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Sa Majesté sur les travaux à faire et sur la préférence donnée à Cherbourg.

En ce qui concerne l'exécution, voici des preuves, qui me paraissent également certaines, que c'est au même officier de marine qu'on doit le choix des moyens qui ont prévalu en définitive pour assurer le succès de cette œuvre de génie.

M. de Cessart, directeur des travaux hydrauliques, proposa d'immenses machines de bois, de forme conique, qui devaient être immergées sur toute la ligne et remplies de pierres, de manière à former une base qu'on croyait à l'abri de tous les mouvements de la mer.

M. de La Bretonnière voulait qu'on fondât la digue avec des pierres perdues. Ce projet avait le tort d'être trop simple, il fut rejeté.

Le système des cônes était compliqué. Son invention sembla une œuvre de génie, il séduisit et fut adopté. Mais l'expérience ne tarda pas à prouver toute l'impuissance des calculs et des prévisions théoriques, en présence de l'élément capricieux et terrible qu'il s'agissait de dompter. Dix-huit cônes furent successivement construits, et cinq ou six ans après l'immersion du premier, il en restait à peine quelques vestiges. La mer avait tout détruit.

On fut obligé de revenir au projet de M. de La Bretonnière. Ce ne fut pas sans peine, on le croira facilement, que l'ingénieur, d'ailleurs fort éminent, qui avait imaginé les cônes, se vit trompé dans le résultat des combinaisons qui lui avaient coûté tant de travail, et qui avaient été adoptées avec tant d'enthousiasme.

M. de Cessart publia un mémoire où il essaya encore de défendre son œuvre, mais il en résulta un nouveau témoignage d'un grand prix en faveur d'un rival plus heureux. Dans ce travail, il se livre à beaucoup de critiques sur les détails du service dont était chargé M. de La Bretonnière, qui était commandant de la marine. On voit qu'il ne lui pardonne pas d'avoir vu plus juste que lui; mais il ne lui conteste pas la pensée du projet, et certes si cette pensée fût venue à Vauban, il n'eût pas manqué de le dire.

M. de Tocqueville, dans la Notice sur Cherbourg, dont j'ai déjà parlé, s'exprime ainsi :

« C'est au capitaine de vaisseau de La Bretonnière que » revient l'honneur d'avoir conçu le premier l'idée d'une digue isolée des terres et jetée à une lieue du rivage. Ce fut » lui également qui mit le premier en avant l'idée de faire la digue en pierres perdues. »

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En résumé, dans tous les documents connus jusqu'à ce jour, on voit bien que Vauban s'est occupé de Cherbourg, mais rien n'indique chez lui la pensée d'une digue isolée,

continue et insubmersible, comme celle que nous voyons aujourd'hui.

Tous les témoignages se réunissent, au contraire, pour attribuer au capitaine de La Bretonnière l'honneur de cette magnifique conception et des moyens les plus propices à la féconder.

La réponse à la question du programme ne serait pas compléte, si je ne citais les noms de MM. Cachin et Duparc parmi ceux des ingénieurs qui ont dirigé les travaux comme ayant eu à surmonter les plus grandes difficultés, et le second particulièrement, qui inventa et mit à exécution le système du couronnement et de défense de la digue en maçonnerie de béton et de granit. NOEL.

Note sur des Médailles trouvées à Cherbourg.

La Société impériale académique de Cherbourg a, dans sa séance du 7 décembre 1860, entendu la communication suivante, de M. VICTOR LE SENS, l'un de ses membres :

Dans la séance précédente, j'ai, dit-il, présenté quatre médailles découvertes sur la propriété de M. Pichard, située rue Quai-Ouest du bassin du port de commerce. Trois de ces médailles sont romaines et l'autre française. Parmi les romaines, deux sont frustes, et l'autre, assez bien conservée, est à l'effigie de Constantin. Elles ont été trouvées parmi des ossements humains, à 4m 50 de profondeur. La médaille de Constantin présente cet empereur la tête laurée, avec la légende: IMP. CONSTANTINVS. AVG. Au revers est un homme debout, et on y lit ces mots : SOLI INVICTO COMITI. Cette pièce n'est pas rare.

La pièce française, d'une parfaite conservation, remonte au XVIe siècle. C'est un jeton d'un des grands maitres de l'artillerie du règne de Charles IX. Il est sans millésime, mais les armoiries qui se trouvent au revers m'ont permis de connaitre le nom du personnage pour lequel cette pièce a été frappée. Avant de vous lire la biographie de ce seigneur, je crois devoir vous donner la description des légendes et des emblêmes empreints sur ce jeton: Coté principal -Ecu de France, entouré du collier de l'ordre de Saint-Michel, surmonté de la couronne royale et accompagné de cette

légende : CAROLVS IX. D. G. FRANCO REX. ReversEcusson sans stries, entouré du collier de l'ordre de SaintMichel, sommé de la couronne de baron; écartelé au 1er et 4o d'un bras tenant trois feuilles; au 2e et 3e mi-parti, à un pal; surmonté de deux bombardes placées en sautoir, accompagnées, en chef, d'un C couronné de France. Le champ de cette pièce qui porte en pointe des piles de boulets avec refouloir et tire-bourre a pour légende: SVBDV CEDIS RAONIB'. BOMBARD. REGIAR. Je présume que l'on doit lire ainsi cette inscription abrégée : SVB DVCE CEDIS RATIONIBVS BOMBARDARVM REGIARVM; c'est-à-dire, sous ce général tu cèdes aux raisons des bombardes royales

Ce jeton, qui a été frappé entre 1567 et 1569, nous donne, au revers, les armoiries de Jean Babou, seigneur de la Bourdaisière et de Thuisseau, baron de Sagonne, fils aîné de Philibert, trésorier de France, surintendant des finances, maître d'hôtel du roi Henri II, et de Marie Gaudin, dame de la Bourdaisière. Jean Babou épousa, en 1539, Françoise Robertet, fille de Florimond, baron d'Alluye, et de Michelle Gaillard. Il devint chevalier de l'ordre du roi, conseiller d'Etat, échanson du roi et de la reine de Navarre, gouverneur et bailli de Gien, maître de la garde-robe de François, dauphin, fils aîné du roi François Ier, puis du roi Henri Il et de son fils François II, qui l'envoya comme ambassadeur extraordinaire à la cour de Rome. Après la mort de ce dernier monarque, Catherine de Médicis lui donna le gouvernement de la personne et de la maison de François, duc d'Alençon, son fils, et la lieutenance de la compagnie des gens d'armes de ce prince. Il fut encore nommé capitaine de la ville et château d'Amboise, bailli de Touraine, et gouverneur de la ville de Brest. Enfin le roi le pourvut en 1567 de la charge de maître général de l'artillerie. Ce seigneur mourut le 11 octobre 1569.

Les armes des Babou sont : écartelé au 1er et 4e d'argent au bras de gueules, sortant d'une vache d'azur, tenant une poignée de vesce, en rameau de trois pièces de sinople; au 2o et 3e parti de sinople au pal d'argent, et de gueules au pal aussi d'argent.

VICTOR LE SENS.

BIOGRAPHIES.

JEAN-BAPTISTE JUMELIN.

Si les circonstances font les hommes, des causes accidentelles fondent souvent leur mémoire. Des médiocrités, grandies l'on ne sait comment, sont honorées d'un souvenir en quelque sorte populaire, tandis que des supériorités disparaissent, après avoir brillé par de vrais talents, sans laisser dans leur canton natal un nom que connaisse la génération qui leur succède. Tel est le sort d'un homme éminent, le savant Jumelin, originaire de notre arrondissement. Ses titres au souvenir de ses compatriotes, son nom même sont à peu près inconnus dans le pays qui devrait se glorifier d'avoir été son berceau.

Jean-Baptiste Jumelin, professeur de physique et de chimie au lycée Impérial (aujourd'hui lycée Louis-le-Grand), docteur-régent de la Faculté de médecine de Paris, auteur de différents ouvrages et membre de plusieurs Sociétés savantes, naquit à Saint-Germain-le-Gaillard, le 12 septembre 1745. Il fit ses études au collége des. Eudistes à Caen, et se distingua, dès son jeune âge, par une grande aptitude au travail et beaucoup d'intelligence, Ses parents le destinaient à la prétrise, pour laquelle il n'avait aucune vocation; son goût pour les sciences et le cours de ses études l'entraînèrent dans une autre carrière.

Il se livra d'abord à la médecine. Ses principaux travaux dans cette science furent des expériences multipliées pour reconnaitre les effets de l'électricité sur l'économie animale; ceux que l'usage des styptiques produit sur l'irritabilité, et l'action générale des enivrants de toute espèce sur la même faculté. Le résultat de ses recherches eut un succès qui lui mérita de la réputation.

S'occupant, en même temps, de physique et de mécanique, il découvrit, en 1778, un moyen de prendre l'eau au haut des syphons recourbés, sans que le courant établi dans le syphon se trouvat interrompu. L'année suivante, il inventa une machine pneumatique d'une structure particulière, et une pompe à feu d'une construction différente de celles qui existaient

alors; mais la pratique démontra que cette dernière invention avait des inconvénients qui détruisaient, en partie, ses avantages.

Ainsi, ses expériences comme médecin et ses travaux comme physicien lui avaient acquis de la célébrité, lorsque le comte de Choiseul-Gouffier, nommé ambassadeur à Constantinople, en 1785, le choisit pour être l'un des savants qui l'accompagnèrent en Turquie.

Jumelin se trouva à Constantinople avec l'abbé Spallanzani, et ils firent ensemble de nombreuses expériences microscopiques, dont les résultats amenèrent plusieurs découvertes précieuses. Tout ce qui concerne l'histoire naturelle fut particulièrement l'objet de ses recherches, pendant son séjour dans la capitale de l'Empire ottoman.

En parcourant en explorateur les rivages de la mer Noire, Jumelin découvrit les ruines de Githium, cité antique, dont nul auteur moderne n'avait parlé avant lui. Cette découverte intéressante pour la géographie ancienne fut le sujet d'un mémoire que le savant voyageur, long-temps après son retour à Paris, présenta à l'Institut.

Son amour pour l'histoire naturelle lui fit entreprendre un voyage autour de la mer Noire, et plus tard un second voyage à Constantinople, où il voulait mieux connaître des faits qu'il n'avait qu'aperçus ou trop superficiellement observés. Mais tour à tour fait prisonnier par les Turcs et par les Anglais, il ne put achever ce second voyage, et perdit même tous ses manuscrits, et par conséquent le fruit de ses travaux, que ces contre-temps rendirent pénibles.

Il était rentré dans le professorat et se consacrait avec zèle à l'instruction publique, lorsqu'il fut appelé à la chaire de physique et de chimie du lycée Impérial. C'est alors qu'il termina quelques-uns de ses principaux écrits. La première partie de son beau Traité élémentaire de physigue et de chimie parut en 1806, en un gros volume in-8° (1). Il croyait mettre la dernière main à la seconde partie, pendant les vacances de 1807, au moment même où la mort vint inopinément le frapper. Ce second volume, traitant des sciences physico-mathématiques, est resté manuscrit, ainsi qu'un autre ouvrage, également achevé, et non moins important c'était une démonstration du Mouvement de rotation influencé par une ou plusieurs forces, dont la direction fait angle oblique avec l'axe de rotation. L'auteur affectionnait particulièrement cette œuvre, qui lui avait coûté bien des veilles, et qu'il considérait comme

(1) La France littéraire de J.-M. Quérard (tome iv, p. 271) cite de Jumelin: OEuvres diverses concernant les sciences et les arts, 1799, in-8°.

J. T.

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