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rien mettre en contact avec ces excellentes peintures, et voudrait que M. de Caumont les recommandât spécialement à la sollicitude des dames de la Visitation qui les conserveraient de manière à ce qu'elles pussent se passer de toute espèce de vernis. La Société entière adhère à cette dernière motion.

M. Canat demande à la Société s'il ne pourrait pas être fourni des renseignements sur le caractère iconographique des peintures de l'Auvergne ; si l'on pense qu'elles soient différentes de celles des autres contrées. Cette question, selon M. Malay, peut être résolue par l'aspect de trois peintures principales qui sont restées dans le pays, celles de la sacristie de la cathédrale du XIV. siècle, d'origine grecque, celles d'Ennezat du XV. siècle, et celles des Jacobins du XV. siècle aussi. M. Thibaud n'admet pas dans la peinture comme dans l'architecture d'écoles régionales; partout, dit-il, la peinture eut le même caractère jusqu'au XVI. siècle, où les différentes écoles commencèrent à se spécialiser.

A cette question qu'avait faite M. Canat, quel est le développement des peintures en Auvergne, offrent-elles les mêmes dimensions qu'en Bourgogne, où presque toutes les églises étaient peintes à Châteauneuf, par exemple, M. Flechet a signalé une figure de saint de 2 mètres sur 3 de la belle école d'Italie. M. Mallay répond que la plus grande peinture de la région qui nous occupe est celle de Brioude, qu'au Puy la prédominance de l'Ancien sur le Nouveau Testament se fait remarquer, parce qu'il lui semble que des trois caractères, grecs, français et italiens, le caractère grec est celui qui domine davantage dans ces peintures; que cependant il ne faut pas juger légèrement ces œuvres qui présentent toutes une teinte enfumée et accidentelle, les faisant, au premier abord, ressembler à des peintures grecques.

M. Thévenot n'admet point les écoles régionales bourgui

gnonne et auvergnate; appuyé sur l'autorité de Seroux d'Agincourt, il reconnaît dans toute peinture deux genres distincts qui rattachent ces peintures aux deux grands courants d'orient ou d'occident qui ont influencé la société chrétienne. L'occident, c'est le christianisme pur, l'orient c'est le schisme; néanmoins la supériorité bien marquée des Grecs en matière d'art a donné long-temps à ceux-ci une prédominance qui se faisait sentir sur leur passage. Les moines de saint Basile, organisés en brigades, parcouraient l'Europe en peignant et laissant pour types aux peintres indigènes leurs tabellæ et leurs dyptiques. Le caractère de leur peinture, ce qui la fait reconnaître au premier coup-d'œil, c'est la tournure hiératique des personnages et la prédominance des tous bruns sur les tons clairs; le contraire se remarque dans l'École occidentale indigène ou italienne. Cette influence des Grecs était tellement subie, que Brunon fait venir des peintres grecs à Cologne ; le même fait se reproduit à Limoges; à Bourges le Christ bénit à la grecque; de même à Lyon dans le vitrail central, de facture grecque, selon M. Thibaut; c'est que Lyon faisait partie de l'empire, et par là même était directement sous l'influence du courant grec, l'empire communiquant à Bysance par les provinces danubiennes. Lyon était donc la ville des conciles par sa qualité de ville impériale, et saint Louis, dans ses fréquents voyages, évitait de passer dans ses murs et prenait constamment le chemin de Clermont. En admettant même plusieurs écoles, comme le pense aussi M. Canat, M. Thévenot voudrait que l'on s'attachât d'abord à constater le double courant grec et latin, à en caractériser les différences, à en cataloguer les peintures sous l'une ou l'autre de ces rubriques, sans se dissimuler que cette analyse lui semble souvent difficile. Ainsi, au Puy, des peintures du XIVe siècle ont un air de famille tout bysantin, et ne sont pourtant point de cette école. A la sacristie de la cathédrale

de Clermont la peinture nouvellement découverte est bien française, mais d'un français élève des Grecs. Un vitrail du cabinet de M. Thévenot, reproduit identiquement les peintures du Ménologe de Constantin Porphyrogénète; il n'est pas besoin de dire qu'il lui est de beaucoup postérieur. A St.-Serneuf-Billom, dans la crypté, on voit des bordures peintes à la façon des Grecs, exquises de modelé et d'ajustement, ressemblant de tout point aux peintures de Sicile. M. Thévenot reconnaît cependant que la différence des tons caractérise le plus souvent les peintures françaises; celles-ci sont claires et lumineuses, comme le remarque M. Lassus dans une découverte qu'il vient de faire à la Ste.-Chapelle inférieure, comme on le voit dans les peintures de St.-Savin, et dans celles de Louan-Vic, en Bas-Berry, qu'a signalées au Congrès M. l'abbé Charon. Ces tons clairs particuliers à la peinture française, sont remarquables dans l'École Bourguignonne, dont M. Mallay se plaît du reste à constater l'influence sur le Bourbonnais; à Iseure, à Domerat et à Passerat ils sont sensibles. wes Hovedo

M. Canat fait remarquer que les tons bruns sont plus particuliers à l'Auvergne, tandis que les tons clairs caractérisent constamment les peintures bourguignonnes. Les Grecs procèdent du noir au blanc, en illuminant leurs figures, selon les prescriptions du manuel d'iconographie grecque : les latins au contraire procèdent du blanc au noir en ombrant à mesure sur une demi-teinte préalable, comme le veut le moine Théophile. En ce sens, M. Canat reconnaîtrait avec M. Thévenot une origine grecque aux peintures de l'Auvergne. La peinture bourguignonne, au contraire, est d'origine toute clunisoise; le grand Christ avec le tétramorphe qui remplissait la grande voûte absidale de Cluny a été le générateur de toutes les représentations semblables qui ornaient les petites églises de la Bourgogne. M. Canat poursuit son argumentation

vigoureuse, et, sans nier l'influence bysantine dans quelques localités, il fait remarquer avec M. de Surigny que souvent, dans ces mêmes localités, cette influence est bien atténuée. Ainsi dans la cryptę de Tournus, un Christ qui bénit à la grecque, en formant avec ses doigts le monogramme, présente du reste tous les caractères d'une œuvre éminemment indigène. M. Canat s'élève d'ailleurs contre cette marche géographique, contre ce courant grec qui se serait fait sentir principalement dans les pays soumis à l'empire où sous son influence immédiate. Dans ce système, Clermont, ville bien aimée de saint Louis, ne devrait point nous présenter, ainsi que le pays environnant, d'autre influence que celle de l'occident, et c'est précisément le contraire qui arrive, tandis que Lyon, à l'exception du vitrail cité plus haut, en admettant qu'il soit purement grec, devrait nous présenter des preuves multipliées de ce courant grec, preuves qui sont encore à donner jusqu'à présent.

On comprend le vif intérêt qui a dû s'attacher à une discussion aussi importante; la Société française, captivée constamment par les documents qui surgissaient du fond du sujet et par la science de MM. Thévenot, Mallay, Canat et Thibaut, a voulu que les études des archéologues fussent particulièrement attirées sur ce terrain. Bien loin de conclure et de clore un débat à peine ouvert, elle appelle l'attention de la science sur ce problême : « Y a-t-il eu une influence « marquée de l'art bysantin en raison des relations politiques << ou religieuses avec les grecs; cette influence se fait-elle sentir << dans les pays limitrophes comme le Lyonnais, et dans les pays germaniques plus particulièrement exposés à ce courant. L'Auvergne est-elle plus soumise que toute autre à ce « courant, auquel paraît avoir échappé la Bourgogne ? La prédominance de la peinture sur la sculpture dans les «églises romanes est-elle due à une influence de cette na

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«<ture, ou simplement à la différence des surfaces à couvrir, << qui sont beaucoup plus grandes dans l'art roman que dans la période ogivale?» Tel est le vaste cadre que la Société française propose à remplir à tous les savants, et qui ne pourra l'être que par un examen attentif et des classifications hors de contestation.

5 M. Desbouis, bibliothécaire, signale la description des peintures de l'église des Jacobins dans l'Histoire des cardinaux français par Fr. Duchêne, ouvrage peu consulté, quoique connu, et qui cependant, par les nombreux détails de ses narrations, peut mettre sur la voie de bien des découvertes. Le volume des pièces justificatives contient, au titre des testaments, des détails curieux pour les dates et la provenance des objets.

La discussion est ouverte ensuite sur la peinture sur verre. Les deux éminents artistes, qui honorent la ville de Clermont, MM. Thibaut et Thévenot, sont invités à donner quelques éclaircissements; ces MM. pensent que tout ce qui a été dit de la peinture en général peut s'appliquer à la peinture sur verre, et jugent inutile d'employer le temps de la Société à des détails techniques suffisamment connus. M. l'abbé Charon reprenant la discussion sur les convenances iconographiques dans les vitraux, et faisant remarquer qu'une grande quantité d'églises des XI., XII. et XIII. siècles, ayant trois fenêtres à l'abside, ces trois fenêtres auraient, selon la symbolique, une signification trinitaire; ne serait-il pas convenable alors d'y placer des sujets ayant rapport à la Trinité, ou tout au moins, comme le fait remarquer M. Thibaut, des sujets semblables à ceux qui, du XII. au XIV. siècle, ornaient cette partie de l'édifice, le Christ, la Vierge et le précurseur. Mais le clergé exige le saint de la paroisse flanqué de deux autres saints plus ou moins importants; ce serait pour se faire une autorité contre ces exigences que M. l'abbé

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