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qu'au premier architecte, mort peut-être, en avait succédé un autre, préoccupé d'autres pensées et doué d'une autre manière de faire.

Le portail principal de St.-Urbain n'est point ouvragé à l'intérieur comme celui de notre cathédrale, par exemple, mais au dehors il offre, dans des groupes charmants, une des plus belles pages de la sculpture chrétienne. La résurrection, le giron d'Abraham, Jésus-Christ jugeant les hommes; de chaque côté la Sainte Vierge et saint Jean dans l'attitude de la prière, les douze apôtres, tels sont les sujets de la partie supérieure ; dans la partie basse, les saints sont emportés au ciel par les anges, tandis que les damnés, parmi lesquels on remarque des rois, des évêques, des riches, sont entraînés dans les enfers.

Les différents piliers de ce portail sont garnis de figures allégoriques et de feuillages.

Malheureusement, ce délicieux portail est inachevé, comme la nef de l'église.

Les deux portes latérales présentent, au dehors de l'édifice, deux gracieux péristyles, ornés de voûtes et de colonnes d'une légèreté et d'une ornementation exquises.

En rentrant dans l'intérieur de l'édifice, dans la chapelle de droite, on remarque une cuve baptismale provenant de St.-Jacques-aux-Nonnains, et qui avait servi, pensa-t-on pendant long-temps, au baptême du pape Urbain. Mais il est facile de voir l'erreur, et le Congrès l'a reconnu par une pièce du XVe siècle.

L'église de St.-Urbain renferme, dans sa chapelle de la Vierge, où se trouve un rétable qui mérite à tous égards d'être supprimé, et dans celle de saint Joseph, où l'on eût mieux fait de rétablir la verrière ancienne, quel que soit le mérite d'une sculpture en bois de M. Valta, des pierres tombales magnifiques et curieuses par les découpures, les des

sins, les ornements, les costumes. M. de Mellet exprime le désir, si elles ne recouvrent pas la cendre de ceux qu'elles ont d'abord abrités, de les relever et de les fixer à la muraille pour les conserver.

Dans cette magnifique église, le Congrès a vu avec intérêt deux médaillons en cuivre, actuellement placés près du maître-autel, et quatre médaillons en albâtre qui ne sont point sans mérite. Un missel de 1562, avec vignettes, une quête en cuivre sculpté, ont été présentés au Congrès par M. le curé de St. -Urbain.

L'assemblée a ensuite quitté l'église, en passant par la sacristie, dont elle signalait la voûte avec un pendentif terminé par le couronnement de la Sainte Vierge, et elle est sortie pour admirer l'ensemble de l'édifice vu à l'extérieur, avant de se rendre à la séance publique dont l'heure est déjà arrivée.

Le Secrétaire,
L'abbé BONNEMAIN.

VISITE AUX ÉGLISES SAINT-RÉMY ET SAINT-NIZIER,

LE MARDI 14 JUIN, A 7 HEURES DU SOIR.

A 7 heures 1/2, la grosse cloche de St.-Rémy annonçait la visite du Congrès dans l'église consacrée sous le vocable de ce grand et illustre archevêque de Reims. M. l'abbé Gambey, chanoine honoraire, curé de céans, fait les honneurs.

Dans la crainte de quelques omissions à cet égard, je dois dire que le Congrès a reçu de MM. les curés l'accueil le plus parfait; que partout où cela a été possible, les cloches ont retenti à l'occasion de la visite, comme aux jours solennels.

Ces manifestations si sympathiques et les courses du Congrès dans les différents quartiers, pour visiter les églises, pour voir quelques hôtels particuliers, mettaient la ville en fête et en émoi.

Après avoir admiré le christ de Girardon et renouvelé le vœu de le voir replacé à l'entrée du chœur, sur la grille où Girardon lui-même l'avait posé, l'assemblée commence la visite du monument.

L'édifice, jusqu'au transept, appartient au XIV. siècle avancé, les chapiteaux sont conservés, les arcades à ogives commencent à admettre les contours prismatiques et à vive arête, le flamboyant paraît déjà aux fenêtres de la nef supérieure et à la rosace.

On admire dans les collatéraux les plus gracieuses fenêtres du monument; elles affectent la forme du trilobe à lancette.

Après avoir jeté un coup-d'œil sur les deux transepts, qui présentent des réparations disgracieuses, après avoir comparé l'architecture du sanctuaire, qui est du XVI. siècle, avec celle des nefs, qui appartient au XIV., et donné la préférence à cette dernière, les visiteurs se transportent à la chapelle St.-Frobert: on y voit un monument digne d'intérêt.

C'est un marbre blanc surmonté des symboles de la mort, sur lequel est gravé un extrait du testament de l'illustre sculpteur, donateur du christ et bienfaiteur de l'église, de notre Girardon, recteur de l'Académie royale de peinture et de sculpture.

On voit dans cette pièce remarquable : la foi du chrétien, la piété filiale, le souvenir des trépassés, l'espérance en une vie future, l'amour de la patrie, de ce pays natal que rien ne fait oublier à un noble cœur.

Il était plus de 8 heures, le jour commençait à manquer, on ne put voir les gracieuses peintures sur bois qui décorent la porte de la sacristie.

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On admira en sortant la porte principale dans l'intérieur du vestibule; elle est en accolade, encadrée dans deux pilastres surmontés de deux clochetons à crochets et adhérents à la muraille, accompagnée de deux niches qui s'harmonisent avec le reste.

M. de Caumont, qui n'avait pu assister au commencement de la visite, arrivait quand nous sortions; on se rencontra au pied de la tour. On trouva dans la tour quelques caractères du XIII. siècle; cependant elle appartient au XIV., si l'on en croit l'inscription suivante qui s'y rattache :

L'AN DE GRACE MILLE TROIS CENTS
QUATRE VINGT SIX, DE LÉAL CENS,
DIEX JOUR D'APRIL FUT COMMENCÉE
CETTE JOLIE TOUR CARRÉE

PAR LES MARQUILLIERS DE L'EGLISE

DIEU LEUR DOINT GRACE ET FRANCHISE.

La flèche qui la surmonte est (à part la tour St.-Pierre) le monument le plus élevé de la ville de Troyes.

De là, on monta au petit portail sud, jadis gracieux et orné d'élégantes colonnettes, aujourd'hui horriblement mutilé.

On maudit encore une fois les affreuses devantures qui cachent cette jolie porte, et on courut à St.-Nizier. C'était la seule église qui n'avait point été visitée par le Congrès, et on ne voulait pas que ce monument, intéressant à tant d'égards, parût oublié.

M. l'abbé Prévost, qui attendait la visite du Congrès à 7 heures 1/2, voyant l'heure avancée et désespérant de recevoir le Congrès, était absent par nécessité.

L'assemblée, grossie d'un grand nombre de curieux, avait à sa tête M. de Caumont.

On admira le petit portail nord, qui est pure renaissance. A la lueur du crépuscule qui donnait à l'édifice une phy

sionomie mystérieuse, on put encore voir la grandeur de ses proportions, sa vaste nef, son beau transept, et le chœur, ouvert par cinq arcades et décoré dans la partie supérieure de verrières à vives couleurs, lors presqu'éteintes à cause de la nuit qui était pleine dans cette partie du monument; on put encore remarquer les réseaux des nervures qui chargent et décorent les voûtes. Il n'y avait plus moyen de voir ni d'admirer: il fallut sortir. On sortait pour jeter un regard sur le portail sud (gothique fleuri) et sur le portail principal qui est grec renaissance, quand M. de Montalembert se présenta pour entrer à l'église. On se pressa sur ses pas; on put voir la piété du chrétien unie à la bonté d'un français de haut lieu et du vieux temps. On l'entendit, et Dieu sait avec quelle joie secrète, répéter à deux fois au moins: Il n'y a pas de ville en France de même ordre qui ait tant et d'aussi beaux monuments de l'art chrétien.

C'est ce témoignage flatteur d'un grand orateur, d'un chrétien sincère, d'un archéologue parfait, qui était le dernier mot des considérations du Congrès sur les huit églises de Troyes.

C'est ainsi que nous terminions nos visites des monuments, commencées hors la ville, à l'église St.-Martin-ès-Vignes, le jeudi 9 juin, et à la cathédrale le vendredi, deuxième jour de cette assemblée imposante dont le souvenir demeurera gravé dans nos cœurs.

Le Secrétaire,

L'abbé BONNEMAIN.

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