de chacune de ces fenêtres sont deux portes, qui donnaient sur deux escaliers détruits par lesquels on descendait dans l'église inférieure.

Pour avoir une idée de l'effet de cet ensemble, il faut supposer le grand cintre dégagé du buffet d'orgue qui l'obstrue et replacer, par la pensée, l'autel de l'archange saint Michel audevant même de cette ouverture, place qu'il occupait jadis. Placé devant cet autel, le prêtre officiant était aperçu de l'église inférieure aussi bien que de l'église supérieure, et les fidèles n'avaient pas besoin de monter pour assister aux offices.

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Grande église. La grande église est plus large que le narthex, et sa hauteur égale presque celle du narthex et de l'église St.-Michel réunis. On y remarque le même système de construction que dans les deux parties déjà décrites; aussi ces trois monuments ont-ils un air de famille qui permet de

leur assigner le même âge; mais autant le narthex est sombre et écrasé, autant la grande église est élancée et riche en lumière. Cette partie de l'abbatiale de Tournus finit à la coupole centrale, où se révèle un style plus moderne.

La grande église a trois nefs et cinq travées; cinq piliers ronds sans ornements supportent les arcs des travées et les doubleaux des bas-côtés. Sur chacun de ces piliers s'appuie une colonne ronde engagée et terminée par une corniche trèssimple en guise de chapiteau. Sur ces colonnes s'appuient les arcs-doubleaux de la grande voûte. Ici l'architecte a reproduit ce que nous avons remarqué déjà dans les bas-côtés du narthex: il a divisé la grande voûte en autant de sections que de travées, et les a construites de manière à ce que les retombées portassent immédiatement sur les arcs-doubleaux. Il a ainsi surélevé les voûtes et créé des espaces verticaux où il a pu percer des jours, dénouant ainsi heureusement une difficulté qu'il avait lui-même créée en donnant à ses voûtes collatérales une hauteur inusitée dans les églises de l'époque romane (1). Ce système est remarquable encore en ce que la poussée de ces voûtes multipliées ne se faisant point sur les murs latéraux et se neutralisant réciproquement, l'édifice a échappé à cette action incessante qui a amené la destruction d'un grand nombre de voûtes romanes.

Ces trois premières parties du monument que nous avons à décrire sont contemporaines.

Transepts. Les deux bras du transept se terminent carrément. Ils sont voûtés en berceau, et sur leur face orientale s'ouvre une abside en cul-de-four qui sert de chapelle. Tout ici est du roman le plus sévère, mais le petit appareil disparaît et nous commençons à reconnaître l'appareil moyen, disposé

(1) Nous connaissons une autre grande voûte semblable dans le pays plus directement soumis à l'influence de Tournus.

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avec peu d'art, et l'usage des larges joints remplis d'un mortier grossier. Le transept du nord est terminé par une grande et belle fenêtre du XIVe. siècle.

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Coupole. A l'intersection des nefs et des bras de la croix s'élève une magnifique coupole dont les pendentifs, en forme d'abside, sont ornés de colonnettes d'un style pur qui rappelle le XII. siècle. C'est au-dessus de cette coupole que s'élève la grosse tour.

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Chœur. Lorsqu'on a franchi l'arc triomphal, on entre dans le chœur, dont la voûte en berceau laisse entrevoir une pointe ogivale. Ce chœur se termine par une abside arrondie supportée par des colonnes reposant sur un stylobate élevé de 1 mètre 30 centimètres au-dessus du sol. Le jour y arrive par quatre fenêtres dans la partie antérieure et trois dans la partie absidale ces dernières sont très-ornées. Du chœur, on communiquait dans le rond-point par deux portes cintrées à droite et deux à gauche.

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Deambulatorium. Les bas-côtés, en se prolongeant autour du chœur, forment un deambulatorium. Les voûtes en sont basses et reposent, du côté des murs extérieurs, sur des colonnes dont les chapiteaux sont formés d'ornements à palmettes d'un style fort ancien. Ici point de figures grotesques ni de représentations humaines. Dans cette partie, comme dans les transepts, l'appareil est moyen et les joints énormes. Chapelles absidales. Dans le deambulatorium s'ouvrent trois chapelles absidales, à chevet carré, dont la centrale est plus grande et plus ornée que les deux autres. Elles ont chacune une fenêtre au fond et une sur chaque côté. Les voûtes sont à plein-cintre et en berceaux. Plus près des transepts sont deux autres chapelles, rayonnantes aussi, mais d'une construction plus récente.

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Crypte. Sous le choeur et les chapelles absidales règne une crypte magnifique, qui reproduit les dispositions géné

rales du chevet de l'église. Elle se compose d'une partie centrale divisée, par deux rangées de colonnes, en trois petites nefs, dont celle du milieu s'ouvre sur la partie circulaire de la crypte, et les deux autres se terminent par deux petites absides légèrement accusées. Autour de ce petit monument règne un couloir circulaire, avec chapelles rayonnantes, qui correspond aux bas-côtés du chœur.

Cette crypte est d'un aspect noble et sévère, et les jours y sont habilement ménagés pour ajouter au respect qu'on éprouve en y entrant. On y arrivait par deux escaliers ouvrant sur les bas-côtés. Un seul de ces escaliers existe encore et proteste, par sa présence, contre l'escalier neuf et parfaitement inutile qu'on a récemment construit en restaurant l'édifice.

Chapelles. Outre les chapelles absidales, il en est encore trois autres dont une du XIV. siècle et les deux autres du XV.; mais elles n'ont d'intéressant que les peintures dont l'une d'elles est ornée.

Sortons maintenant de cette église et examinons l'extérieur.

Façade. La façade se compose de deux tours carrées réunies par un mur étroit, qui ne fait sur elles ni saillie ni retrait. Primitivement, ces deux tours dépassaient peu la hauteur des combles et se terminaient en bâtière avec pignons en avant; mais, au XII. siècle, on ajouta à celle du nord deux étages très-ornés et on la termina par une flèche élégante. Le mur qui réunit les deux tours se termine par un machicoulis à forte saillie, qui sert d'ornement presque unique à cette grande façade. On entre dans l'église par une seule ouverture. La porte actuelle est moderne.

Porche. Au devant de la façade existait autrefois un atrium ou porche couvert, orné de colonnes et de statues. Quelques fragments, découverts depuis peu, nous ont dé

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montré que cette partie de l'édifice n'était pas antérieure au XIIIe siècle.

Murs latéraux. Les murs de la façade et les murs latéraux de la grande nef n'offrent, pour tout ornement, qu'une série d'arcades à petits cintres disposés par trois et liant les uns aux autres des contreforts d'une faible saillie. Les corniches n'ont pour modillons que des pierres grossièrement taillées.

A partir des transepts les murs deviennent plus ornés, et on retrouve là toutes les différences d'âge que nous avons déjà remarquées à l'intérieur. Ainsi les transepts, le rez-dechaussée du chevet et les chapelles absidales sont construits én appareil moyen, avec de larges joints; mais, à la hauteur de la croisée, le système change : l'appareil reste moyen, mais il est mieux travaillé et les joints s'amincissent. Les contreforts, plus saillants, sont réunis par de larges cintres qui supportent le toit, et sous lesquels s'ouvrent les fenêtres du chœur. Autour de l'abside, ces contreforts sont remplacés par des colonnes rondes engagées. Sous la corniche est une frise en pierres de couleur qui a de l'analogie avec les marqueteries usitées en Auvergne.

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Arêtes des pignons et des toits. Partout, dans cette région, les pignons dépassent les toits. Sur ces murs saillants régnaient des balustrades ouvragées; les arêtes des toits avaient des ornements pareils; les toits des transepts ont pu en avoir aussi, mais la nef n'en eut jamais; car ce genre d'ornement ne peut convenir qu'aux églises dont le toit porte à nu sur les voûtes, sans l'intermédiaire d'aucune charpente.

Clochers. Il faudrait un chapitre spécial pour décrire, comme elles le méritent, les deux tours de l'église de Tournus. Le plus gros de ces clochers, et en même temps le plus beau, est celui qui surmonte la coupole centrale. Il est de forme quadrilatère et se compose de trois étages, dont l'inférieur

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