Page images
PDF
EPUB

RAPPORT

DU SECRÉTAIRE-PERPÉTUEL, M. J. GARNIER, SUR LES TRAVAUX DE L'ANNÉE 1842-1843.

Séance publique du 2 juillet 1843.

MESSIEURS,

Ce fut une idée heureuse, une pensée féconde, que celle de créer, sur un sol aussi riche en souvenirs et où, sur tant de points, les merveilles de l'architecture frappent incessamment les regards, une association permanente qui se vouât à l'étude de ces souvenirs et de ces monuments. Vous avez compris qu'à côté des besoins matériels des citoyens, à côté des intérêts agricoles si bien défendus, si bien étudiés, de l'in

dustrie si digne d'être encouragée, il était des besoins d'un autre ordre, des intérêts moraux dont il faut se préoccuper; que, suivant les paroles émanées de la sagesse divine, l'homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais aussi de sentiments généreux, et des grandes vérités qu'il demande à la religion, à l'art, à l'histoire. Cette pensée a justifié une entreprise qui n'était pas sans quelque témérité, vous ne l'avez point crue au-dessus de vos forces, et vous pouvez aujourd'hui vous applaudir du succès qui couronne votre pers évérance.

Vous avez marché d'un pas ferme vers un but fait pour exciter la sympathie et le zèle de toutes les âmes d'élite, et c'est là qu'il faut chercher la cause de cette protection constante que vous ont accordée et l'administration municipale et le conseil général du département; c'est là qu'il faut chercher la cause de cet empressement à enrichir vos collections, de la part de vos concitoyens qui se sont réunis aujourd'hui autour de vous dans cette enceinte.

Qu'il me soit permis de remercier cette assemblée de son généreux concours; cet accueil flatteur nous prouve que nous ne nous sommes point trompés en pensant que c'est s'honorer et bien mériter de son pays que d'en défendre les monuments et la gloire contre l'injure du temps et les préjugés de l'ignorance ; il nous récompense amplement de tous nos travaux et de tous nos efforts.

Chercherai-je, Messieurs, une autre preuve de l'appréciation qu'à faite de votre société l'administration municipale que dans l'allocation qu'elle vous a concontinuée depuis trois années? L'économie et la sagesse de ses dépenses ne suffit-elle point pour démontrer que

votre institution n'a point seulement pour objet d'occuper agréablement vos loisirs, mais que vous les avez dirigés vers un but d'utilité publique.

Le conseil général n'a plus seulement encouragé par la somme qu'il vous a votée, une publication qui vient d'être placée par ordre du Ministre de l'intérieur dans la bibliothèque administrative de son ministère. Mais considérant, ce sont les termes de sa délibération, que la Société des Antiquaires de Picardie se livre à des travaux d'utilité réelle, qu'elle rend de véritables services et en recherchant et en mettant en lumières tous les monuments de notre contrée, et qu'elle en surveille la conservation, il vous a accordé, sans spécialité d'emploi, une subvention de 500 fr.

Quelle plus grande marque de confiance que celle que vous a donnée M. le préfet du département, en vous consultant sur les peintures des bas-reliefs qui décorent le pourtour du chœur de notre cathédrale, et sur la restauration du portail de la Vierge-dorée.

L'administration supérieure n'a point été plus avare de ses encouragements que les années précédentes, et notre bibliothèque continue de s'enrichir des publications faites sous les ordres du Ministre de l'Instruction publique, et de celles du Comité des monuments.

Vos relations se sont agrandies; le Sénat Académique de Bonn à sollicité l'envoi des recueils de vos mémoires, et vous êtes fiers des félicitations de la savante et laborieuse université allemande. Vous avez aussi échangé vos mémoires avec ceux de la Société du Puy, de l'Académie d'Avranches, de la Société Archéologique de Touraine et de la Société Numismatique de Londres. Je dois dire que nous devons surtout ces dernières

relations, à la réputation si justement acquise d'un collègue dont la science égale la modestie, et que la société de Londres consultait naguères sur un point important de numismatique que son travail sur les monnaies des fous a contribué si puissamment à éclaircir.

Mais ces témoignages d'honorables sympathies ne doivent point nous faire oublier les pertes que nous avons éprouvées et je me hâte de remplir cette grave obligation que m'impose la confiance de la Société, d'offrir un dernier et solennel hommage à la mémoire des membres qui ont brillé dans son sein. M. Ledieu, M. Crapelet, M. de Vadancourt et M. l'abbé Dupont ont été depuis moins d'un an enlevés à la Société.

M. Ledieu, l'un de vos vice-présidents, s'était surtout occupé de la recherche des monuments de notre histoire locale, et de l'investigation de ses origines les plus reculées. C'était là son triomphe, sa félicité. Nos traditions picardes, Amiens, ses édifices, ses souvenirs, ses grands hommes étaient la préoccupation habituelle de son âme enthousiaste, aussi avait-il vu avec joie la fondation de votre Société, et contribué puissamment à la création de votre musée qui doit à sa générosité plusieurs des objets précieux qu'il renferme.

M. Crapelet, historien et littérateur aussi distingué que typographe célèbre, s'était généreusement uni à vos projets au début de votre association et les avait dignement encouragés.

M. de Vadancourt a emporté les regrets de ses collègues de l'Oise, et les quelques notices qu'il vous a laissées vous ont fait regretter qu'il n'ait pu accomplir les travaux qu'il avait promis.

M. l'abbé Dupont venait de vous être associé. Vous

aviez accueilli avec empressement la candidature du restaurateur de l'antique abbaye de St.-Médard, dont il préparait l'histoire, quand la mort est venue le frapper dans toute la force de l'âge. Le clergé perd en M. l'abbé Dupont un de ses membres les plus vertueux, et l'humanité, un de ses plus généreux défenseurs, dans le fondateur de l'Institut des sourds-muets de Soissons dont l'humble et modeste prêtre n'avait point craint d'entreprendre la création.

Honorons la mémoire des collègues qui nous manquent aujourd'hui. Mais qu'une pensée consolante nous ranime. Si quelques rameaux tombent sous le poids des ans, ou sont brisés par l'orage, le tronc demeure debout, plein de sève et de vie, uno avulso non deficit alter, et de nouveaux rejetons garantissent la durée et la fécondité de notre œuvre.

De nouveaux membres sont venus remplir les places laissées vacantes dans votre sein. Vous avez admis en qualité de titulaire résident, M. Woillez, dont vous avez couronné l'an dernier le savant mémoire sur l'histoire de l'architecture dans notre province; M. l'abbé Duval et M. l'abbé Jourdain, dont la présence au milieu de vous témoigne assez combien a été comprise la portée religieuse et morale de notre institution. C'est qu'en effet, dans notre patrie, l'histoire de la religion. se confond avec l'histoire nationale et que ses diverses époques ne sont que les phases de son magnifique développement.

A la liste de vos membres non résidants, vous avez ajouté ceux de M. l'abbé Thièble, de M. l'abbé Bourgeois ancien professeur d'archéologie au petit séminaire de Beauvais, et de MM. Legrand, Petit, Du Neuf Germain, Fossé

« PreviousContinue »