Page images
PDF
EPUB

quel siècle et par qui fut-elle élevée ? on l'ignore absolument. Etait-ce un château fort? c'est très-probable, puisque tous les manoirs seigneuriaux étaient des forteresses sous la féodalité. Mais avant de parler du château, du parc et de ses dépendances, exposons l'historique du domaine de Flamanville, sa fondation ayant nécessairement précédé l'ércction du manoir. Le domaine de Flamanville, dont l'origine est inconnue, appartenait aux anciens souverains de Normandie. Il fut l'une des nombreuses propriétés territoriales que le due Richard II donna, en l'an 1008, à sa femme Judith de Bretagne, pour lui servir de douaire. Il porte le nom de Flamenovilla dans la charte de cette donation matrimoniale.

Flamanville, Flamenovilla, est vraisemblablement un nom d'origine normande. Comme celle de tant d'autres localités de notre province, cette dénomination remonterait au partage de la Neustrie entre les chefs de ses conquérants sous Rollon. Le mot villa fut joint au nom de l'homme d'armes qui en devint alors le possesseur: FLAMENOLT, dont on a fait Famenovilla (villa de Flamenol). Cette étymologie est, du reste, conforme à l'opinion communément adoptée pour un grand nombre d'autres dénominations locales analogues, c'est-à-dire se terminant en ville, qu'on rencontre partout dans la Normandie.

On ne sait en quel temps le domaine de Flamanville sortit des mains des souverains de Normandie, ni comment il en sortit, ni à qui il passa d'abord. Un écuyer obscur, du nom de Robin Benois ou Benoit, en était possesseur lorsque l'abbaye de Blanchelande en fit l'acquisition; et celle-ci le vendit, au prix de 1,200 écus d'or, à Colin Bazan, par contrat du 7 mars 1406, passé devant Jehan Breton, garde du scel de la vicomté de Coutances, par Guillaume Tolisac, tabellion juré du siége de La Haye-du-Puits.

Voici la liste généalogique des seigneurs et châtelains de Flamanville depuis cette époque jusqu'à nos jours:

I. COLIN BAZAN, acquéreur du domaine ou fief de Flamanville, épousa, en 1373, Jeannette de Gatteville, fille unique et héritière de feu Jean, seigneur de Gatteville, et en eut deux fils, Robert et Nicolas.

Colin de Bazan et son frère Robert s'étant retirés dans le château de Cherbourg, sur l'ordre de Charles V, y furent faits prisonniers quand les Navarrais livrèrent cette place aux Anglais en 1378, et n'obtinrent leur liberté qu'en donnant caution.

Lorsque les Anglais s'emparèrent de nouveau de Cherbourg en 1418, et firent acte de conquête dans la contrée, le domaine de Flamanville fut donné à deux des leurs, Gaultier Chalton et Thomas Clamorgam, qui l'exploitèrent pendant plus de 30 ans. Mais après la reprise de Cherbourg, en 1450, et

l'expulsion de l'ennemi de toute la Normandie, Charles VII réintégra les fils de Colin Bazan dans l'héritage de leur père. Par contrat de partage, en date du 16 mai 1451, Nicolas devint propriétaire du fief de Flamanville.

II. NICOLAS BAZAN, seigneur de Flamanville, fils de Colin, épousa Guillemette de Beuzeville, fille du seigneur de Beuzeville-sur-le-Vey, et en eut cinq fils, Richard, Guillaume, Jean, Robert et Colin. Richard fut tué au siége du château de Gavray, Guillaume fut tué en Angleterre, Jean mourut religieux.

[ocr errors]

III. ROBERT BAZAN, seigneur de Flamanville, fils de Nicolas, épousa Marguerite de Hettehou, fille du seigneur du Saussey aux Pieux, et en eut deux fils du nom de Jean.

L'ainé hérita du fief de Flamanville, par acte de partage daté du 12 avril 1482.

IV. JEAN BAZAN,

épousa Jeanne Le et en eut trois fils,

seigneur de Flamanville, fils de Robert, Marchand, fille du seigneur de Sotteville, Thomas, Jean-Jacques et Pierre."

V. THOMAS BAZAN, seigneur de Flamanville, fils de Jean, et dont on ne connaît pas la femme, eut un fils du nom de Jean.

VI. JEAN BAZAN, seigneur de Flamanville, fils du précédent, épousa Jeanne du Tertre, fille du seigneur de Longueville, et en eut plusieurs enfants.

VII. THOMAS BAZAN, seigneur de Flamanville, fils ainé de Jean, épousa en 1561 Jeanne Jallot de Beaumont, et en eut un fils dont le nom suit.

VIII. GUILLAUME BAZAN, seigneur-baron de Flamanville, épousa en 1596 Gabrielle de Renty, et en eut deux fils, Hervieu ou Hervé, et Emile.

Guillaume Bazan, qui possédait avec le domaine de Flamanville les seigneuries des Pieux et du Saussey, et avait le grade de capitaine de la côte, était l'un des personnages les plus considérables du Cotentin. Il fut nommé gentilhomme de la chambre du Roi par brevet de Henri IV du 22 janvier 1605, et chevalier de l'ordre de Saint-Michel en 1613.

C'est en faveur de Guillaume Bazan, l'un des maîtres courtisans de son temps, que la seigneurie de Flamanville fut érigée en baronnie par lettres-patentes de Louis XIII du mois d'août 1610.

La charte de cette érection baronniale créa en même temps trois foires ou marchés dans trois paroisses dudit seigneur

[ocr errors]

baron 4° à Flamanville, le jour de la Saint-Gilles; 2° 9UX Pieux, le jour de la Saint-Jean-Baptiste; 3° à Grosville, le jour de la Saint-Martin d'été.

Le Roi le gratifia plus tard d'une compagnie dans le régiment de Piémont-infanterie; son fils Emile en eut le commandement.

En 1635, Guillaume Bazan, alors âgé de 75 ans, obtint une sentence du bailli du Cotentin qui le déchargea du service de l'arrière-ban.

Vers cette époque, il tua en duel le sieur de Vaudricourt. Le Roi lui accorda pour ce fait des lettres de grâce datées du mois de juillet 1639.

IX. HERVIEU Ou HERVÉ BAZAN, baron, puis marquis de Flamanville, fils de Guillaume, épousa en premières noces, en 1634, Jeanne d'Argouges de Rane, et en secondes noces, en 1652, Agnès Molé, fille du garde-des-sceaux. Il eut quatre fils, Jean-René, Charles-Mathieu, Jean-Hervé et EdouardNicolas le premier succéda à son père dans son titre seigneurial, le second fut lieutenant des gendarmes du Roi, le troisième mourut évêque de Perpignan, le quatrième devint commandeur de Malte.

Hervé Bazan fut grand-bailli du Cotentin, charge qu'il acheta au prix de 25,000 livres, par acte passé au Châtelet de Paris le 29 juillet 1643.

Son mariage avec la fille du garde-des-sceaux, Mathieu Molé, le mit au comble de la faveur et de la fortune.

La baronnie de Flamanville fut érigée en marquisat au mois de mars 1654, par lettres-patentes de Louis XIV, qui lui reconnaissaient comme mouvances les fiefs de Tréauville, Siouville, les Pieux, Grosville, Prestreville et Ipesville. C'était une seigneurie de premier ordre.

Aussitôt après l'érection de son domaine en marquisat, dès le printemps, de l'année 1654, Hervé Bazan fit raser son vieux manoir et commencer la construction du château actuel de Flamanville. Le bâtiment seigneurial fut terminé en 1657, et toutes ses dépendances en 1660. Le marquis de Flamanville vint l'habiter au mois de mai 1658, et en fit l'inauguration par une fête splendide, à laquelle furent conviés tous les châtelains des environs, toutes les notabilités du Cotentin.

Le premier enfant né dans ce nouveau château, où il reçut le jour le 16 février 1660, fut un des fils issus du mariage du marquis de Flamanville et d'Agnès Molé, Jean-Hervé Bazan, qui entra dans les ordres, fut d'abord prêtre à Cherbourg, puis vicaire-général à Chartres, et enfin nommé en 1695, évêque de Perpignan. Il termina sa carrière toute de bienfaisance, le 5 janvier 1724, après 25 ans d'épiscopat et une vie édifiante de bonnes œuvres. Lorsqu'il vint au monde, la

chapelle du château n'était point encore consacrée au culte, et il fut baptisé dans l'ancienne église de Flamanville, aujourd'hui détruite.

Hervé Bazan était un homme distingué par l'intelligence. Il mourut au commencement de l'année 1666.

X. JEAN-RENÉ BAZAN, marquis de Flamanville, fils d'Hervé, épousa Marie-Anne Le Camus, fille du premier président de la Cour des Aides, et tante de ce premier président Le Camus qui prononça à Versailles, en 1745, une harangue au Roi que Voltaire cite comme un monument singulier de style. «

Jean-René Bazan était mineur lorsqu'il hérita du marquisat de Flamanville. Dès qu'il eut atteint l'âge exigé, le Roi lui accorda des lettres d'émancipation, datées du 4 avril 1672.

Il embrassa la carrière des armes et parvint à une haute fortune militaire, à cette époque où la naissance passait avant la valeur personnelle.

En 1676, il acquit du comte de Lusignan, au prix de 80,000 livres, la charge de sous-lieutenant des gendarmes écossais, grade pour lequel il lui fut accordé, en 1678, une pension de 4,000 livres.

En 1683, il acheta du comte de Broglie, au prix de 143,000 livres, la charge de capitaine-lieutenant des gendarmes de Bourgogne, et obtint une pension de 6,000 livres pour cette charge, qu'il revendit, en 1702, au comte de Lignière, moyennant 150,000 livres.

Nommé brigadier de cavalerie légère le 30 mars 1693, et maréchal-de-camp le 29 janvier 1702, le marquis Jean-René Bazan de Flamanville fut élevé au grade de lieutenant-général des armées du Roi le 26 octobre 1704.

Il mourut vers 1715, laissant pour héritier un fils qui était encore mineur en 1724, et dont le nom suit.

XI. JEAN-JACQUES BAZAN, marquis de Flamanville, épousa Françoise-Bonaventure de Mauconvenant. I en eut un fils, Jean-Thomas, qui mourut à l'âge de 25 mois, et une fille, Marie-Jeanne-Françoise-Elisabeth, qui hérita du titre seigneurial de son père.

En Jean-Jacques Bazan s'éteignit la branche masculine des marquis de Flamanville.

Le domaine passa, par le mariage de l'héritière de ce marquisat, dans une autre famille, celle de Nonant-Raray.

XII. MARIE-JEANNE-FRANÇOISE-ELISABETH BAZAN, marquise de Flamanville, fille unique de Jean-Jacques, épousa JeanJoseph Le Conte de Nonant, marquis de Raray, et en eut deux enfants, Marie-Bonaventure-Jean-Joseph-Augustin et Monique-Sophie-Louise.

XIII. MARIE-BONAVENTURE-JEAN-JOSEPH-AUGUSTIN LE CONTE DE NONANT-RARAY, marquis de Flamanville, mourut jeune et célibataire, étant chevalier non-profès de l'ordre de Malte. Il termina ses jours à Lyon dans les derniers mois de l'année 1778, ou au commencement de l'année 1779. Selon les uns, il fut emporté par la petite vérole; selon les autres, et cette dernière version est la plus probable, il se brùla la cervelle. C'est lui qui, comptant avoir l'honneur d'être l'hôte de J. J. Rousseau, fit bâtir, pour loger l'auteur de l'Emile, le petit pavillon circulaire qui existe encore à l'extrémité du parc de Flamanville, près du village, et qui porte le nom du grand écrivain qui ne vint point l'habiter.

XIV. MONIQUE-SOPHIE-LOUISE LE CONTE DE NONANT-RARAY, marquise de Flamanville, née à Paris en 1754, épousa MarieFrançois de Bruc, marquis de la Guierche. De ce mariage. naquit une fille, Modeste de Bruc, qui épousa M. de ClermontTonnerre, et mourut en 1810, à l'âge de 24 ans, sans laisser de postérité. Son cœur a été déposé, sous un marbre noir, dans le mur de la chapelle du château de Flamanville.

La marquise de Bruc, sa mère, restée seule, mourut à Cherbourg le 17 juillet 1820, en léguant son château et sa terre de Flamanville à M. le comte Donatien de Sesmaisons, avec réversibilité entière à son fils, qui les possède aujourd'hui.

Les restes mortels de la marquise de Bruc reposent dans le cimetière de Flamanville.

XV. LE COMTE CLAUDE-LOUIS-DONATIEN DE SESMAISONS, pair de France, gentilhomme de la chambre du Roi, colonel d'étatmajor, devint propriétaire usufruitier du domaine de Flamanville après le décès de Mme de Bruc en 1820, et le posséda jusqu'à sa mort, arrivée à Paris le 28 avril 1842, après de longues années de souffrance.

Né le 23 décembre 1781, et fils d'un officier-général, M. le comte Donatien de Sesmaisons épousa à Rouen, le 12 février 1805, Mlle Anne-Charlotte-Françoise Dambray, dont le père est mort chancelier de France, et président de la chambre des pairs, en 1830. Il succéda par substitution à la pairie de son beau-père. C'était un homme d'un grand mérite, réunissant aux qualités du militaire le talent de l'écrivain et l'esprit du législateur.

XVI. LE MARQUIS MARIE-CHARLES-DONATIEN-YVES DE SESMAISONS, châtelain actuel de Flamanville, a épousé à Paris, le 5 juillet (1832, Mule Louise-Marie-Françoise-Anne de Choiseul-Beaupré. Quatre enfants sont issus de ce mariage:

« PreviousContinue »