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La grande salle de l'Hôtel-de-Ville est décorée de belles tapisseries du XVI. siècle représentant le martyre de saint Etienne, et des portraits de plusieurs des hommes illustres qu'Auxerre a vu naître et parmi lesquels on remarque ceux de l'abbé Lebeuf et de Joseph Fourier.

M. Thiollet a exposé aussi de nombreux dessins d'antiquités romaines de Bourges et des sculptures tout récemment découvertes à Compiègne.

Des panneaux de verrières de la fabrique de M. Vessière, à Seignelay, occupent quelques fenêtres.

M. le président Chaillou des Barres prend la parole et prononce le discours suivant :

MESSIEURS,

Appelé à l'honneur de porter la parole dans cette solennité, je dois être avant tout le fidèle interprète des sentiments qui animent les membres de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne dire également quelles sont les pensées de l'un de nos honorables représentants ici présent, et de tous ceux de nos concitoyens accourus à ce rendezvous donné aux amis de la science archéologique par la SOCIÉTÉ FRANÇAISE pour la conservation des monuments.

Ces sentiments, ces pensées, Messieurs, sont empreints de la plus vive gratitude. En désignant la ville d'Auxerre pour inaugurer les travaux qui marqueront la 17. session du Congrès, le fondateur de cette féconde institution (M. de Caumont) n'a pas seulement voulu accorder à la contrée que nous habitons une marque d'intérêt, mais il a obéi comme toujours aux inspirations de la science, de cette science dont il est si justement l'honneur et qui, en échange des éminents services qu'elle lui doit, l'a depuis long-temps proclamé son bienfaiteur, celui qui en fut le restaurateur glorieux, le pro

pagateur le plus actif, et que, si l'expression m'était permise, je nommerais, pour rendre toute ma pensée, l'heureux in

venteur.

Eh! Messieurs, réunir par un travail vaste et minutieux à la fois les ossements épars des civilisations mortes; fouiller la terre pour y découvrir une pierre qui soit une date; remonter d'un chiffre à demi effacé ou de quelques lettres obscures à l'époque lointaine où le monument qui n'est plus portait au front, comme signe de vie, cette inscription ou ce millésime; indiquer en relevant ces épitaphes les mœurs diverses, les goûts raffinés ou barbarcs d'une nation; toujours à l'aide de cette étincelle, faire la lumière dans la nuit du passé, illuminer l'histoire au profit de l'humanité, dont le bonheur, quoi qu'on en dise, est inséparable de la connaissance de la vérité en toutes choses, n'est-ce pas inventer une science et une des plus honorables entre toutes les sciences?

Oui, Messieurs, sans altérer la vérité, sans tomber dans la moindre exagération, nous pouvons affirmer que le sol que nous foulons est riche en monuments. Les âges qui nous ont précédé ont pris soin de doter Auxerre et les lieux compris dans la circonscription de cet ancien diocèse, d'édifices qui appellent les investigations, provoquent les études et commandent hautement et toujours l'admiration des amis de la science archéologique. Ici donc le champ est vaste aux interprétations des origines, du caractère, des styles et de la date des types que nous possédons. De l'examen attentif auquel vous allez vous livrer naîtront de nouvelles lumières. La discussion chassera devant elle les obscurités qui existent encore, elle dissipera, à la suite d'une controverse savante, les doutes qui subsistent; et ainsi de vos travaux mis en commun, résultera une appréciation plus solide, plus rationnelle de nos richesses monumentales. Votre session nous les fera mieux connaître elle nous permettra, s'il est possible, de les aimer davantage.

Déjà en 1847, le Congrès en choisissant la ville de Sens comme l'un des points principaux de sa session de cette même année, avait exploré les monuments de cette cité célèbre. Grâce aussi aux excursions de ses membres, conduites et dirigées par la Société archéologique de l'arrondissement, les antiquités et les édifices qui existent aux environs de Sens furent étudiés et interrogés avec une sagacité consciencieuse qui, écartant l'erreur, y substitua la vérité méconnue. Ce fut toujours, au surplus, le but invariable vers lequel n'ont cessé de tendre les efforts si persévérants de la Société française pour la conservation des monuments historiques. Les faits déjà acquis à la science prouvent assez combien sont précieuses les connaissances nouvelles qu'elle a répandues sur les antiquités du pays. Et l'on comprend par cela même, quel immense bienfait aura produit pour l'archéologie, cette heureuse pensée d'étendre successivement aux différentes régions de la France les sessions du Congrès. Oui, Messieurs, il est immense, il est incontestable le bienfait qui doit résulter de ces comices pacifiques dont notre province soutient la salutaire institution. Les efforts que vous faites pour ressusciter le passé, pour rendre aux jours et aux choses qui ne sont plus, leur figure réelle et vénérable, imposeront aux générations futures la conservation de leurs monuments. Comme ces générations sauront par vous qu'on ne vaut que par ce que l'on a été, elles s'armeront plus soigneusement contre l'oubli, elles se défendront mieux contre la destruction; elles tiendront à honneur de n'abandonner au temps que ce qu'il est impossible de lui ôter, lui faisant sa part comme on la fait au feu. Grâce à vous, elles transmettront aux héritiers de l'avenir des richesses moins rudes à exploiter que les trésors qui vous ont été laissés. Ainsi, Messieurs, vos doctes travaux sont appelés à être la philosophie et la morale de l'archéologie à naître.

Et les autres nations, Messieurs, qui ont toujours les yeux fixés sur la France comme un objet d'émulation, se disposent à réunir, à concentrer aussi chez elles dans un foyer commun, les lumières de leurs savants; elles préparent des Congrès comme les nôtres. Qu'elles persistent, c'est notre vœu le plus cher, dans cette pensée généreuse et féconde : qu'elles entrent dans ce mouvement régulier destiné à reposer le monde des oscillations anormales qu'il éprouve. Voilà le véritable Congrès de la paix. Le calme profond que vous faites sous les eaux agitées amènera bientôt le calme à la surface. La clémence dans les idées ne tardera pas à produire l'ordre dans les faits. Travaillons tous à cette pacification universelle. A toutes les distances, élevons des phares qui croisent leurs clartés sur tous les écueils. Il n'y a ni frontières, ni murailles, ni préjugés, ni haines dans le monde et la famille de la science. Au plus fort de nos guerres avec l'Angleterre, un prince loyal et juste, un cœur vraiment français, s'écria: Je veux que partout sur les mers où le vaisseau du capitaine Cook sera rencontré par nos vaisseaux, il soit épargné, salué avec respect. Et l'on vit, merveilleux contraste! sublime partialité ! passer, sainte et sacrée, entre les boulets et les flammes, cette arche de la science qui revenait de faire le tour de la terre. Ce vaisseau, Messieurs, ce vaisseau tout chargé de savants était le premier Congrès scientifique. Il portait la paix au milieu de la guerre parce qu'il portait la lumière.

Messieurs, avant de cesser de réclamer votre bienveillante attention, vous me pardonnerez, vous me saurez gré peutêtre de rappeler le lieu m'y autorise un nom célèbre et cher à la science: celui d'un homme dont la vie entière fut vouée à un labeur infatigable. L'abbé Lebeuf, Messieurs, en naissant à Auxerre, a répandu sur cette ville un éclat trop réel pour jamais l'oublier. Lui aussi, par ses travaux, dans un temps où les études archéologiques étaient dédaignées ou

superficielles, leur ouvrit des horizons nouveaux. Echappant à l'influence des idées reçues, il sut émettre les saines doctrines, créer la véritable critique. Et tandis, par exemple, que les bénédictins persistaient à ne voir que des rois de France aux portails de nos cathédrales, il déclara nettement que ces figures n'étaient autres que les rois de Juda, et que l'Ancien et le Nouveau Testament avaient seuls fourni matière pour les personnages sculptés aux portes des églises. On se récria beaucoup, tant cette interprétation heurtait les explications jusqu'alors admises. Et cette fois encore, ce qui ne semblait qu'une assertion paradoxale, prit depuis le caractère d'une vérité incontestée.

Mais, Messieurs, aux quelques paroles qu'il m'a été permis de vous adresser, vont succéder vos travaux plus sérieux. Dirigés par une intelligence aussi sûre qu'exercée, tout nous promet qu'ils seront fructueux. Votre attention ne se portera pas seulement sur les édifices ou les antiquités que vous allez visiter elle sera encore captivée par des notices et des dissertations écrites avec la pensée de vous les soumettre. Ce sont là autant d'éléments de l'intérêt promis à vos séances. Vos discussions enfin occuperont, j'en ai l'espérance, une honorable place dans les annales du Congrès archéologique de France.

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M. de Caumont remercie M. le président des éloges flatteurs qu'il vient de donner à la Société française et le félicite sur ses beaux travaux archéologiques. Il annonce ensuite l'objet des recherches de la Société française, qui s'est fondée, dit-il, spontanément et pour sauver les monuments, pour les étudier et faire connaître leur véritable valeur. Les discussions des Congrès sont fort simples et sans apprêt chacun pourra donc apporter son opinion, ses avis, et l'assemblée en profitera.

M. de Caumont fait ensuite part des regrets exprimés par

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