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circulaire et environnée d'une simple moulure en zig-zag. Un pilier la divisait en deux parties dont les sommets étaient également circulaires. La maçonnerie est partout extrêmement simple et unie, et le travail en est excellent.

La date de l'église est connue. L'abbé Josse la commença, en 4473, pour remplacer une église plus ancienne qui n'avait été terminée qu'en 1124, mais qui était construite sur une si petite échelle, qu'elle n'était pas de nature à faire honneur à une abbaye dont l'opulence était devenue proverbiale. Henri Ier. Etienne et Henri II furent successivement, ainsi que nous l'avons dit, les bienfaiteurs du monastère ét accrurent encore ses vastes possessions. La consécration de la nouvelle église n'eut lieu qu'en 1220, en présence de l'archevêque de Rouen et de plusieurs évêques normands.

En 1562, elle paya son tribut à la fureur des guerres de religion. Les calvinistes massacrèrent l'abbé, détruisirent les orgues, brûlèrent ce qu'il y avait de construction en bois dans l'église, enlevèrent les vases sacrés et pillèrent le trésor. L'église fut restaurée par Claude du Bellay, qui fut abbé de Savigny de 4588 à 1609.

GALLY-KNIGHT.

Nouvelles Observations

SUR

LA CATHÉDRALE DE COUTANCES.

M. le Sous-Préfet Quenault, membre de la Société des Antiquaires de Normandie, a publié des Recherches archéologiques, historiques et statistiques sur la ville de Coutances. Le succès de ce livre promptement forcé l'auteur à en donner une seconde édition. Instinctivement, et sans entrer dans la discussion, nous faisons nos réserves en présence d'un monument qui nous semble un type admirable de l'architecture religieuse du XIIe siècle. Toutefois, comme nous aimons les discussions sincères, nous avons à cœur, dans notre franche impartialité, de reproduire les arguments de M. Quenault, et nous allons copier d'abord ce qu'il a écrit, p. 101-107 de ses Recherches archéologiques, 2e édition :

Si, depuis la publication de la 1re édition de ce livre, on m'a loué d'avoir donné de nouveaux arguments à l'opinion

contraire à la fondation de la cathédrale actuelle dans le XIe siècle, on m'a reproché de n'avoir pas exactement suivi l'opinion adoptée par les archéologues, dont les uns placent sa construction dans le XIIIe siècle, et les autres à la fois dans le xine et le xive; on m'a dit que je suis un novateur, on m'a prié de réfléchir et de revenir sur ce qu'on appelle une hérésie archéologique.

» J'ai mûrement réfléchi; j'ai de nouveau examiné le monument, les inscriptions de ses murailles, les chartes qui le concernent, et je n'ai trouvé dans cet examen que le mainlien de ma conviction et le regret de me séparer sur un point peu important, il est vrai, de quelques archéologues. Appelé à me prononcer sur la question, obligé de formuler une opinion, je ne présenterais pas la mienne comme incontestable, mais comme la plus vraisemblable, eu égard aux documents archéologiques et historiques que nous possédons.

» Je ne m'arrêterai pas à discuter le système de l'antiquaire Gally-Knight, qui démolit la cathédrale de Geoffroy de Montbray avec le siége de Godefroy d'Harcourt, avec ses engins de guerre au XIVe siècle, et fait reconstruire le chœur et le dôme par Jean d'Essey au XIe siècle. Il y a dans cette opinion une contradiction chronologique inexplicable. On pourrait croire que cet antiquaire ne connaissait pas encore le siége de 1358, quand il a écrit que ces parties du monument ont pu être construites par Jean d'Essey, si ces deux opinions contraires ne se trouvaient pas dans le même mémoire. Il ne présente du reste la dernière que comme une hypothèse qu'il appuie sur ce que cet évêque a été enterré dans le chœur de l'église.

» En lisant attentivement le mémoire de Msr Delamare, on verra qu'il n'est pas d'époque pendant laquelle il ait fourni plus d'arguments pour établir la conservation de la cathédrale de Geoffroy de Montbray que le xe siècle.

Sous l'épiscopat de Hugues de Morville, si fécond en fondations de toute sorte, il la suit pour ainsi dire jour par jour, au moyen de chartes établissant des fondations pour cet édifice.

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Il cite une visite de la cathédrale par Odon ou Eudes Rigaut, archevêque de Rouen, qui eut lieu un an avant l'élection de Jean d'Essey, en 1250, dans le procès-verbal de laquelle il n'est nullement parlé de l'état de ruine ou de la reconstruction de la cathédrale, et pourtant la visite fut minutieuse. Le prélat se plaignit de la manière dont les chanoines se tenaient dans le chœur, du peu de soin qu'ils donnaient à la propreté des ornements. Si, en s'occupant de pareils détails, il ne parle pas du monument, c'est qu'il était en bon état.

Mer Delamare cite aussi une copie, écrite dans le commencement du xve siècle, d'un Ordo de 1269, qui parle de

beaucoup d'événements locaux et ne dit rien de la construction de la cathédrale.

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» Lorsqu'en 1293 Robert d'Harcourt, évêque de Coutances, demanda à Philippe-le-Bel l'autorisation de fortifier sa cathédrale, il ne fit pas mention dans sa requête de sa récente reconstruction. C'était pourtant un puissant motif à faire valoir auprès du Roi pour mettre le monument à l'abri des atteintes de l'ennemi.

Dans le XIVe siècle, au contraire, il se passe un événement dont, pour le besoin des opinions qui placent la construction de cet édifice dans le XIe siècle, on a pu diminuer l'importance, et qui néanmoins est très-grave. C'est le siége de la cathédrale par une armée munie de machines de guerre, et sa défense par une garnison nombreuse; dévouée et énergique. On dira peut-être que les engins de guerre employés à cette époque, où l'on ne connaissait pas le canon, n'avaient aucune puissance. Quand on a vu dans les vieux châteaux forts du moyen-âge ces énormes boulets de granit que lançaient très-loin les catapultes et les balistes, on ne peut s'empêcher de reconnaitre que le poids seul de ces blocs de pierre, dont quelques-uns, suivant M. Viollet-Leduc, pesaient plus de 200 livres (1), tombant de quelques mètres de hauteur, aurait suffi pour rompre les voûtes et écraser les murailles si légères de la cathédrale actuelle.

"Il est constaté non-seulement par des récits historiques, mais encore par des chartes authentiques, qu'elle était sur le point de cheoir en ruines à la suite de ce siége. Comme il ne s'est passé entre la construction de la cathédrale par Geoffroy de Montbray et ce siége aucun événement qui ait pu la mettre en un si triste état, il faut nécessairement admettre que la cathédrale actuelle est celle de Geoffroy de Montbray, ou qu'elle est postérieure au siége de Godefroy d'Harcourt. Voilà ce qu'enseignent la saine logique et la critique historique.

» On se rejette sur le peu d'ornementation des ogives pour dire qu'elles n'ont pu être établies dans un siècle où elles étaient généralement couvertes de sculptures; mais la valeur des sculptures peu nombreuses qui les décorent prouve qu'elles ont été modelées à une époque dans laquelle cet art était trèsusité et très-perfectionné. Pourquoi ne pas attribuer cette sobriété d'ornements au génie sublime de l'architecte qui a voulu que son œuvre fût belle surtout par la pureté et par l'harmonie des lignes?

(1) Nous avons vu de nos yeux, au pied d'anciennes forteresses, plusieurs boulets de granit encore plus pesants. Nous laissons toutefois aux gens de l'art, aux architectes distingués qui font partie de nos Sociétés savantes, le droit d'affirmer qu'en tombant de plusieurs mètres, ces boulets eussent rompu les voûtes et écrasé les murs de la cathédrale de Coutances. J. T.

» Tout ce qu'on peut induire du style du monument, de la forme, de la décoration de ses ogives, de la perfection des sculptures et de la maçonnerie, c'est qu'il n'a pu être construit avant le XIIe siècle, époque à laquelle dominait le style ogival dit gothique; mais ce n'est pas un motif pour affirmer qu'il a été nécessairement construit dans ce siècle et non dans un siècle postérieur. L'ogive n'a pas commencé et fini dans cet intervalle de temps. J'en trouverais la preuve à quelques pas de la cathédrale même, dans l'église Saint-Nicolas. Qu'un antiquaire examine avec soin le chœur et le rond-point de cette église, sans se préoccuper des titres et des inscriptions, il n'hésitera pas à placer la fondation de cet édifice dans le XIe siècle, et pourtant ils sont du XVIIe siècle; les inscriptions gravées sur les murs et les inscriptions en font foi, ainsi qu'on le verra plus loin.

» En résumé, on peut, d'après le style du monument, affirmer qu'il n'est pas antérieur à l'époque où ce style a commencé à être en usage; mais on n'a pas le droit d'en conclure qu'il appartient nécessairement au siècle dans lequel ce style. a été le plus florissant. Il faut bien laisser aux artistes le droit d'imprimer le cachet de leur individualité à leurs œuvres. Il faut aussi admettre que la modification du style ogival primitif ne s'est pas opérée tout d'un coup; son temps n'était pas encore fini en 1372; on a pu d'ailleurs l'imiter après qu'il a eu cessé d'être en vogue. C'est ce qui est arrivé pour l'église de Saint-Nicolas.

"J'ai déjà dit que les plus anciennes inscriptions au couteau qui se trouvent sur les murs de l'édifice ne dépassent pas 1400. J'ai relevé les inscriptions tombales incrustées dans les murailles et portant date. Les deux plus anciennes qui sont enchâssées dans la maçonnerie du portail Nord sont du XVe siècle.

» La plus vieille peinture murale qui décore les murailles, celle qui représente la dame et le seigneur de Chiffrevast et qui est placée dans le bas-côté Sud du chœur, partie de l'église dont l'ancienneté n'est pas contestée, est de 1384.

Des inscriptions sans date attestant la dotation de deux chapelles au Nord de la nef, par Jean d'Essey, sont composées de caractères cursifs appartenant, d'après l'Abécédaire archéologique de M. de Caumont, à la seconde moitié du XIVe siècle. Ces chapelles avaient été dotées par cet évêque, le 16 août 1274. En les reconstruisant plus tard, or a conservé par une inscription le souvenir de ce bienfait, consistant en une somme de 45 livres tournois, qui était payée annuellement aux Chapelains.

"

» Le style du XIVe siècle différait si peu de celui du XIIe, que M. de Caumont donne, dans son Abécédaire archéologique, comme spécimen du style ogival secondaire, la tour

de l'église de Vierville (Calvados), qui est presque identique avec celles de Coutances par sa forme, la simplicité des ornements, l'arcature des ogives et le style des clochetons.

» J'en conclus, avec cet antiquaire, qu'il est fort difficile d'établir des différences bien précises entre l'architecture du XIIIe siècle et celle du xive.

" Je maintiens donc l'opinion émise par moi dans la première édition de cet ouvrage, non comme incontestable, mais comme la plus vraisemblable, en combinant ensemble l'examen attentif du monument et la vérification des titres et des événements historiques qui le concernent. »

Cette argumentation de M. Quenault est d'un homme convaincu; mais elle n'entraîne pas la conviction de tous les lecteurs, et la preuve, c'est que M. de Caumont, sur lequel il semble pouvoir s'appuyer, ne partage pas son opinion. M. Ludovic Vitet ne la partage pas davantage, et M. le Sous-Préfet de Coutances, très-louable pour ses consciencieuses recherches, a trouvé d'ardents contradicteurs à la Sorbonne, lors de la réunion des Sociétés savantes par M. le Ministre de l'instruction publique, en novembre 1861. Voici, du reste, le mémoire lu par M. Quenault dans cette mémorable réunion :

"Les archéologues qui ne se préoccupent que de l'aspect des monuments pour déterminer l'époque de leur fondation, qui ne tiennent aucun compte des documents historiques ou des titres, placent la construction de la cathédrale de Coutances dans le XIIIe siècle, parce qu'elle leur semble appartenir au style qui régnait à cette époque, style qui, selon eux, s'y épanouit dans sa plus parfaite beauté et sa plus grande homogénéité; ils ont traité d'hérésie l'opinion émise par moi dans mes Recherches archéologiques sur la ville de Coutances, qui fixe sa fondation après le siége de Godefroy d'Harcourt, c'est-à-dire de 70 à 80 ans plus tard (4).

"Il n'y a d'hérésie archéologique que dans une assertion impossible. Dire qu'un monument, appartenant au style gothique, a été édifié dans le xIe siècle, époque où ce système d'architecture n'était pas encore inventé, voilà une hérésie. ́» Dire qu'un monument qui, dans beaucoup des détails de son ornementation a du rapport avec le style du xe siècle,

(1) Je dois ici rectifier les dates du siège de la cathédrale et de la mort de Godefroy d'Harcourt, qui n'ont pas été suffisamment précisées dans mes Recherches archéologiques sur la ville de Coutances. Le siège de la cathédrale et la mort de Godefroy d'Harcourt n'ont pas eu lieu en 1358, comme l'a prétendu de Mons, mais bien en 1356. M. Luce, dans un ouvrage récemment publié, a établi que Godefroy d'Harcourt a été tué le 11 novembre 1356.

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