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des mailles subit un rétrécissement proportionné dans chaque division. L'hôtel des Ursins, fait en 1526, celui de Marisy, en 1531, ainsi que le prouvent l'inscription que nous venons de citer et la date inscrite dans l'un des chapiteaux, l'hôtel de Mauroy, à peu près de la même époque, offrent des caractères essentiellement différents et franchement originaux. L'hôtel de Vauluisant marque encore une différence plus profonde, et cependant à ces quatre variétés il faut en ajouter encore une cinquième, car l'hôtel de Chapelaines indique aussi un aspect particulier de l'art de bâtir.

Elevé sur un angle rentrant, rue de Croncels, cet hôtel suit le mouvement de la rue. Le rez-de-chaussée est percé d'une porte et de deux fenêtres en plates-bandes et à coussinets arrondis. Un bossage orne les jambages de la porte. Les fenêtres s'ouvrent entre des pilastres; il y en avait une troisième qui est aujourd'hui bouchée. L'intérêt est concentré, disonsle, dans les parties hautes de l'édifice. Cinq fenêtres très-rapprochées s'appuient sur des consoles à nervures qui règnent au-dessus d'un entablement. Des pilastres à piédestaux surhaussés reçoivent latéralement des grilles d'appui, et montent en encadrement principal autour de ces cinq baies moulurées. Des frontons semés de volutes faisant crochets le long des rampants, se raccordent avec un entablement couronné par une galerie à jour. Sur les piédestaux irrégulièrement distribués de la balustrade sont posés des vases fermés et à cannelures. Tout cela n'est pas d'une parfaite régularité ; la symétrie manque aux aplombs supérieurs, et pourtant l'élégance et la grâce s'en dégagent. A l'angle Sud-Ouest, il faut signaler une petite niche couronnée par un dais orné de superpositions habituelles à la renaissance.

Intérieurement, du côté de la cour, il n'y a de remarquable qu'une de ces fenêtres que nous avons plusieurs fois décrites. L'arc de la porte est accompagné de deux niches. Le solivage,

aujourd'hui dissimulé en grande partie, se compose de belles pièces profilées sur leurs arêtes. La partie décorative la plus précieuse de l'hôtel Chapelaines est aujourd'hui acquise au Musée de Troyes : nous voulons parler de la cheminée. Son ensemble se compose de jambages à pilastres en retraite, sur la face desquels s'applique une colonnette à fût conique. Le manteau est formé par un entablement dont la frise est divisée en trois panneaux à plates-bandes arrondies, séparées par des colonnettes. Les sujets, sculptés de ronde-bosse, reproduisent un épisode du Massacre des Innocents, l'Annonciation de la Vierge et La fuite en Egypte. Sous le larmier, des têtes d'anges ailés se dessinent à l'aplomb des petites colonnettes figurées sur la frise. Un soubassement séparé en trois portions par des piédestaux dans lesquels sont inscrits des médaillons et des écussons, se développe au-dessus de l'entablement. Trois scènes de la vie de Jésus-Christ y sont sculptées. Toujours à l'aplomb des pilastres de la frise inférieure, des niches à dais frontonnés séparent trois grands plein-cintres remplis au tympan par des coquilles. Les voussoirs, ornés en caissons, sont semés de légers fleurons crucifères, qui suivent en perspective la disposition biaise des tableaux. La Vierge au temple, l'Adoration des bergers et l'Adoration des mages, occupent les compartiments trinitaires de ce riche trumeau. La frise de l'entablement de couronnement répète trois divisions : dans la première, à gauche, Madeleine lavant les pieds de Jésus ; à droite, La résurrection annoncée aux saintes femmes; au centre, L'ascension. Toute cette page de sculpture, peinte et dorée, est d'un fini, d'un goût et d'une richesse exquis. C'est, sans contredit, parmi les décorations de ce genre, le plus charmant échantillon de la renaissance.

Avouons, en voyant ce qui reste de l'art civil au XVIe. siècle, que nos aïeux, frondeurs et caustiques quand ils faisaient de leurs façades, des musées de grotesques; croyants et

bien inspirés quand ils plaçaient au-dessus de leurs portes des symboles religieux, philosophes et judicieux en pratiquant l'allégorie sculptée; constructeurs adroits dans tout ce qu'ils ont élevé, ont laissé de bons modèles à suivre. Comparez donc ces merveilleuses cheminées à nos petits chambranles mesquins; nos charpentes honteuses à ces bois si fièrement agencés dans les maisons anciennes ; nos menuiseries de carton à ces boiseries habilement et solidement travaillées; notre système de façades sans relief, et sans conditions ni de durée ni de commodité, à ces façades du XVI. siècle, qui répondaient aux lois de la prévoyance la plus raffinée et comptaient avec l'avenir, et vous tirerez avec nous cette conséquence que le XIX. siècle, qui comprend déjà que les architectes du XIII". sont des maîtres à imiter, quand il s'agit d'édifices religieux, de vitraux, de carrelages, d'ornements, ne ferait pas mal de se mettre à l'école des constructeurs du XVI. siècle, quand il bâtit pour les habitants de toutes les conditions. C'est qu'en effet, l'art n'est pas comme la science, comme l'observation qui conduit à des découvertes scientifiques, qui donne au gaz l'aile de l'oiseau, à la vapeur les facultés centuplées de la bête de somme, à l'électricité des applications qui suppriment le temps et les distances. L'art ne change pas; il monte jusqu'à l'idéal de l'antique ou jusqu'aux splendeurs architectoniques de l'art chrétien, mais il ne va pas au-delà. Depuis des milliers d'années, c'est un mouvement qui s'arrête à un point déterminé quand il monte, mais qui, malheureusement, peut exagérer sans limites ses aberrations et ses décadences.

C'est que l'art vit par les inspirations du cœur ou de l'esprit, facultés éternelles et dont le procédé n'est jamais que l'instrument, quand il n'est pas son ennemi. Soyons, s'il se peut, un peu moins mécaniciens, mais plus artistes. Ayons dans le cerveau quelques chiffres de moins et quelques idées de plus, c'est tout ce que nous demandons. De grâce, Messieurs de

la dynamique, de l'hydrostatique, de la chimie et de la physique, laissez un peu de place à l'imagination et au sentiment. Vous faites, sans aucun doute, des merveilles; chaque jour la renommée varie ses fanfares en votre honneur, permettez donc à ce pauvre art architectonique, à la sculpture, à la peinture de vivre, ou plutôt de revivre. Il n'y a pas que du blé et du bois dans les champs, Dieu y répand aussi les oiseaux et les fleurs.

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SUR

LE CHANT GRÉGORIEN,

Par M. BONNEMAIN,

Membre de la Société française.

L'Église catholique, appelée par son divin fondateur à réunir tous les peuples sous ses lois, dut se préoccuper dès les premiers instants de son existence, de rechercher les moyens d'agir avec une douceur énergique sur les âmes qu'elle devait attirer à elle. Elle dut chercher un moyen extérieur de réveiller dans l'homme des sentiments d'adoration et de reconnaissance envers le Créateur, pour le faire naître à la vie spirituelle; elle dut s'efforcer de porter notre esprit et notre cœur à la dévotion, de remuer profondément le sentiment religieux, afin que le Seigneur fût adoré en esprit et en vérité. Pour arriver à ce but sublime, l'Église eut recours au chant sacré. Le chant sacré eut dès lors une mission à remplir sur la terre, et il dut la remplir d'après un mode bien déterminé. Dieu, comme le disent les théologiens, s'est proposé dans l'œuvre de la Rédemption, d'abord la manifestation de sa propre gloire, et, en second lieu, le rétablissement de l'ordre, de la vertu, de la piété et de la sainteté

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