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choient les arquebusiers, en bon et bel ordre; lesquelles bandes estoient dressées et conduites par noble homme Richard de Pelvey, sieur de Tracy (1).

A l'entrée de ladite ville furent laschées toutes les pieces d'artillerie, tant grosses que petites, qui estoient disposées et chargées, savoir est les grosses pieces estant exposées sur les bords des fossés de ladite ville, vis-à-vis du boulevard du Neufbourg, et dans les boulevards, sur les murailles d'icelle, furent enfin dechargées les vingt-cinq couleuvrines à croc et autres petites pieces; et sur la porté de ladite ville, estant sur le pont, furent dechargées dix-huit boüettes d'artillerie, tant grosses que petites, qui firent merveilleuses et grandes tempestes; et à l'entrée de lad. ville, vis-à-vis de la maison qui fut au Butor, fut presenté au Roy, notre sire, et mis sur sa teste un poësle de damas rouge, et pendants de soye rouge, de la largeur de deux aulnes et demie dudit damas, et de longueur environ de deux aulnes, en quoy il y avoit le nombre de dix aulnes et demie de damas; lequel poësle fut porté par quatre des bourgeois, savoir ledit Le Secourable, Vaultier, Alexandre et Me Pierre Clerembault (2); lesquels estoient vaistus et accoustrés tous d'une parure, savoir en robes de fin lyn noir, doublées de satin et bandes de velours noir, bonnets à deux rabats, et chausses noires de damas noir; pourpoints de velours noir; lesquels conduisirent avec ledit poësle le Roy, notredit sire, à l'entrée de la Cour de l'Evesque (3), où ledit sire estoit logé. En icelle fut ledit poësle pris par les gens du Roy, et emporté à leur profit.

Après toutes ces grandes ceremonies, s'ensuivirent les dons, presents et courtoisies qui furent faites à l'entrée et reception desdits sieurs par la deliberation desdits ordonnés et bourgeois :

Fut fait present au Roy, notredit sire, de six poinçons de vin et de trois douzaines de flambards;

» Plus à Mer le Dauphin, quatre poinçons de vin et deux douzaines de flambards;

Plus à mondit sieur le Cardinal de Lorraine, un poinçon de vin;

» A M. le Grand-Maistre, un poinçon de vin;

(1) Richard de Pellevé, seigneur de Tracy, avait épousé Louise du Grippel, fille de Guillaume du Grippel et de Catherine de Renneville, dame des Boots, en la paroisse d'Athis (Orne).

(2) Pierre Clérembault était l'un des tabellions de Saint-Lo en 1527 : it exerçait alors avec Guillaume Duboys.

(3) C'est-à-dire au Château épiscopal, édifice rebâti ou restauré, à la fin du xy siècle, par Geoffroy Herbert, évêque de Coutances, et dont il ne reste plus aujourd'hui qu'une petite partie contiguë au chevet de l'église de NotreDame; le surplus a été complétement démoli, il y a une centaine d'années,

"A M. le premier pannetier, René de Cossé (1), pere de Mer l'Evesque de Coutances, un poinçon de vin;

"A M. le Comte de Saint-Paul, un poinçon de vin;

» Et à M. de Vendosme, un poinçon de vin.

n

Avec tout cela ont esté distribués grand nombre de gallons de vin à plusieurs autres princes, [et] seigneurs de la cour du Roy, notredit sire. »

Collation a esté faite sur le registre de defunt Nicollas Le Roux (2), ayant esté Procureur de la Maison commune de cette ville de Saint-Jo, par moy Jean Le Roux, à ce commis, à la requeste de Pierre Clerembault, pour luy servir qu'il appartiendra, aujourd'huy 22o jour de janvier de l'an 1611. Signé LE ROUX.

Pour copie conforme à celle estant en nos mains. Signé
CLEREMBAULT, avec paraphe.

Nous eussions pu donner des détails sur la plupart des bourgeois de Saint-Lo, dont les noms figurent dans le récit qui précède, ou sur leurs familles respectives; mais ce que nous avions à en dire eût présenté un assez mince intérêt : ces familles en effet sont éteintes aujourd'hui, ou elles ont depuis long-temps quitté le pays. De nouvelles notes, dès-lors, n'eussent fait que grossir le nombre de celles que nous avons jugées nécessaires, et que le lecteur, nous le craignons du moins, trouvera peut-être déjà trop nombreuses, sinon inutiles.

DENIS.

(1) René de Cossé, seigneur de Brissac, premier pannetier du roi, ainsi qualifié dans des lettres du 23 février 1495 et du 9 septembre 1498, fut GrandFauconnier de France, Gouverneur des enfants de France, et des pays d'Anjou et du Maine: il vivait encore le 12 juillet 1532.

(2) Nicolas Le Roux était l'un des tabellions de la ville de Saint-Lo : en 1531 et au commencement de l'année 1532, il exerçait avec Guillaume Duboys, et à la fin de l'année avec Jean Lamydieu. Le registre tenu par lui, et sur lequel a été collationné le récit qui précède, n'était peut-être pas autre que le registre de la Maison-de-Ville emprunté et perdu par M. de Martigny.

Châteaux de Nacqueville et d'Amfreville.

C'est dans une de ces vallées pittoresques qui sillonnent transversalement la Hague, et qui laissent apercevoir, entre les crêtes assez escarpées de deux collines, la belle nappe d'azur qui l'environne, que se trouve le château de Nacqueville, appartenant aujourd'hui à M. le comte de Tocqueville, du chef de Mule de Saint-Rémi, sa femme, héritière des Touffreville, anciens seigneurs de Nacqueville.

Quand, pour y arriver, on longe sur l'un de ses versants, cette vallée dont les points de vue varient presque à chaque pas, l'approche du château se manifeste d'abord par un vaste bois taillis qui forme au-dessus du chemin, en s'échelonnant sur la pente rapide de la montagne, un immense amphithéâtre de verdure, sur lequel l'œil s'arrête avec charme. Mais c'est à quelques pas plus loin qu'on jouit du coup-d'œil dans toute sa plénitude; au milieu des saules et des frênes qui ombragent un étang d'une certaine étendue, on aperçoit alors le vieux manoir de Nacqueville, précédé de sa poterne du moyen-âge, et entouré de tous les accessoires de ces forteresses baroniales du xvIe siècle, qui présentaient plutôt des Souvenirs romantiques qu'un véritable état de défense.

Sans doute, si l'on considère ce manoir sous le rapport de l'art, on n'y trouvera pas la symétrie des châteaux modernes, ni le pittoresque irrégulier des châteaux gothiques; mais, envisagé dans son ensemble, avec les bois qui le dominent et l'entourent, sa poterne si légère et si gracieuse, et les caractères d'antiquité qui subsistent encore dans quelquesunes de ses fenêtres garnies de croisillons, on éprouvera une sensation entièrement opposée à celle qu'on aurait ressentie en le considérant dans ses détails, tant il est vrai que la manière de juger les choses dépend souvent du point de vue sous lequel on les considère, et quelquefois même du jour où on les voit. Pour moi, je l'ai vu par tous les temps possibles, je l'ai jugé sous différents points de vue, et je ne sais si la gracieuse hospitalité de ses habitants a influé sur mon jugement, mais je l'ai toujours trouvé beau (1).

La poterne, qui en est la partie la plus curieuse, se compose d'un corps de bâtiment flanqué des deux côtés de jolies tours cylindriques, qui baignent leurs pieds dans les douves

(1) Depuis l'époque où a été écrit cet article, de grandes réparations et reconstructions ont en quelque sorte transformé le château de Nacqueville,

du château. Des toits en pointe, supportés par une corniche à encorbellements, des lucarnes surmontées de la coquille, type caractéristique du règne de Henri II, une fenêtre en croix, placée entre les rainures du pont-levis, et surmontant les armoiries des seigneurs de Nacqueville, tels sont les détails et les parties accessoires qui en font un des plus élégants monuments du pays.

Une poterne de la même époque et du même style se trouve au Château d'Amfreville, dans le canton de SainteMère-Eglise. Ce petit édifice, moins orné que le précédent, a aussi moins d'apparence, à raison de sa position dans un basfond. Le château d'Amfreville, autrefois fort considérable et d'une date assez ancienne, n'offre rien de remarquable sous le rapport de l'art; mais l'histoire de ses possesseurs se rattache honorablement à celle de la Normandie, et, dans ces derniers temps, elle a fourni plus d'une page à notre histoire de France.

D'après M. de Gerville, la seigneurie d'Amfreville appartenait en 1329 à Guillaume Avenel, sire des Biards; elle échut en 1503 à Jean de Tardes, baron de l'Angle-de-Néhou, par son mariage avec Françoise des Biards, descendue de Guyon, baron des Biards en 1454. Nicolas, baron de Mouy, épousa en 1533 Françoise de Tardes, dame d'Amfreville, de Néhou et des Biards. Il en eut un fils qui fut après lui seigneur d'Amfreville, ainsi que son petit-fils. La famille du Poërier, qui a fourni deux présidents au parlement de Normandie, posséda ensuite cette seigneurie, et les Davy, leurs successeurs, la firent ériger en marquisat.

C'est surtout à cette famille Davy que le nom d'Amfreville doit son plus brillant éclat.

Charles-François Davy, marquis d'Amfreville, lieutenantgénéral des armées navales, commandeur de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, né au château d'Amfreville en 1628, assista aux plus importantes batailles du XVIIe siècle. Au second bombardement d'Alger, en 1683, il commandait le vaisseau la Couronne, sous les ordres de Duquesne. Il assista au bombardement de Gênes en, 1684, et s'y distingua particulièrement il fut blessé grièvement à la cuisse, et ce ne fut qu'à grand'peine qu'il put être transporté à son bord. En 1690, il fut appelé à prendre le commandement d'une armée navale destinée à se rendre sur les côtes d'Irlande pour y porter des sécours au roi Jacques II. Au fameux combat de La Hougue (29 mai 1692), le marquis d'Amfreville commandait l'avantgarde de notre flotte et montait le Formidable, de 92 canons. Ce vaisseau fut un de ceux qui vinrent dégager l'amiral de Tourville, lorsqu'il était sur le point de succomber, enveloppé par une grande partie de l'armée anglaise. La brillante valeur que déploya le marquis d'Amfreville dans cette action, lui mé

rila l'honneur d'être cité dans le rapport de Tourville. Ayant reçu dans ce mémorable combat plusieurs blessures, dont quelques-unes étaient très-graves, il ne survécut pas longtemps à la gloire qu'il s'était acquise par son héroïque audace. Il mourut à Brest le 2 novembre 1692, âgé de 64 ans.

Deux autres d'Amfreville, frères du marquis, participèrent aussi au combat de La Hougue. L'un, d'après M. Verusmor, auquel nous devons une partie de ces renseignements, commandait le vaisseau le Gaillard, l'autre était sur le Vermandois, et tous deux firent des prodiges de yaleur. Cette illustre famille, qui a fourni en outre deux cardinaux à la cour de Rome et deux grands baillis au Cotentin, s'est éteinte, 1780, dans la personne du commandeur d'Amfreville.

en

Le domaine d'Amfreville passa par héritage dans la famille du Mesnildot, puis, par acquisition, dans celle de Sesmaisons qui le possède aujourd'hui. Mais l'ancien château a été abandonné pour une habitation moderne, d'assez peu d'apparence, bâtie tout auprès.-Outre sa poterne, le château d'Amfreville renferme une chapelle assez curieuse.

TH. du MONCEL.

LA COMMUNE DE FLAMANVILLE.

Ses falaises; le Trou-Baligan; ses antiquités.

Flamanville, dont la superficie territoriale est de 1,204 hectares et la population, d'après le dernier recensement officiel, de 1,687 habitants, est la commune la plus importante du canton des Pieux.

Cette paroisse, dit M. de Gerville, s'appelait originairement Saint-Germain-de-la-Mer, parce que son église, dédiée à Saint-Germain, fut d'abord bàtie sur le bord de la mer. Elle s'appela ensuite Saint-Germain-de-Direth, à cause du fief de Direth, sur lequel l'église était située. Enfin elle prit le nom de Flamanville, de celui du principal et plus ancien village de la paroisse.

L'église primitive de Flamanville était à Diélette; l'abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte en avait le patronage. Cette église tombait en ruines. Hervé de Bazan, marquis de Flaman

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