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Conclusion.

Telle est, en résumé, la triste histoire de Sion. Elle fut infidèle, et Dieu l'a punie sévèrement. Sans doute, ceux qui ont conçu l'idée de cette merveilleuse peinture, cherchèrent à frapper l'imagination par un drame historique du plus séduisant intérêt, peut-être aussi à fournir au peintre quelques scènes tragiques propres à enflammer son génie, mais derrière ces motifs ordinaires s'en cachait un autre plus haut et plus digne de leur foi, ils voulaient avant ́tout parler à l'âme chrétienne et l'édifier. En effet, quoique le symbolisme de cette funeste chute se fasse assez pressentir de lui-même, nos pères ont voulu le rendre encore plus sensible, et nous le faire, pour ainsi dire, toucher des yeux. Aussi bien, Messieurs, n'y aurait-il pas une sainte et touchante pensée dans ce rapprochement de la verrière avec le baptistère, qu'elle éclaire de ses mystérieuses couleurs! C'est ici que chaque fils d'Adam, à sa naissance, vient se faire naturaliser citoyen de Jérusalem, et recevoir le noble titre d'enfant de Dieu. Il y a là pour l'intelligence et le cœur une source bien féconde de douces et salutaires émotions.

C'est qu'en réalité cette Jérusalem terrestre n'était que la figure de l'âme chrétienne, cette autre cité sainte, plus auguste et plus belle, où Dieu fait ses délices d'habiter avec ses anges; et c'est au jour mémorable du baptême qu'il daigne la choisir pour son séjour de prédilection. Prenons-y garde, nous qui avons été régénérés dans les eaux de ce nouveau Jourdain, si comme Jérusalem, qui tuait ses prophètes et lapidait ses saints, nous venions à étouffer les grâces et les inspirations de Dieu, l'ennemi viendrait sur nous de toute part, il ne resterait bientôt plus pierre sur pierre dans le temple de notre âme, nos anges gardiens l'abandonneraient, comme un jour ils délaissèrent Jérusalem, en se voilant la face de honte et de douleur. Dieu lui-même se retirerait de nous, et l'heure de la vengeance venant à sonner, nous

irions nous consumer de désespoir dans cet exil éternel où les joies de la patrie sont perdues sans retour.

J'ai fini, Messieurs, les quelques descriptions que je vous annonçais. Ai-je trop abusé de votre bienveillante indulgence, pardonnez-le moi, je vous entretenais de l'église de mon village, et l'on parle toujours longuement de ce que l'on aime; c'est bien naturel!

Que de choses pourtant n'y reste-t-il pas à vous dépeindre, mais vous avez vu par vous-mêmes, Messieurs, et vous avez honoré l'église St.-Martin d'une visite particulière qu'elle méritait à de bien justes titres. Au nom de mon pays, Messieurs, recevez-en mes remercîments. Ce noble pélerinage sera, je l'espère, un encouragement utile aux études iconographiques, jusqu'ici peut-être trop négligées parmi nous; chacun voudra connaître le prix de nos innombrables verrières, non-sculement sous le rapport de l'art, mais aussi quant à leur valeur morale; car elles ne sont pas seulement une « simple décoration propre à imprimer au temple une « physionomie mystérieuse, elles sont encore un tableau « ouvert à tous les yeux pour instruire l'esprit et former « le cœur (1) une prédication permanente à la gloire de Dieu et des saints dont elles nous retracent les actes et la ré

compense.

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Nous n'avons pas perdu de vue ce but dans l'essai iconographique que nous avons entrepris, et dont nous ne pouvons vous soumettre qu'une faible partie. Sans doute on nous reprochera des explications trop longues, un récit trop développé, mais nous voulions avant tout (nous désapprouverezvous, Messieurs?) venir à l'aide de ceux qui, peu habitués au langage de l'art, peu versés dans la connaissance des faits bibliques, historiques ou légendaires, n'auraient pu, sans

(4) M. l'abbé Tridon.

ce léger fil conducteur, saisir parfaitement la suite et l'enchaînement des tableaux.

Intéresser ceux que touchent encore les chefs-d'œuvre de l'art religieux, payer un tribut de reconnaissance et d'affection à nos bons aïeux, en portant notre grain de sable à leur majestueux édifice, telle fut la double pensée qui a présidé à notre travail, et le but unique que nous nous sommes proposé. Si nous n'avons pas le mérite d'une œuvre vraiment artistique, nous aurons eu, du moins, le plaisir d'avoir essayé une œuvre utile; en tout cas, d'avoir fait une œuvre louable....

Et pius est patriæ facta referre labor (Ovide).

Nota. Nous formons le vœu pour que ce grossier rétable qui se trouve à la chapelle terminale de l'église disparaisse bientôt, et pour qu'on restitue à la fenêtre actuellement murée sa gracieuse verrière. C'était là qu'autrefois on plaçait l'autel de la Sainte Vierge. Or, dans le plan supérieur de la fenêtre septentrionale du transept, se trouve exilé un charmant petit sujet ayant trait à la Mère de Dieu. C'est, dans le bas, la Présentation et l'Annonciation, dans le haut, la mort et l'Assomption de Marie. Ne trouverait-il pas naturellement sa place dans la verrière que nous désirons.

Inutile de dire combien l'église y gagnerait sous le rapport de la régularité, de l'ornementation et du coup-d'œil.

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NOTICE

EN RÉPONSE A LA QUESTION DU PROGRAMME AINSI CONÇUE:

Quels étaient les monuments de la ville de Troyes existant avant 1789?

PAR M. HARMAND,

Bibliothécaire de la ville de Troyes.

MESSIEURS,

Je trouve que cette question impose à celui qui voudrait la traiter, la triste obligation d'ennuyer les oreilles condamnées à l'entendre. Que peut-on faire, en effet, dans un semblable sujet, sinon s'exhaler en regrets monotones! Et je ne sache pas qu'une plainte éternelle soit quelque chose de bien amusant. Si l'on trouve Jérémie sublime, n'est-ce pas peut-être un peu parce qu'il est court? Aussi je ne serai pas long, ce qui, rassurez-vous, Messieurs, ne veut pas dire le moins du monde que je serai sublime.

Si quelqu'un de nos pères revenait aujourd'hui, à l'aspect de ce Troyes tel que nous l'ont fait et 93 d'abord et les niveleurs et les badigeonneurs dont nous avons été gratifiés depuis, pourrait-il ne pas s'écrier avec le poète : Quantum mutatus ab illo! Ah! combien il est changé!... Ce n'est plus en

effet la ville d'autrefois, on n'y reconnaît plus le Troyes ancien. Où est aujourd'hui sa ceinture de murailles ? Où sont ses maisons aux poutres parlantes, aux pignons pointus et découpés en ogive, et ces premiers étages en encorbellement sur le rez-de-chaussée, soutenus par des figures de toutes sortes, sacrées ou profanes, sérieuses ou grotesques? Que sont devenus surtout tant de vieux, tant de beaux édifices?

Aujourd'hui, vous le voyez, Messieurs, chacun peut entrer dans Troyes sans obstacles, ainsi que les trente-deux vents de l'horizon. On y respire plus à l'aise, dit-on, et le conseil de salubrité applaudit. A la bonne heure! Mais que dira l'archéologie! A la place de ce rempart flanqué de plus de cinquante tours, sans compter les forts et les plates-formes, à la place de ce boulevard du haut duquel le promeneur, à l'ombre des grands arbres, embrassait d'un coup-d'œil la riche végétation d'alentour, à la place de ces fossés profonds, pittoresques, d'où s'élançaient dans les airs des arbres admirables, que voit-on maintenant ?.. Que trouve-t-on ?.. Une place, une simple place. Eh mon Dieu! une place! c'est une bonne chose sans doute, mais ce n'est pas chose rare. Partout où il n'y a rien, n'est-ce pas une place?

Soyons justes pourtant : sur quelques points ont succédé aux vieilles murailles des constructions intéressantes; ainsi sur l'emplacement même de l'ancien fort Chevreuse, M. Argence vient d'asseoir une maison pleine d'élégance et de bon goût, précédée d'un joli parterre où la rose et l'œillet s'épanouissent gracieusement à la place où a grondé le canon. Si le fort de Guise, si la tour Boileau ont disparu, je les vois remplacés par une caserne magnifique. Et si je regrette les restes du vieux château de nos comtes, et les débris de la grosse tour d'où relevaient autrefois plus de deux cents baronnies et où, dans les temps féodaux, les vassaux prêtaient foi et hommage, je n'en admire pas moins la maison carrée du docteur Hervey.

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