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dent Rouhier, un commentaire des psaumes, sur lequel on lit offert au tombeau de saint Oian (au pied du Jura), par Mannon, directeur des écoles palatines, qui mourut à 85 ans, dans ce couvent où il s'était retiré.

Sur un évangéliaire portant la date de 909, on voit trois des évangélistes: Joannes aquila, Marcus leo, Lucas vitulus. Du XI. siècle, vous avez vu un traité de saint Augustin, de civitate Dei, avec vignettes.

Un missel du commencement du XIIe. siècle renferme des pièces de chant notées en neumes.

Un manuscrit donné à l'abbaye de Clairvaux, en 1131, par Henry III, fils de Louis VI, qui s'était fait moine à cette abbaye et qui devint archevêque de Reims, contient une explication des psaumes avec triple glose; il est écrit sur vélin, ainsi qu'une explication des épîtres de saint Paul, avec triple glose également. Ces deux manuscrits, qui ont actuellement sept cent trente ans de date, sont d'une admirable conservation on les dirait faits d'hier.

Une bible du XII. siècle, écrite à Clairvaux, sur vélin, comprend six volumes in-folio.

Des petits bréviaires des XII. et XIII. siècles, ayant appartenu à des moines, sont d'une forme bizarre.

M. le Bibliothécaire a attiré ensuite votre attention sur une vie de saint Bernard et de saint Malachie (écriture du XIII. siècle), composée à Clairvaux peu d'années après la mort de saint Bernard; car on avait écrit d'abord : præfatis Bernardi, puis on ajouta beati

Au XII. siècle encore appartient le Decretum Gratiani (droit canon).

Les vignettes admirables qui décorent un manuscrit du XIII. siècle ont vivement excité votre intérêt.

Au XIV. siècle est attribué un Rotulus ayant pour sujet le martyre de saint Bénigne. La guerre des Carthaginois et

des Romains, par Tite-Live, a été écrite également au XIV. siècle.

L'évangéliaire de Notre-Dame-aux-Nonnains vous a paru digne d'être examiné avec sa couverture en relief et ses vignettes.

Mais le plus précieux de tous ces monuments, c'est la Bible dite de saint Bernard, mentionnée comme telle dans les inventaires de Clairvaux et encore dans le dernier, fait en 1472 par Pierre de Virey. La légitimité de cette prétention peut être démontrée, a dit M. Harmand, par ce fait que le manuscrit porte des traces évidentes d'un long usage à l'endroit du Cantique des Cantiques, et on sait que saint Bernard a composé quatre-vingt-six sermons sur des sujets tirés de ce livre. De plus, à cet endroit même, M. Harmand a remarqué et constate plusieurs corrections qu'il pense pouvoir attribuer à saint Bernard lui-même. Vous avez témoigné, Messieurs, toute votre joie d'avoir pu examiner ainsi des œuvres aussi remarquables par leur rareté que par la beauté et le fini du travail, et vous garderez certainement un long et pieux souvenir de votre pélerinage à la bibliothèque de Troyes.

En revenant au lieu de vos séances, vous avez été invités par MM. les Administrateurs des hospices à entrer dans la chapelle de l'Hôtel-Dieu. Vous y avez examiné une croix processionnelle portant à la hampe la date de 1697, plusieurs parties de cette croix vous ont semblé ajoutées depuis. Vous avez pu aussi juger du talent de frère Pierre Frobert, magister Domus Dei, en voyant la croix du XIIIe siècle qui porte sa signature. Vous avez vu aussi le reliquaire béni en 1520 par Prunel, abbé de St.-Loup, renfermant les reliques des saints Côme et Damien et de plusieurs autres saints. Ce reliquaire est orné des armes de Champagne et des armes des

donateurs. Vous avez pu, dans cette modeste enceinte, en voyant ces croix et ces reliquaires si bien travaillés, juger encore une fois combien grands peuvent être les résultats des convictions chrétiennes qui ont produit ces merveilles artistiques que la foi et la piété de nos ancêtres ont semées à profusion dans toutes nos églises et jusque dans les plus petites chapelles. Le Secrétaire,

L'abbé BONNEMAIN.

VISITE A L'ÉGLISE SAINT-URBAIN DE TROYES,

LE MARDI 14 JUIN 1853, a midi.

MESSIEURS,

Lorsque le Congrès archéologique arrivait à l'heure indiquée sous les voûtes de la pontificale chapelle, un saisissement involontaire s'empara de chacun de ses membres. On leur avait dit beaucoup, ils ne s'attendaient point à ce qu'ils rencontraient.

La première pensée de chacun fut de s'incliner respectueusement et de rendre un solennel hommage à la mémoire du pontife de glorieuse mémoire, l'auteur de ce remarquable édifice, bâti par lui sur l'emplacement même de la demeure de ses pauvres parents.

Le sanctuaire, élevé sur l'échoppe du cordonnier en vieux, du père de Jacques-Pantaleon de Court-Palais, devenu pape sous le nom d'Urbain IV, forme la partie la plus ancienne du monument. Elle date du XIII. siècle et forme une lanterne magnifique, garnie de nombre de vitraux immenses par lesquels s'échappent des torrents de lumières qui inondent

le sanctuaire et le choeur. Ces vitraux ne renferment point un grand nombre de personnages ou de sujets; un dessin d'un gracieux et léger modèle remplit toute la partie que n'occupent point les images, en grande dimension et contemporains de l'édifice, de quelques patriarches et de plusieurs prophètes. Dans le chœur, à gauche, une arcade semble faire disparate; elle a été tronquée par l'application d'une tourelle conduisant aux combles et à une élégante galerie, moins gracieuse pourtant que celle de la cathédrale, comme le fait observer M. l'abbé Tridon, et laissant libre la circulation autour du sanctuaire. Dans l'intérieur de cette galerie, de petits médaillons de verrières redisent les scènes de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur.

De là, en passant à l'examen du transept, on le trouve également beau, également hardi. Les croisées, en offrant, avec le trèfle, un fronton pyramidal, sont, comme le sanctuaire, garnies de verrières du plus grand mérite, dont quelques-unes, celles du transept nord, sont consacrées à des scènes de la vie de saint Martin de Tours.

Toute la partie achevée de St.-Urbain offre à la vue de gigantesques colonnettes, coulées comme dans un moule, et surmontées à peine de chapiteaux, qui semblent tendre à s'effacer. Tout y est d'une incroyable légèreté, et fait pour l'imagination bien plus que pour la raison. Girardon disait, et nous pouvons répéter avec lui, que cette église est bâtie et soutenue sur des chenevottes; oui, mais, selon la pensée de M. l'abbé Tridon par des chenevottes fortes et délicates, qui, élancées en colonnettes, tournées en meneaux élégants, formées en trèfles, en quatre-feuilles, en ogive, soutiennent comme un soleil la lanterne au milieu des airs; et le digne collègue de Martin, Arthur Cahier, passant à Troyes, ne craignait pas de dire, en visitant la chapelle d'Urbain IV, qu'il la préférait à la Sainte-Chapelle de Paris.

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Malheureusement, le Congrès dut signaler un événement regrettable. Au moment où l'on parlait encore peu de science archéologique, on eut l'idée de poser à l'abside un maîtreautel. Le dessin était joli, bien dans le style de l'église, on crut avoir trouvé merveille, on le posa.

Aujourd'hui on regrette cette œuvre, qui masque dans sa hauteur une des plus belles parties de l'édifice; on comprend la faute faite il y a déjà quelques années; on voudrait la voir disparaître, et le Congrès en a exprimé le désir, tout en tenant compte des louables intentions qui l'ont élevé comme des dépenses que cela pourrait nécessiter encore.

Près de cet autel de nouvelle et malheureuse origine, l'assemblée a remarqué et considéré avec intérêt une piscine sculptée et sur laquelle restent encore de nombreux vestiges de dorures et de couleurs. La partie supérieure offre, dans ses sculptures, le couronnement de la Sainte Vierge, et, de chaque côté, deux personnages supportant l'un et l'autre un petit édifice. On a cru reconnaître en eux le pape Urbain IV lui-même et son neveu Ancher, continuateur de son œuvre, présentant au Père Eternel l'église qu'ils venaient d'élever. Cette piscine se termine en tourelles sculptées, du haut desquelles semblent combattre de nombreux défenseurs de la place. Cette conception renferme assurément un gracieux symbolisme, celui, peut-être, des vertus qui refusent aux vices l'entrée du cœur de l'homme, celui encore du cœur résistant aux tentations réitérées de l'ange des ténèbres.

En parcourant St.-Urbain et en se dirigeant vers la nef, quand les yeux se portent vers le chevet et les transepts, ils se reposent sur un ensemble magnifique, d'un admirable effet.

Dans la nef, à peu de distance de la porte principale, on trouve des choses qui ne sont point travaillées aussi complètement, parce que, sans doute, elles sont inachevées, ou

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