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Rapidité.

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Il est vrai, sans doute, de dire que Brest est le premier port français qui se trouve à l'entrée de la Manche, mais il ne s'en suit pas de là que l'avantage de la distance doive être calculé comme l'a fait M. le Rapporfeur de la dernière loi. Nous trouvons dans le mémoire déjà cité de M. Paccini, très-compétent dans la question, les faits suivants dont il faut tenir grand compte. Če navigateur trace ainsi la route qu'on doit suivre aux abords de la Manche : Dès qu'on a franchi le ⚫ le méridien des Sorlingues, si l'on n'a pas reconnu le feu de ces iles, il est facile, en appuyant à gauche, de s'approcher ⚫ de la côte d'Angleterre, qui est saine et parfaitement éclairée. - Si, par hasard, on n'arrivait pas en vue de ces feux, on ne pourrait manquer d'apercevoir à droite soit les beaux phares. de la côte de France, soit ceux des Casquets; les vents du - Sud-Ouest qui poussent la brume et la grosse mer sur les - côtes occidentales de la Bretagne sont relativement clairs - sur la côte Nord; si les vents sont Nord ou Nord-Ouest, il ⚫ suffit de se rapprocher de la côte d'Angleterre, pour se trouver, par un temps clair, dans une belle mer. »

Il résulte de là que les navires venant au Havre ne vont jamais chercher les côtes de la Bretagne; et, du point de reconnaissance des Sorlingues, le parcours sur Brest ou Cherbourg, qui offre une notable différence de sécurité, n'en offre aucune pour la distance. La différence de 415 milles qui sépare Brest de Cherbourg, citée par M. le Rapporteur de la loi, ne peut s'expliquer qu'en prenant en ligne droite la différence existant entre le méridien de Brest et celui de Cherbourg, sans tenir aucun compte de l'augmentation de parcours que donne, a la sortie de Brest, la route qu'on doit suivre pour regagner le parallèle nécessaire pour pouvoir doubler les Casquets et la presqu'ile de Cherbourg. Ce n'est pas de Brest d'où il faut compter ces distances, mais bien du Havre ou plutôt de Paris, centre des grandes industries et du commerce de toutes les parties Nord et Est de la France.

Or, si nous considérons ces mêmes distances prises sur l'arc de grand cercle entre New-York et les ports de Cherbourg et Brest. nous trouvons que l'arc de grand cercle de New-York à Cherbourg est de 49° 48' 10" qui, pour 20 lieues marines par degré, font 996 lieues pour la plus courte distance de ces deux points. L'arc de grand cercle de New-York à Brest est de 48° 25' 40", ou 968 lieues; différence de 28 lieues, en faveur de Brest. Mais, d'autre part, de Paris à Brest, il y a 90 lieues marines, et seulement 54 de Paris à Cherbourg; différence 36 en faveur de Cherbourg; en sorte qu'en définitive la distance de New-York à Paris serait encore plus courte par Cherbourg que par Brest.

Sans doute, le port de Brest est le plus occidental de la France, mais l'arc de grand cercle de New York à Paris passe fort au Nord de Brest, puisqu'il coupe son méridien (6° 49' 0") par plus de 50° de latitude Nord, traverse la province de Cornouailles, dans la partie méridionale de l'Angleterre, et passe même au Nord de Cherbourg. A cause de leur construc tion particulière, les cartes marines donnent une idée trèsfausse des lignes de plus courte distance dans les latitudes élevées, et c'est seulement sur un globe terrestre qu'on peut se faire une idée exacte des arcs de grand cercle en lignes les plus directes.

M. de Rostaing, capitaine de frégate, établit cette comparaison dans un mémoire qu'il a présenté à la Société impériale académique de Cherbourg, publié dans le volume de l'année 1856.

On doit considérer, en outre, que la ligne ferrée de Brest à Paris offre un parcours d'environ 200 kilomètres de plus que celle de Cherbourg, pour aboutir à Paris, ce qui serait trèsonéreux pour les voyageurs débarquant à Brest.

Toutes ces considérations nous semblent mériter de fixer l'attention du Gouvernement, au point de vue de la rapidité des communications.

Avantages commerciaux.

Les sept huitièmes des affaires de New-York avec la France se font par le Havre; en obligeant les paquebots qui transportent les marchandises destinées pour ce port à relâcher à Brest, pour y faire escale, c'est évidemment les grever d'une forte augmentation dans la prime d'assurance; les dangers terribles des côtes de Bretagne, si redoutés des assureurs, viendront charger chaque voyage d'une augmentation de dépense que les lignes anglaises, qui aboutissent à Southampton, n'ont pas à supporter, et il n'en faut pas davantage pour perdre tout le bénéfice de la ligne accordée au Havre. Avec l'escale de Brest, cette ligne sera nécessairement mauvaise onéreuse pour les Compagnies qui auront elles-mêmes à payer en assurances sur corps des primes exceptionnelles ; onéreuse pour les chargeurs qui ne comprendront pas pourquoi leurs riches envois sont dirigés sur le côtes de Bretagne, tandis que, dans tous les temps, il a été élémentaire de les éviter pour venir au Havre; onéreuse pour les passagers qui, toujours pressés de mettre pied à terre, après une traversée plus ou moins pénible, auront un parcours beaucoup plus considérable à payer sur la ligne ferrée pour se rendre, soit à Paris, soit au Havre, où ils devront rencontrer leurs marchandises ou au moins le complément de leurs bagages; ces passagers, lorsqu'ils en auront fait l'expérience, ne préféreront-ils pas plus tard la ligne de Southampton à celle du Havre ?

Voici encore ce que nous enseigne une expérience locale. Lorsqu'il s'agit des nombreux navires qui entrent en relâche dans la rade et le port de Cherbourg pour cause d'avaries, les archives du tribunal de commerce de Cherbourg fourmillent de rapports de mer, établissant que le plus grand nombre de ces navires, surpris dans l'Océan, à l'entrée de la Manche, et redoutant les atterrages de Brest, viennent relâcher à Cherbourg. On en a vu même, sortant du canal Saint-Georges et destinés pour la Méditerranée, venir se réfugier à Cherbourg, au lieu de chercher à gagner le port de Brest, quoique beaucoup plus rapproché. Des navires de l'Etat, eux-mêmes, venant des mers éloignées, dirigés sur Brest, n'ont pu gagner ce port, par suite des mauvais temps, et sont venus se réfugier à Cherbourg. Ces faits sont à la connaissance de tous les marins et des personnes ayant l'expérience ou la pratique des questions nautiques. L'escale de Cherbourg ne présentait pas de dangers elle était forcée dans un grand nombre de cas; elle ne faisait perdre aucun temps et assurait la régularité des arrivages (1). Sous le rapport de la facilité de l'accès, comme escale, Brest ne saurait être comparé à Cherbourg de vastes entrées ouvrent la rade de ce dernier port, qu'aucun danger ne précède; les avantages commerciaux de la ligne de NewYork au Havre n'étaient donc pas compromis par l'escale de Cherbourg, comme ils le seront par l'escale de Brest, à tel point que l'une des escales était une facilité pour la ligne dont il s'agit, tandis que l'autre augmente gravement les difficultés et les dépenses, si même elle ne rend pas impossible l'exploitation soumise à tant d'entraves; et il peut arriver de là qu'un

(1) Nous venions de terminer ce faible exposé des avantages nautiques que présente le port de Cherbourg sur celui de Brest, lorsque nous avons appris la relâche du steamer Arago, jaugeant 2 240 tonn., paquebot de la ligne américaine entre le Havre et New-York. Ce steamer n'ayant pu entrer au Havre, par rapport à un obstacle dans l'entrée de ce port, ni mettre à terre ses passagers, attendu la grosse mer, le capitaine Lines, commandant le paquebot, a pris subitement la détermination de venir relâcher à Cherbourg, pour y effectuer ce débarquement, le samedi 3 août, à 5 heures du soir. Les 119 passagers qu'il avait à son bord, ainsi que tous leurs bagages, ont pu être débarqués sans retard ni difficulté, dans la soirée, avant 9 heures. Cette opération s'est passée dans l'ordre le plus parfait, sous la surveillance active de l'Autorité locale, et le lendemain dimanche, tous les bagages ayant pu être vérifiés en douane, un grand nombre de voyageurs partaient par les trains du chemin de fer. Le même jour aussi, le steamer Arago continuait sa route pour le Håvre, avec de légers frais, qui se sont traduits en profits par l'exonération, pendant 24 heures, de pourvoir aux besoins de ses 119 passagers. Maintenant que la sûreté et la grande facilité d'accès de la rade de Cherbourg sont sans conteste des deux côtés de l'Atlantique, on y voit fréquemment entrer en relâche des navires américains d'un fort tonnage et d'un grand tirant d'eau, qui viennent, soit alléger leurs cargaisons, soit attendre que l'état de la mer ou des hautes marées leur permette d'entrer dans le port dú Havre.

projet éminemment national, unanimement accueilli dès sa naissance, se trouve menacé, de nouveau, de stérilité par la nouvelle combinaison.

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Note du rédacteur. Nous n'avons rien à ajouter à cet exposé si clair, si précis et si vrai: c'est l'exacte constatation de faits contre lesquels aucun sophisme ne saurait prévaloir, c'est l'opinion raisonnée du navigateur et de l'observateur; c'est, en un mot, l'expression de l'expérience nautique de tous les temps et de tous les jours. L'homme éclairé et pratique, quels que soient le méridien de son clocher et la topographie de son rivage, lui donnera son entière adhésion, s'il n'a ni préjugés ni préventions. L'escale des paquebots de la ligne du Havre à New-York sera forcément maintenue à Cherbourg; les lois de la mer l'exigent, et leur prescription est plus puissante que la volonté des hommes. Si, contrairement à toutes conditions de navigation et d'économie, l'escale était établie à Brest, elle ne survivrait certainement pas à une expérience de six mois; ce serait d'ailleurs imposer à ce service une charge très-onéreuse que rien ne compenserait, et le paralyser, en quelque sorte, dès son début.

VÉRUSMOR.

Note sur le passage des Oiseaux exotiques

dans le Cotentin,

Le Congrès scientifique de Cherbourg (septembre 1860) a donné lieu à une foule de communications aussi variées qu'intéressantes. Voici l'extrait d'un morceau du aux observations de M. le marquis d'Aigneaux, de l'Ile-Marie (Picauville), que nous insérons d'autant plus volontiers qu'il est sur un sujet peu connu et que l'Histoire naturelle n'a pas eu jusqu'ici une place assez large dans l'Annuaire de la Manche.

Je ne parlerai que des oiseaux qui font l'objet de mes chasses; j'ai trop peu observé le passage des becs fins du loriot, du bruant de neige, des palombes, des bec-en-croix, pour en dire quelque chose.

C'est du 25 juillet au 15 août qu'a lieu la première arrivée des palmipèdes et des échassiers. Le passage le plus curieux à observer est sans contredit la volée d'août : ce sont des bandes immenses de macreuses et d'oies-cravans qui volent à de grandes hauteurs: elles quittent la Manche pour aller

séjourner dans l'Océan Atlantique. Leur vol, à cette époque, est invariablement de l'est à l'ouest. La macreuse s'abat bien rarement sur nos rivières; l'oie-cravan s'y montre en janvier et février, dans les rudes hivers.

Les oiseaux qui fréquentent nos vallées vers la fin de juillet et au commencement d'août, sont le cul-blanc ou bécasseau, la guignard (espèce de pluvier), la guignette( le plus petit des échassiers), la bécassine et le vanneau; on y voit encore le combattant, mais à cette saison il est fort rare, tandis qu'il est assez commun au printemps.

A la même époque, on rencontre sur le bord de la mer, surtout à la grande marée d'août, l'alouette de mer, le pluvier gris, le grand et le petit pluvier à collier, la maubêche, la mouette ou mauve, le goëland-manteau-gris, le goëland-manteau-noir, trois espèces de pierre-garin ou hirondelle de mer. J'ai tué un fort joli épouvantail: il a le dessous du corps et le dessous des ailes d'un très-beau noir velouté. J'ai aussi tué en juillet des bécassines qui n'avaient point entièrement fait la mue et qui pouvaient à peine voler: ces bécassines avaient probablement niché dans nos marais.

Toutefois, la véritable arrivée n'a lieu que vers la mi-septembre. La bécassine est alors accompagnée de la sourde; la double est fort rare ici. Vers le même temps arrivent la marouette, le râle, la courette. En septembre on commence à voir le pluvier doré, le pluvier-vanneau, le chevalier à pieds rouges, le même à pieds gris. Sur nos côtes, on voit la mouette blanche, la brune et la cendrée; le tabbe, le cormoran, le tourne-pierre, le héron, le courlis, le corlieu ou petit courlis, l'huitrier, la barge rousse, la barge aboyeuse.

Dès la mi-octobre, si l'hiver s'est fait sentir dans le Nord, on voit dans nos bois de nombreuses bandes de palmipèdes ; mais ils disparaissent s'il survient quelques beaux jours.

C'est donc de novembre jusqu'au commencement de janvier, quand l'hiver a étendu jusqu'à nous son manteau de frimas, qu'a lieu le grand passage des émigrants. Les bandes d'oiseaux qui se succèdent sont alors composées de sarcelles, de canards, de vignons ou canards siffleurs. Vers le même temps, la foulque arrive dans nos marais. Viennent ensuite les plongeurs, qui trouvent plus facilement leur pâture au fonds des eaux; le mélouin à la tête rousse, le morillon à la huppe soyeuse, le garrot, le plongeon, le castagneux, la petite et la grande grèbe, dont la tête est ornée de plumes rousses au printemps. C'est à la même époque que nous voyons le souchet, le rédenne, la spatule, le butor, dont le cri nous annonce l'arrivée des autres oiseaux. Dans les plus grands hivers, nous voyons le grand harle orangé, le moyen harle, le tadorne et le piette ou le petit harle. Le pilet vient vers le mois de février.

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