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UNE

NOUVELLE INDUSTRIE LITHIQUE

LE «SÉBILIEN"

PAR

M. EDMOND VIGNARD.

INTRODUCTION.

La plaine de Kom Ombo (1) est située dans la cuvette d'un vaste lac qui au début du quaternaire recevait du sud les eaux du Nil, 20 kilomètres environ en aval des cataractes d'Assouan; de l'est, deux affluents, le Wadi Shaït et le Wadi Kharit, descendant des montagnes qui bordent la mer Rouge, alimentaient aussi ce lac; au nord, le Guébel Silsilé en formait le seuil.

Les galets et cailloutis arrachés aux montagnes d'Assouan et à celles du désert Arabique amorcèrent le comblement de la cuvette; les sables, puis les limons se déposèrent en couches plus ou moins horizontales et formèrent au niveau de Kom Ombo un dépôt d'alluvions de plus de 20 mètres d'épaisseur.

Ce sont ces alluvions qu'après des milliers d'années d'aridité la Société de Wadi Kom Ombo a remises en culture. En même temps que les cailloutis et limons emplissaient le fond du lac, les eaux s'écoulaient par trop-plein des parties les moins élevées du Guébel Silsilé.

Peu à peu l'eau se traça un chemin, usant les roches, rongeant les couches de la montagne, limant lentement le seuil qui retenait son élan, jusqu'au jour où un point céda permettant le passage d'une masse d'eau formidable qui, renversant tout sur son chemin, bouleversa la région inférieure. On voit

(1) Kom Ombo, province d'Assouan, à 840 kilomètres au sud du Caire, ancien chef-lieu de l'Ombites sous les Ptolémées; temple célèbre dédié à Sobek et Haroëris. Sucrerie; domaine

Bulletin, t. XXII.

de la Société de Wadi Kom Ombo, dont les pompes, en élevant l'eau du Nil à 25 mètres de hauteur, permettent d'arroser 15.000 hectares en plein désert.

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encore les traces de ce cataclysme dans le chaos de roches et de blocs épars qui longent la ligne de chemin de fer depuis Kagoug jusqu'à Edfou.

Les deux affluents, dont nous avons relevé les confluents anciens dans la région de l'Est, drainaient les eaux d'une région de plus de 20.000 kilomètres carrés. Les dépôts qu'elles ont laissés au Burg el-Makkasin (carte no 1) nous font penser que l'enlèvement du barrage formé par le Guébel Silsilé dut se produire à deux époques différentes:

1o Pendant la période ancienne, le lac, empli jusqu'au niveau du col le plus bas du seuil, devait recevoir un volume d'eau énorme; les amas de galets roulés qui recouvrent le Burg el-Makkasin » à quelques kilomètres à l'est des cultures (carte no 1) ont, en effet, été enlevés aux montagnes du désert Arabique et entraînés jusque là par les courants des Wadis Shaït et Kharit (").

2° Par suite d'une première rupture de la barrière probablement à l'endroit où passe actuellement la ligne de chemin de fer (carte no 1) — il y eut une deuxième période d'eaux plus basses pendant laquelle la plaine de Kom Ombo devait être encore presque totalement submergée. Nous trouvons la preuve de ce premier abaissement de niveau dans la présence, au pied des monticules du Burg el-Makkasin et des collines tertiaires à grès nubien du Sud-Est, d'un immense dépôt de tourbe exploité actuellement comme engrais (sabàkh). La région recouverte par ce sabakh fut une vaste tourbière qui devait occuper jadis les bords marécageux du lac, dont le niveau pouvait dépasser de fort peu la plaine actuelle.

Une fois la dernière barrière du Silsilé enlevée (2), · dans la percée où coule le Nil actuel, le fleuve commença à se creuser un lit dans les limons de la cuvette. Il descendit à certains endroits jusqu'au cailloutis inférieur dont nous avons retrouvé les traces à certains points. C'est seulement à cette époque que le Nil tailla les hautes rives si nettes de Bayarah à Méniha que nous avons assimilées aux rives aurignaciennes du Champ de bagasse de Nag-Hamadi (3). Le

(1) Les collines cénomaniennes au nord d'Aqlit (carte no 2) étaient alors également recouvertes par les eaux.

(2) Il est possible qu'un tremblement de terre ait contribué à la rupture de cette deuxième

barrière.

(3) Voir Une station aurignacienne à Nag-Hamadi, station du Champ de bagasse, publiée dans le Bulletin de l'Institut français d'Archéologie orientale du Caire, t. XVIII, 1920, p. 1-20.

fleuve s'étendait encore sur plusieurs kilomètres de large et recouvrait totalement l'emplacement de l'île actuelle de Mansourieh (carte no 1).

Ce n'est également qu'après l'effondrement définitif du seuil du Silsilé que les affluents de l'est tracèrent, à leur tour, leur lit dans la terrasse aurignacienne mise à découvert.

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De cette époque date probablement la séparation définitive par le Burg el-Makkasin " des lits du Wadi Shaït et du Wadi Kharit, qui jusqu'alors devaient mélanger leurs eaux. Le Wadi Shaït au nord suivit les premiers contreforts sud du Silsilé, le Wadi Kharit au sud traversa obliquement la région du domaine de Kom Ombo, qu'il sépara en deux tronçons (cartes no 1 et 2). Le lit de cet affluent n'est plus maintenant qu'une zone aride, basse et salée (1), où se rassemblent les eaux d'infiltration des irrigations modernes.

C'est dans le delta marécageux qui s'amorçait au niveau du village de Sébil que sont venues s'installer les premières familles de la race dont nous allons étudier l'industrie.

Toutefois, avant d'entrer dans cette description, nous désirons donner un rapide aperçu des différentes races humaines qui passèrent ou séjournèrent dans notre région avant l'établissement des « Sébiliens».

1° Nous avons recueilli en septembre 1920, sur les premiers contreforts sud du Silsilé, quelques outils chelléens; nous y avons trouvé aussi quelques pièces et nucléï moustériens de même facture que ceux décrits dans notre étude des Stations paléolithiques de la carrière d'Abou el-Nour près de NagHamadi (2).

Notre excursion y fut de très courte durée, mais il est certain que des recherches plus longues y amèneraient la découverte de stations importantes appartenant à ces industries.

2o Un peu en aval des irrigations de Bayarah (carte no 2), à environ 13 mètres de profondeur, nous avons trouvé en couche dans la rive aurignacienne (en mai 1920) quelques nucléï et outils en quartz et roches dures appartenant

au moustérien.

Les eaux de drainage lessivent peu à peu le sous-sol et, par suite de l'évaporation intense (42 à 50° à l'ombre), laissent déposer rapide

ment les sels qu'elles contiennent.

(2) Bulletin de l'Institut français d'Archéologie orientale du Caire, t. XX, août 1921, p. 89-109.

3o Nous avons recueilli en juin 1920 une superbe limande acheuléenne dans les immenses cailloutis en amont de Méniha.

Nous pouvons donc conclure à la présence dans nos contrées des Chelléens, Acheuléens et Moustériens pendant la période d'emplissage du lac.

SOL ET STRATIGRAPHIE.

La carte no 1 représente la région de Kom Ombo sur la rive droite du Nil; on y remarque au nord le lit du Wadi Shaït et plus au sud celui du

Wadi Kharit.

n'a

La partie actuellement cultivée est bordée de gris, tout le reste est désert et être mis en culture par suite des difficultés de nivellement.

pu

La contrée désertique à l'ouest de Sébil est sillonnée par les bras desséchés du Kharit qui la parcouraient jadis; leurs anciennes rives forment des languettes de terre ou de petites plates-formes qui furent occupées au fur et à mesure du retrait des eaux. Sébil, où s'installèrent les premiers habitants, était le centre du delta dont les branches rayonnaient vers Bayarah, Méniha, El-Edwah, Aqlit et Fétira (cartes nos 1 et 2).

Les points les plus élevés et, par conséquent, les plus exposés aux vents montrent par endroits leur limon à nu; les parties les plus basses sont recouvertes d'une couche de sable plus ou moins épaisse. Près de certaines cuvettes nous avons trouvé des traces de tourbe formée par les plantes aquatiques du marécage : ce sont des taches de terreau noirâtre, que les indigènes ont exploité comme engrais.

De petits monticules de limons, que les vents et les eaux n'ont pu désagréger entièrement, émergent par endroits; rongés de tous côtés, ils montrent le travail des actions fluviatiles et éoliennes indiquant approximativement le niveau primitif de la terrasse après le dernier retrait des eaux du lac.

Quant au sable qui recouvre la majeure partie de cette zone, nous pensons qu'il provient surtout du travail des vents qui ont emporté l'humus, le limon, et laissé les éléments les plus lourds : graviers, silex et ossements silicifiés.

Indiquées en pointillé sur la carte no 2.

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