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Yvonne-Françoise-Caroline, aujourd'hui Mme la comtesse de Brimont, née à Paris le 22 septembre 1834; Allain-Anne, né à Paris, le 23 février 1836; Louis-François, né au château de Flamanville le 29 février 1840; et Hervé-Marie-Edgard, né à Orléans le 23 octobre 1844.

M. le marquis Yves de Sesmaisons, né à Rouen, le 19 novembre 1805, fit de brillantes études qui lui méritèrent d'être l'un des lauréats au concours général de l'Université. Il embrassa fort jeune la carrière diplomatique, et fut successivement secrétaire d'ambassade à Rome lorsque Châteaubriand y représentait la France, à Vienne avec M. de Rayneval, et à Turin avec M. de Barante, à titre de premier secrétaire d'ambassade.

Mme la marquise Louise de Sesmaisons est née à Paris le 16 septembre 1812. Son père, le marquis César de ChoiseulBeaupré, chef de la famille de Choiseul, était maréchal-decamp; il fut aide-de-champ du duc de Berry, et remplit les mêmes fonctions jusqu'à sa mort (22 janvier 1824) auprès du duc de Bordeaux. Sa mère, Ida de Cluzel, fille du marquis de Cluzel, mourut jeune, le 5 mars 1816 (1).

M. le marquis et Mme la marquise de Sesmaisons appartiennent à deux des plus anciennes maisons de France.

La famille de Sesmaisons, l'une des plus illustres de Bretagne, alliée aux Beaumanoir, aux comtes de Nantes, tenait

(1) Le marquis de Choiseul-Beaupré (César-Merci-Gabriel), chevalier de Saint-Louis, commandeur de la Légion-d'Honneur, était né le 25 octobre 1781. Il avait embrassé la carrière des armes. Après avoir fait honorablement plusieurs campagnes, il partit avec la grande armée pour la guerre d'Autriche en 1809, et fut grievement blessé à la bataille d'Essling. Nommé officier supérieur dans les gardes-du-corps en 1814, il ne tarda pas à être choisi pour aide-de-camp par le duc de Berry. Ami intime de ce prince, il l'accompagnait à l'Opéra dans la fatale soirée du 13 février 1820, et fut l'un des premiers à s'assurer de la personne de l'assassin de Son Altesse Royale. Le prince, à son lit de mort, recommanda M. de Choiseul-Beaupré à la duchesse de Berry, qui le fit nommer, quelques mois après, aide-de-camp du duc de Bordeaux, cet enfant posthume que tant d'espérances saluérent à sa naissance comme héritier présomptif du trône.

M. le marquis de Choiseul-Beaupré mourut le 22 janvier 1824.

Il avait épousé en premières noces Me Ida du Cluzel, morte le 5 mars 1816, lui laissant une fille âgée de 3 ans 1/2, aujourd'hui Me la marquise de Sesmaisons.

En 1817, M. le marquis de Choiseul-Beaupré épousa en secondes noces une Anglaise, M Maria Parkins, fille de lord Radcliffe, pair d'Irlande, de laquelle il n'eut pas d'enfants, et qui a été pour Me de Sesmaisons une véritable mére.

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Après deux ans de veuvage, MTM la marquise de Choiseul-Beaupré se remaria avec le prince Jules de Polignac, devenu célèbre comme président du conseil des ministres de Charles X en 1830, et qui est mort à Saint-Germainen-Laye le 29 mars 1847. Me la princesse Jules de Polignac est aujourd'hui dans sa 71 année, étant née le 6 janvier 1792, et habite Paris.

un rang éminent dans cette province dès le XIe siècle. Elle compte parmi ses membres des preux dans les croisades, des sénéchaux, des grands baillis, des commandeurs de Malte, des prélats, des lieutenants-généraux de nos armées.

La grande famille de Choiseul, qui remonte aussi à l'origine des titres nobiliaires, occupe une place importante dans l'histoire. Pendant une partie de la seconde moitié du XVIIIe siècle, quatre hommes tenaient en Europe les rênes de l'opinion et absorbaient l'attention publique Voltaire à Ferney, J. J. Rousseau où sa pauvreté lui trouvait un asile, Frédéric II à Berlin, le duc de Choiseul à la cour de Versailles et mieux encore dans son exil de Chanteloup, où toutes les grandeurs intellectuelles de l'époque lui firent la plus brillante auréole que puisse recevoir un homme d'Etat déchu du pouvoir.

Ainsi, depuis l'an 1406 jusqu'à 1862, pendant une période de plus de 450 ans, le domaine de Flamanville a eu seize possesseurs et est passé dans trois familles. Il fut érigé en baronnie par Louis XIII en 1610, en faveur de Guillaume Bazan, et en marquisat par Louis XIV en 1654, en faveur d'Hervé Bazan, l'un des seigneurs les plus opulents de la province.

C'est Hervé Bazan, avons-nous dit, qui a fait bâtir le château actuel de Flamanville. Commencé en 1654, l'édifice principal fut achevé en 1657, et les bâtiments accessoires entourant la cour d'honneur, les deux pavillons saillants, la chapelle, les beffrois, tout était terminé en 1660. On avait fait en même temps les fossés d'enveloppe avec escarpe et contre-escarpe; car, par une fantaisie assez dans les goûts des châtelains du XVIe siècle, Hervé Bazan voulut donner à sa somptueuse habitation l'air d'un manoir féodal, en l'entourant d'une apparence de fortifications. Quant aux pièces d'eau, la plus grande et la plus voisine du château, celle qui longe les écuries et les remises, existait déjà; les deux autres sont de date plus récente.

Ce château est l'un des plus beaux édifices de ce genre qui existent dans nos environs; il a, vu de la route, un ton de grandeur et de magnificence princière.

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Situé sur un plateau dans un riant vallon à surface presque plane, et dont le parc occupe toute l'étendue, - vallon délicieux, parsemé de pelouses et d'herbages plantureux, de verdoyantes prairies, de féeriques étangs, flanqués d'un côté par un taillis et de l'autre par une futaie centenaire, château de Flamanville a un aspect grandiose, que font ressortir encore ces bois qui l'avoisinent et ce paysage qui l'entoure. A sa majestueuse régularité s'harmonise avec un art gracieux le charme du pittoresque des bâtiments accessoires. Il s'étend dans la direction du sud au nord, et a sa façade au levant.

C'est un spacieux édifice à un étage, tout construit en granit ouvré, contenant plusieurs appartements et un grand nombre de pièces, auxquels on accède par deux vastes escaliers. Il fait corps avec deux magnifiques pavillons qui encadrent la cour d'honneur à droite et à gauche. Dans l'un de ces pavillons est la salle de l'orangerie, galerie à arcades d'une grandeur royale; et à l'extrémité se trouve la chapelle, sous le vocable de la sainte Vierge.

Cette chapelle fut bâtie en 1659. Deux actes de permission données par l'évêque de Coutances, Eustache Leclerc de Lesseville, le 17 et le 30 mars 1660, autorisèrent de la consacrer, d'y célébrer l'office divin et d'y chanter les vêpres tous les dimanches et les jours fériés. Un chapelain y fut attaché. Hervé Bazan légua à ce desservant 450 livres de rente, par acte du 2 mai 1663; d'autres dons lui furent faits, et la principale de ces libéralités fut la perception des revenus de la chapelle de Notre-Dame-des-Prés, à Tréauville.

La façade du château était en partie masquée par des constructions qui lui donnaient un semblant de forteresse des siècles passés. M. le comte Donatien de Sesmaisons s'empressa de faire disparaître cet anachronisme féodal d'assez mauvais goût. I fit en même temps combler les fossés derrière le château et du côté des jardins, et créa, en unissant les agréments de la symétrie à l'utilité, le magnifique potager qui est l'un des ornements de cette charmante habitation.

C'est aussi à M. le comte Donatien de Sesmaisons qu'est due la plantation du vaste espace d'arbres verts qui prolonge les bois du parc jusqu'au Gros-Nez ou cap de Flamanville, promontoire de granit s'élevant comme un rempart au-dessus des flots, et que couronne un dolmen gigantesque, le plus beau monument druidique de toute la contrée. De ce cap, la vue plane au loin sur l'immensité de la mer: à la limite de l'horizon apparaissent les iles d'Aurigny, de Guernesey et Jersey; et la nuit, par une atmosphère pure, on voit briller en Manche les phares des Casquets.

Le château est entouré d'un parc d'une étendue considérable, dont l'une des extrémités touche au village de Flamanville. C'est à cette extrémité que se trouve le pavillon en forme de tour dit de J. J. Rousseau, et qui fut en effet élevé pour ce grand homme, au commencement de l'année 1778, par le marquis de Flamanville (Marie-Bonaventure-Jean-JosephAugustin Le Conte de Nonant-Raray).

Nous avons peu de notions sur les rapports qui pouvaient exister entre l'austère philosophe et le jeune marquis, et moins encore sur les circonstances qui portèrent celui-ci à lui faire construire cette cellule inhabitée, qu'un illustre souvenir fait seul respecter. Corancez est le seul auteur contemporain qui donne à cet égard quelques renseignements. rencontrai un jour, dit-il, un jeune chevalier de Malte, nommé

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Flamanville. Il m'avait donné de lui une excellente opinion, par le prix qu'il mettait à se conserver chez Rousseau. Il y venait assez fréquemment, et souvent nous nous rencontrions. En m'abordant, il me serre la main, me dit qu'il arrive d'Ermenonville, et me témoigne un grand désir de m'entretenir particulièrement. Il m'apprend que la tête de Rousseau travaille, il ne m'étonne pas; il m'ajoute qu'il lui avait remis un papier écrit de sa main pour le prier de lui trouver un asile dans un hôpital. Ce jeune homme sensible et sincèrement attaché à Rousseau avait les yeux en larmes. Il m'ajoute qu'il lui avait offert d'habiter une des deux terres qu'il possédait en Picardie et en Normandie, toutes deux, ou bien certainement l'une d'elles, situées sur le bord de la mer; que là il y serait seul, puisqu'il ne les habitait point. Je n'ai pas, me dit-il, perdu l'espérance de l'y déterminer. Il se proposait un second voyage, dont il me rendrait compte. Hélas! ce second voyage n'eut pas lieu, Rousseau mourut trop tôt. »

Le pavillon de J.-J. Rousseau forme l'angle nord-est du mur de clôture du parc de Flamanville. Sa porte donne sur la campagne, mais il a une accession dans le parc par un escalier hélicoïdal qui conduit à la plate-forme peu élevée de la tour, d'où la vue plane sur la mer et embrasse un panorama aussi varié qu'étendu.

Tout près et en face de ce pavillon qui fait en quelque sorte partie du village, de l'autre côté de la route, s'élève l'église paroissiale, due aux libéralités d'un marquis de Flamanville. Elle est intéressante sous plus d'un rapport. On y remarque particulièrement la châsse contenant les reliques de sainte Réparate, découvertes dans les catacombes de Rome en 1838, et données par le pape Grégoire XVI à Mme de Sesmaisons, qui les rapporta d'Italie. Leur exaltation eut lieu à Flamanville le dimanche 15 juin 1845, et fut l'occasion d'une solennité magnifique. Mer l'évêque d'Orléans présidait à cette cérémonie, à laquelle assistaient plus de cent prêtres, beaucoup d'étrangers et la population des communes environnantes. Les reliques de la sainte, qui subit le martyre sous le règne de Dioclétien, vers l'an 284, furent processionnellement transportées de la chapelle du château, où elles se trouvaient depuis 18 mois, dans l'église de la paroisse, à laquelle elles avaient été destinées par le Souverain-Pontife.

L'église de Flamanville a été bâtie au XVIIe siècle. Le riche Hervé Bazan fit don dans son testament des frais de construction de cette église, devenue nécessaire par suite de l'état de vélusté du temple primitif. Elle fut commencée en 1668 et terminée en 1671. L'évêque de Coutances, Loménie de Brienne, en autorisa la consécration par un acte épiscopal du 1er décembre 1670, et la cérémonie fut célébrée pendant les fêtes de Noël.

L'ancienne église fut alors abandonnée. Ses ruines sécu

faires, qui se dressaient modestement sur le versant du mont Saint-Gilles, au sud du port de Diélette, ont été rasées jusqu'au niveau du sol au commencement de l'été 4861. Dénuées de tout caractère architectonique et sans valeur au point de vue de l'art, elles éveillaient seulement des souvenirs. Cette église avait été édifiée à l'époque où la paroisse de Flamanville s'appelait encore Saint-Germain-de-la-Mer. On ne connaît point la date de son érection, qui remonte vraisemblablement aux premiers temps du christianisme dans la contrée, peutêtre à une époque voisine de l'apostolat de saint Germain; il est même probable que cet édifice avait remplacé une chapelle beaucoup plus ancienne. L'emplacement de ses ruines distrait de la circonscription de Flamanville par la délimitation communale qui suivit la division de la France en départements, se trouvait sur le territoire actuel de la commune de Tréauville, que la rivière de Diélette sépare près de cet endroit de la commune de Flamanville. Le cimetière qui entourait l'église, suivant l'usage antique, fut délaissé en même temps et devint un herbage. Au mois de mai 1861, en creusant les fondements d'un mur au bas de ce champ funèbre, on découvrit une douzaine de ces tombeaux en tuf si généralement employés pour la sépulture des riches depuis le xe jusqu'au xve siècle, et qui étaient peut-être ceux d'autant de membres de la famille des anciens seigneurs de Flamanville, dont les noms anéantis comme leurs restes mortels, sont ensevelis dans le gouffre de l'éternel oubli.

Le petit port de Diélette, ce Pirée de Flamanville, est une autre création de l'opulent châtelain qui dota sa paroisse de l'église actuelle. Il fut construit par Hervé Bazan, et acheté par l'Etat dans les derniers temps du ministère de Colbert, moyennant 10,000 livres, dont 6,000 étaient réversibles sur la tête de la marquise de Flamanville. Amélioré à différentes époques depuis le commencement de ce siècle, depuis 1839, ce port a été et reste encore le lieu d'embarquement des beaux granits de la côte, qu'on a extraits en si grande quantité pour la construction des ouvrages hydrauliques et militaires de Cherbourg. Son importance va s'accroître encore par l'exploitation des abondants minerais de fer qui l'avoisinent à le toucher. Ce port est d'ailleurs extrêmement précieux pour le navigateur, étant le seul refuge où il puisse s'abriter contre le mauvais temps dans ces dangereux parages. Il va être approfondi, agrandi, abrité, rendu digne enfin du rôle que la nature lui assigne, par l'exécution d'un projet considérable affectant un crédit de 320,000 fr. à ces travaux d'utilité, auxquels le département contribue pour 80,000 fr.

La famille de Sesmaisons, qui ne venait habiter le château de Flamanville que dans la belle saison, s'y est fixée à demeure depuis son retour de Rome, où elle a résidé long-temps.

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