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cloche dans cette ville avant que Godefroi de Bouillon s'en fût rendu maître en 1099. Depuis la prise de Constantinople par Mahomet II, c'est-à-dire depuis l'an 1452, l'usage des cloches a été proscrit dans toute l'étendue de l'empire ottoman; c'est ce que nous apprennent J. Boëme (De onn. gent. mor., c. 11); Ange Rocca (Comm. de camp.); le P. Dandini, jésuite (Voyage du mont Liban, c. 7); Jérôme Magius (Lib. de tintinnab.). Ces auteurs remarquent que c'était un effet de la politique des Turcs d'avoir ôté les cloches aux chrétiens de leur obéissance, parce qu'elles offrent un moyen facile de rassembler les peuples pour les soulever. Mais, outre la raison de politique, les Turcs ont eu encore, d'après Allatius et le P. Goar, un autre motif de défendre les cloches: c'est qu'ils craignent que leur son n'épouvante et ne prive du repos dont elles jouissent les ames qui, suivant eux, sont errantes dans les airs. Pour ce motif, les Turcs eux-mêmes n'emploient pas de cloches pour marquer les heures elles sont indiquées par leurs prêtres qui crient cinq fois le jour du haut des mosquées. Cette défense faite aux Grecs, sous la domination ottomane, d'avoir des cloches dans leurs églises, n'était pas toutefois sans exception. Le P. Goar donne comme certain que les Turcs en souffraient dans les lieux qui sont éloignés de leurs demeures, et Allatius rapporte qu'il a souvent oui dire à Athanase, archevêque d'Imbros, son intime ami, qu'il y en avait plusieurs, et même de très-anciennes, ainsi que des horloges sonnantes, dans les églises du mont Athos. Quant aux Grecs soumis aux Persans, ils n'ont pas été comme les autres privés de la liberté de posséder des cloches; aussi y en a-t-il beaucoup dans les églises de ce royaume, ainsi que le remarquent les voyageurs. Nous ne sommes plus en Turquie, où l'on ne souffre pas de clocher aux chrétiens, dit Tavernier, dans son Voyage du Levant; le roi de Perse leur permet tout, et il y en a dans toutes les églises des Arméniens qui ont le moyen d'en faire venir de la chrétienté (tom. II, p. 412).

Dans les églises où les Orientaux n'ont pas de cloches, ils se servent maintenant encore assez communément, pour assembler les fidèles, d'un certain instrument de bois. D'après Allatius, cet instrument est de bois d'érable; son épaisseur est de deux doigts et sa largeur de quatre; il est bien uni avec le rabol et n'a pas de fissures. Un prêtre ou quelque autre ministre, le tenant de la main gauche par le milieu, le frappe de la droite avec un marteau du même bois, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, tantôt de près, tantôt de loin, et cela avec tant d'adresse et une si grande variété de coups, qu'il forme des accords qui plaisent beaucoup à l'oreille (Leo Allatius, Derecent. Græc. templis, p. 102, 103).

Le nom de cet instrument est anyavenpov, signal; on l'appelle plus proprement encore xeepsonμartos, signal de la main, pour le distinguer d'un autre instrument d'érable du même genre, mais beaucoup plus grand, que l'on

attache avec des chaînes de fer au haut des tours, et auquel on donne le nom de piya onpav-pov, grand signal (Leo Allat., De recent. Græc. templis, p. 102 et 103). Outre ces deux instruments, on se sert encore dans les églises d'Orient de certaines plaques de fer ou de cuivre, attachées aux arbres voisins des temples ou aux côtés de la porte du porche; on les frappe avec des marteaux de fer, qui sont suspendus tout auprès. Pierre Belon, Allatius, le P. Goar et Tournefort font mention de ces lames de métal. C'est ainsi qu'en parle en particulier Tournefort: Les Grees, dit-il, suspendent par des cordes à des branches d'arbres des lames de fer semblables à ces bandes dont les roues de charrettes sont revêtues, courbes, épaisses d'environ un demipouce sur trois ou quatre de largeur, percées de quelques trous dans leur longueur. On carillonne sur ces lames avec de petits marteaux de fer pour avertir de venir à l'église.

III.

Poids et dimensions des cloches. Le poids des cloches, dans les commencements, fut assez faible. Il s'accrut successivement dans la suite, jusque dans ces derniers siècles, où il devint souvent très-considérable. Si l'on suppose que du temps de Charlemagne l'étain entrait, comme à présent, pour à peu près un quart dans la composition du métal des cloches, et que l'on admette, d'un autre côté, que ce prince ait donné pour la fabrica iou de celle dont parle le moine de Saint-Gal, une quantité d'argent égale à la quantité d'étain que l'on aurait dû em, loyer, ce que sembleraient indiquer les paroles mêmes du chroniqueur, cette cloche n'aurait pas pesé plus de 400 livres. Helgade ou Helgande, moine de Fleury, dans la Vie du roi Robert, qu'il écrivit l'an 1050, rapporte que ce prince fit faire cinq cloches pour l'église de Saint-Agnan d'Orléans. Une de ces cloches que Helgande appelle assez admirable, satis mirabile, et qui était probablement la plus forte des cinq, ne pesait cependant que 2,600 livres. Radulphe, abbé de Saint-Tron, avait fait faire et refondre plusieurs cloches pendant son administration, et il indique lui-même dans la Chronique de sn monastère, qu'il écrivit au commencement du xir siècle, quel était le poids de chacune d'elles. La première pesait 400 livres et quelque chose; la seconde, qu'on appela Aurelia, pesait 2,100 livres; la troisième, nommée Filiola, et donnée à la paroisse de Sainte-Marie, 200 livres seulement; la quatrième, appelée Quintina, en l'honneur de saint Quentin, 3,300; la cinquième, appelée Remegia, en l'honneur de saint Remi, 700; la sixième, appelé Benedicta, en l'honneur de saint Benoit, 600; la septième, appelée Angustia, pour rappeler les désastres qu'éprouva à cette époque l'abbaye brûlée et dévastée par le duc de Louvain, 800; la huitième, appelée Truda, en l'honneur de saint Tron, 600; la neuvième, appelée Nicolaa, 2,000; la dixième, nommée Stephania, en l'honneur de saint Etienno,

400; la onzième, transportée à l'église de Saint-Gengulphe, 400.

Jean d'Hardivillers, abbé du monastère de Saint-Just-en-Chaussée, diocèse de Beauvais, fit fondre, conjointement avec les pairs de la commune, en 1250, une cloche qui pesait 4,000 livres. Elle devait servir pour les affaires de la commune, et être refaite à frais communs en cas de rupture. C'est à partir surtout du commencement du XVe siècle que l'on donna aux cloches des dimensions et un poids considérables.

Le bourdon de Paris, nommé Emmanuel, fut d'abord donné à l'église de Notre-Dame, en 1400, par Jean de Montaigu, frère de Gérard de Montaigu, 95 évêque de Paris; on le nomma Jacqueline, du nom de Jacqueline Lagrange, épouse de Jean. Il pesait 15,000; mais le chapitre le fit refondre et augmenter de poids en 1689. La fonte ayant été manquée, on le refondit en 1681. La cérémonie de sa bénédiction fut faite le 29 avril 1682, par François de Harlay, archevêque de Paris. Louis XIV et Marie-Thérèse d'Autriche, son épouse, d'après l'invitation du chapitre, imposa a la cloche le nom d'EmmanuelLouise-Thérèse. Cependant cette cloche ne se trouva pas d'accord avec les autres; elle fut encore refondue et augmentée en matière en 1685, de sorte qu'elle pèse près de 32,000 livres. Son diamètre est de 8 pieds, et son épaisseur au gros bord de 8 pouces; elle a un son mélodieux et imposant tout à la fois. L'habile fondeur qui l'a faite est parvenu, par la division exacte des diverses épaisseurs, à lui donner une résonnance qui répète l'accord parfait. On chercherait en vain une vibration aussi heureuse. En 1794, dans la crainte qu'on ne se servit de cette cloche pour souner l'alarme, on la démonta. Elle ne fut replacée qu'à l'occasion de la cérémonie du concordat, célébrée le jour de Pâques 1802. Le second bourdon de NotreDame de Paris avait eté fondu le 1er octobre 1472, et pesait 25,000 livres; en 1792, huit hommes furent employés pendant quarantedeux jours à la casser à l'aide d'une machine.

La fameuse cloche de Rouen, appelée Georges d'Amboise, du nom de son illustre donateur, le cardinal Georges d'Amboise, fut fondue le 2 août 1501, montée dans la tour le 9 octobre de la même année, et sonnée pour la première fois le 16 février 1502. Son diamètre, selon le P. Mersenne qui l'avait mesurée, état de 8 pieds 4 pouces, et son épaisseur de 8 pouces 6 lignes. Elle pesait 36,364 livres, d'après la pesée qui en a été faite à Romilly. L'abbé Pluche s'exprime ainsi sur ses proportions: « Et la raison et l'expérience ont appris aux anciens fondeurs que s'ils faisaient leurs cloches tout d'une venue, d'une largeur égale et d'une épaisseur égale, ils en tireraient à très-grands frais un son fort sourd; il ne suffit pas de dégrossir le baut du vase, il a fallu, en tâtonnant et à force d'épreuves, diminuer considérablement l'épaisseur. Quand on a voulu prodiguer la matière et outrer cette épaisseur, il n'en est

provenu qu'un bourdonnement comme celai de Georges d'Amboise, dans laquelle on a employé trente-trois milliers de métal pour foriner un son qu'on n'entendrait pas, si l'on ne vous avertissa t pas que la cloche sonne. »

Georges d'Amboise avait été fêlée le 28 juin 1786, à l'arrivée de Louis XVI à Rouen. Le chapitre de Rouen avait projeté de la faire refondre, et des dispositions étaient déjà prises lorsque la révolution de 1789 éclata. En 1793, elle fut mise en morceaux dans la charpente même, au moyen d'un bélier, et le métal transporté à la fonderie de Romilly, pour être employé à la fonte des canons.

La plus forte cloche que la cathédrale de Rouen ait conservée pèse 12,005. On l'appelle Quatr'une ou la Réunie, parce qu'elle fut faite de quatre autres cloches. Elle a 6 pieds 4 pouces 6 lignes de diamètre, 5 pieds ↳ pouces de hauteur et 5 pouces 10 ligues d'épaisseur; elle fut fondue en 1686.

Le bourdon de Reims, fait, en 1570, par Pierre Deschamps, et nommé Charlotte jar le cardinal Charles de Lorraine, archevêque de Reims, pèse 23,000 livres ; il était accompagué, avant 1792, d'un autre bourdon fait à la même époque, nommé Henriette, par Henri de Guise, et pesant 18,000 livres. Cette dernière cloche a été cassée par suite du décret de l'assemblée nationale qui supprimait les objets inutiles au culte. Le gros bourdon de la cathédrale d'Amiens, refondu dans la cour du palais épisco, al le 6 juin 1736, et nommé Marie, pèse environ 12,000 livres. Cette cloche a 5 pieds 11 pouces 7 lignes de diamètre. Quelque considérable que soit le poids de quelques-uns de nos bourdons des xv, xvi, xvII° et xvIII siècles, il ne peut être comparé à celui de certaines cloches de la Chine et de Russie.

Il est peu d'églises de Russie qui ne possèdent de très-belles cloches, et en grand nombre; elles sont placées ordinairement dans des clochers séparés des églises, et demeurent fixées à une pièce de bois sans pouvoir ê re mises en branle. A l'aide d'une corde, tirée de côté, on fait osciller le battant qui vient frapper la cloche immobile. Celle que l'on voit dans le clocher de Saint-Yvan, à Moscou, est une des plus fortes. Elle pèse 114,000 livres, et on ne la sonne que dans les grandes occasions. La même ville possède une cloche plus remarquable encore: c'est celle du Kremlin. Cette cloche fat coulée, en 1733, par le fondeur Michel Monterine; elle a 21 pieds de haut, 23 de diamètre, et pèse 12,000 pouds (492,200 livres. La beauté de ses formes et de ses bas-reliefs, la richesse du métal employé à sa fonte, qui se compose, dit-on, d'or, d'argent et de cuivre, en fait un monument important, non-seulement sous le rapport religieux, mais encore sous celui de l'art. Jusqu'en 1836 elle est restée dans la cavité profonde où elle a été fondue, au milieu du palais du Kremlin. Le 5 août de cette même année, elle fut soulevée en présence des autorités et d'une foule considérable de spectateurs, par les soins de M. de Monfer: and, si avan

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tageusement connu par les nombreux travaux qu'il a exécutés à Saint-Pétersbourg. Pour la retirer du trou où elle était enfouie, M. de Montferrand avait fait creuser la terre tout autour et construire des échafaudages de 48 pieds de haut. A cinq heures et demie du matin, après des prières pour l'heureuse issue de cette opération, 600 soldats, à un signal donné, mirent les cabestans en mouvement, et bientôt après on vit s'élever la cloche qui se trouva entièrement soulevée, dans l'espace de 42 minutes, sans le moindre accident. Les ouvriers commencèrent aussitôt à élever une plate-forme qui se trouva prête dans l'espace de huit heures, et sur la quelle la cloche fut descendue. Le lendemain elle fut placée sur des patins et ensuite amenée au moyen d'un plan incliné jusqu'au piédestal destiné à la recevoir, et sur lequel elle a été placée le 8 août.

Un incendie ayant éclaté dans le Kremlin, les flammes atteignirent le bâtiment qu'on avait élevé au-dessus de la cavité qui renfermait la cloche et le métal s'échauffa; l'eau que l'on projeta pour éteindre le feu tomba sur la cloche et y produisit une fracture à la base.

Nankin était autrefois célèbre par la grandeur de ses cloches, mais leur poids énorme ayant emporté le donjon où elles étaient suspendues, tout le bâtiment tomba en ruines et les cloches sont demeurées à terre. D'après le témoignage de plusieurs voyageurs, l'une d'elles a 11 pieds de hauteur; son diamètre pris dans la plus grande largeur en a 7, si l'on y comprend l'épaisseur des bords; la circonférence extérieure est de 22 pieds, et quoiqu'elle diminue en montant, ce n'est pourtant pas en même proportion que nos cloches d'Europe, car la figure est presque cylindrique. Le limbe inférieur a 6 pouces et demi d'épaisseur. En supposant que le pied cube de cuivre pèse 648, cette cloche pèserait environ 90,000, si la largeur et son épaisseur étaient partout égales. Il n'y a pas à la vérité une très-grande différence pour le diamètre, mais l'épaisseur diminue uniformément jusqu'à l'anse où elle a 2 pouces. Ainsi, prenant 4 pouces et un peu plus pour la moyenne, et supposant l'alliage un peu moins pesant que le cuivre, la cloche avec son anse pèsera environ 50,000. Les cloches de Nankin ont été fondues dans la première moitié du XIV siècle. La cloche qui sert à sonner les heures à Pékin a 12 pieds de diamètre à son ouverture, 40 de circonférence et 12 de hauteur, sans compter l'anse qui est pour le moins de 3 pieds. Son poids est de 120,000 livres. Elle a un son ou plutôt un rugissement si éclatant et si fort, qu'il se fait entendre de très-loin dans le pays. Elle fut élevée sur la tour par les jésuites avec des machines qui firent l'étonnement de la cour de Pékin. Avec cette cloche extraordinaire on en fit encore sept autres, dont cinq sont demeurées à terre et sans usage. On en distingue une qui est remarquable par les caractères chinois dont elle est presque entièrement couverte. Le

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P. Verbiest dans ses lettres, et le P. Couplet dans sa chronologie, rapportent l'origine de ces cloches à l'anné 1404. Elles furent fondues par l'ordre de l'empereur Ching-fou ou Yong-lo.

IV.

Inscriptions et ornements des cloches.

1. Inscriptions. L'usage de placer des inscriptions sur les cloches est fort ancien, puisque sur une clochette en bronze, qui fut trouvée, en 1548, dans les thermes de Dioclétien, et qui avait été incontestablement fabriquée à l'époque de la domination romaine, on lisait ces mots : FIRMI BALNEATORIS, ainsi que le rapporte Ursinus qui en était possesseur. Mais à quelle époque cet usage a-t-il été généralement adopté? C'est ce qu'il n'est pas facile de déterminer, parce qu'il reste peu de cloches antérieures au XIII° siècle. Il est rare que celles qui ont été fondues à cette époque et dans les siècles suivants soient entièrement dépourvues d'inscriptions.

1° Quelques-unes des légendes de nos cloches du moyen âge sont extrêmement simples et se bornent à indiquer le nom du donateur. Ainsi sur la cloche de 1349, qui se trouve dans le clocher de la cathédrale de Beauvais, on lit seulement :

L'AN MCCCXLIX, GUILLAUME BERTREM ÉVÊQUE DE

BEAUVAIS ME FIT FAIRE.

et sur celle de l'horloge à carillon de la même église :

STEPH. MUS. CAN. BELV. ME FECIT FIER.

Mais d'autres inscriptions couvrent presqu'entièrement la cloche et font connaître les parrains et les marraines ainsi que les principaux témoins de la bénédiction, avec l'énumération complète de leurs titres et qualités. L'inscription que présente celle de Notre-Dame du Til, près Beauvais, est de ce genre. Voici comme elle est conçue :

L'AN MIL VC QUATRE VINGT NOBLE HOME ADRIAN DE BOUFFLERS SR. DE CAIGNY, DAMP YVES CUYSINIER, PRIEUR DE ST LUCIAN, M GERMAIN CARRÉ, M LUC THYOT, M EUSTACE RENDU, MAISTRE NICOLE TRISTAN BAILLY DE ST LUCIAN, NICOLAS DE CREIL, AUGUSTIN DE CREIL, ROBERT TONNELIER, ANTHOINE CAPPELLE, NOEL DE HENRI, MARTIN SALMON, NICOLAS BÉRENGER. THOMAS DARGILLES, THIBAULT DE HÉNU, LUCAS LOUVET, PIERRE BÉSENGUY, JEHANNE CLÉMENT, BERTHELINNE ŞALMON, CLAUDINNE EVRARD, CLAUDINNE SALMON, JEHANNE LEFEBVRE, MARIE CANDELLE LE TONNELIER, DENISE DE LA FRAYE. ET SUIS NOMMÉE LUCIANNE. M NOEL DE LA FONTAINE, VICAIRE DE CÉANS, ANTHOINE GUAGNEREL, CLAUDE REGNIER BESENGUY, ANTHOINE SALMON MARGUILLIERS POUR LORS.

2° Il est rare que la date de la fonte ne fasse pas partie de l'inscription; elle est tantôt entièrement en chiffres, tantôt entièrement en lettres, tantôt moitié en chiffres et moitié en lettres.

3° L'inscription renferme aussi assez souvent le nom de la cloche, quelquefois même on y retrouve ceux qu'elle a successivement portés depuis l'époque où elle a été fondue

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pour la première fois. On lisait sur la grosse loche de la cathédrale de Beauvais, avant 1793, les vers suivants qui faisaient connaitre le nom qu'elle avait autrefois reçu et celui qui lui fut donné lorsqu'on la refondit en dernier lieu :

Quondam Guillelmus, Pacis sum dicta Maria,
Nam me construxit Guillelmus episcopus olim.
Casus fortuitus sonitu privavit amœno ;
Augetur nomen, pondus, cum corpore vires,
Rex Ludovicus erat, præsul Debarque Joannes.
Anno milleno centum quater octuageno.

Guillaume de Grez, qui donna cette cloche, vivait vers le milieu du x siècle; elle fut coulée de nouveau, ainsi que le porte la légende, sous le règne de Louis XI. Ce prince avait fondé, dans la cathédrale de Beauvais, une chapelle sous le titre de NotreDame de la Paix, et c'est pour cette raison qu'on substitua au nom de Guillaume, que la cloche avait eu précédemment, celui de Marie de la Paix.

L'inscription de l'Emmanuel de Paris est conçue en ces termes :

Quæ prius Jacquelina, Joannis comitis de Monte acuto donum, pondus XVM, nunc duplo aucta, Emmanuel Ludovica Theresia vocor a Ludovico Magno ac Maria Theresia ejus conjuge nominata, et a Francisco Harlay primo ex archiepiscopis Parisiensibus, duce ac pari Franciæ benedictà die XXIX Aprilis, MDCL XXXII.

4. On accompagnait quelquefois le nom du saint patron de quelque invocation qui lui était adressée. On peut citer pour exemple une cloche de la cathédrale de Noyon, nommée Marie d'Amboise, et sur laquelle on lit:

Rogemus ergo, populi, Dei Matrem et Virginem, ut ipsa nobis impetret pacem et indulgentiam.

Marie d'Amboise fut nommée et par tel nom fut baptisée l'an de grâce мcccc quatre vins et par bon

sens. >

Et la petite cloche de Grindelwald en Suisse, que couronne cette prière :

O sancta Peterella, ora pro nobis.

5° Les noms de Jésus et de Marie, écrits en toutes lettres, ou simplement représentés par des monogrammes, font partie de plusieurs légendes. On les trouve sur la cloche de l'ancien palais épiscopal de Beauvais, qui fut faite en 1506, par ordre de Louis de Villiers, sur celle de Tricmilly et sur celle de Saint-Quentin-des-Prés.

6 Certaines inscriptions indiquent l'usage de la cloche qui les porte; ainsi, sur les bords de celle du beffroi de Valenciennes, qui sonnait les heures, sont gravés ces vers:

Cheste noble cloque d'oneur
Fut faite l'an nostre Seigneur
XIII cens xx et VI.
Faire la fist Jehans Partis
Qui estais prosvos à ce temps
Avoceh ses douze pers sentans
Et se la fist maistre Robers
De Croisilles, pourquoi les vers
Disent que tape sans séjour
Ving quatre heures nuit et jour

Pour oïr la communauté

Que Diex ait en saveté.

Sur une autre cloche du même beffroi, laquelle date de 1533, on lit:

Anne suis de nom, sans discors

Réjouissant les cœurs par vrais accords. L'inscription du timbre de la grosse horloge de Poitiers contient ce qui suit:

Hanc campanam cum horologio ad notificandum horas diei et noctis fecit fieri inclitissimus princeps Johannes regis Francorum filius, etc.

Une cloche de la cathédrale de Metz, qui date de 1535, porte ces mots bien connus: Laudo Deum verum, plebem voco, congrego clerum, Defunctos ploro, pestem fugo, festa decoro.

La même légende existe sur une cloche d'une paroisse voisine de Met, portant la date de 1350; on l'a reproduite sur le mouton qui supporte le bourdon de la métropole de Paris.

La cloche des Biens, donnée à NotreDame de Chartres par Anne de Bretagne, portait une inscription à peu près semblable, mais qui rappelait en outre la construction du nouveau clocher où elle fut placée; la voici :

Anna, nova super arce, chori regina sonori
Vota traho, nubes arceo, solvo gelu.

7° D'autres inscriptions renferment des maximes ou des instructions tirées, le plus souvent, de la sainte Ecriture, telle que la suivante, qui se lit sur la Quatr'une de la

cathédrale de Rouen :

Audite, populi, et attendite longe.

Et cette autre gravée sur une des cloches de Bethancourt (Oise), de 1617:

Speravi in Dom. et non confundar.

8° Des passages de l'Ecriture sainte ont été employés pour célébrer la bienfaisance et les autres bonnes qualités des donateurs, comme celui-ci, tracé sur une des cloches de Morienval (Oise), laquelle date de 1787 :

Benignitas et humanitas apparuit.

9° L'église pour laquelle la cloche a été faite est désignée dans plusieurs inscriptions. On lit sur celle de 1421, qui se trouve dans l'église de Saint-Juste-en-Chaussée :

Perenelle suis nommée par Pierre Leclert, écuyer,

qui, à Notre-Dame de Grace m'a donnée et fus faite

de Macmot le Merchier l'an MCCCCXXI.

Sur celle de Trumilly (Oise) :

Anne suis nomée en l'an mil ve XLI pour l'églize Notre-Dame de Trumilly JHS Maria.

Sur celle de Pierrefonds (Oise):

Marie suis nomée en l'an mil ve LXXIII pour l'églize Saint-Sulpice de Pierrefons.

Et sur celle de Tartigny (Oise), de 1621: J'appartiens à l'églize de Tartigny.

10° L'ecclésiastique chargé des cérémonies

de la bénédiction a été aussi parfois désigné sur la cloche; c'est ce que l'on a fait sur l'Emmanuel de Paris, bénite par l'archevêque François de Harlay; sur une cloche de Briot (Oise), bénite par Claude de Cressent, docteur en théologie, vicaire de l'ordre de Citeaux et prieur de Beaupré.

11' Sur quelques cloches on a rappelé des souvenirs historiques d'une certaine importance. Celle de Dourdan (Seine-et-Oise), est de ce nombre ; telle est l'inscription qui y est gravée :

Au venir des Bourbons, au finir des Valois
Grande combustion enflamma les François,
Tant

Je vous sonnay lors de malheureuses heures
La ville mise à sac, le feu en ce saint lieu
Maint bourgeois rançonné. O Dourdan, priez Dieu
Qu'à vous à tout jamais je les sonne meilleures.

Sur le timbre placé dans la lanterne du clocher neuf de Notre-Dame de Chartres, et qui fut fondu en 1520, on lit les vers suivants écrits en vers gothiques:

Facta ad signandos solis lunæque labores

Evehor ad tantæ culmina celsa domus Annus erat Christi millenus, adde priori

Quingentos numero, bis quoque junge decem. Illo quippe anno quo Francus convenit Anglum, Perpetuaque simul discubuere fide.

On a encore, mais assez rarement, indiqué dans les incriptions le poids des cloches. Tout le monde connaît ces vers inscrits sur la Georges d'Amboise de Rouen:

Je suis nommée Georges d'Amboise
Qui bien trente-six mille poise;
Et cil qui bien me poisera
Quarante mille y trouvera.

Le bourdon de Reims, trois cloches de Notre-Dame de Paris, fondues en 1766, et une des cloches de Marest (Oise), qui date de 1784, présentent également des légendes qui indiquent quel est leur poids.

12° Lorsque le nom du fondeur se trouve sur la cloche, il fait tantôt partie de l'inscription principale, comme sur les cloches déjà citées de Valenciennes, de Saint-Just-enChaussée, de Reims ;..... tantôt il est séparé, et dans ce dernier cas il est souvent renfermé dans un carto.iche ou accompagné de quelque chiffre ou de quelque emblème. Le nom du fondeur Jaque, sur les cloches de Pierrefonds, de Jaulzy et de Trumilly, est contenu dans un petit encadrement, au-dessous de la représentation d'une cloche portée par deux anges et surmontée de deux coquilles. Un cartouche carré, faisant partie du socle d'une croix, renferme celui de Vigoureu, sur une des cloches d'Escames; celui de Jean de Nainville est surmonté, sur la cloche de Gerberoy, d'un écusson portant une cloche accompagnée de deux fleurs de lis. On voit par les exemples qui viennent d'être cités que, dans les différents siècles du moyen âge, on a indifféremment admis pour les inscriptions des cloches la langue latine et la langue française. Il serait difticile de prononcer d'une manière positive. si l'une d'elles avait la préférence. Il nous a

paru que le français était le plus souvent employé.

2o Ornements.

-

Les cloches antérieures au xv siècle furent probalement peu ornées; celles du xiv, que nous avons eu occ sion de voir, n'ont guère pour ornements des que croix simples ou fleurdelisées, qui précèdent les inscriptions, et des moulures cylindriques formant des cordons plus ou moins rapprochés; mais aux xv, xvIo, xvII° et xvIIIe siècles elles furent très-fréquemment convertes de basreliefs d'un travail plus ou moins parfait. Un des sujets que l'on retrouve presque toujours, c'est Jésus-Christ attaché à la croix, quelquefois seul, quelquefois aussi accompagné de Marie et de saint Jean. Les cloches de Pierrefonds, de Champlieu, de Trumilly et de Notre-Dame du Thil, toutes les quatre du xvr siècle, et celle de Roquemont de 1682, offrent Jésus en croix, ayant près de lui sa mère et son disciple bien aimé. Sur celles de Glatigny, de Saint-Sulpice, de SaintSamson, de Bailleu-sur-Thérain, qui datent du xvII ou du XVIIIe siècle, on n'a placé aucun personnage auprès du divin crucifié. L'agneau, emblème du Sauveur immolé pour le salut des hommes, se trouve renfermé dans un médaillon circulaire sur les cloches de Champlieu et de Pierrefonds. Sur la cloche déjà citée de Bethencourt (Oise), JésusChrist est debout, la tête ceinte d'une auréole.

Marie n'est pas seulement représentée comme témoin de la scène sanglante du Calvaire, on la voit fréquemment encore ayant dans ses bras son divin Fils. On peut offrir pour exemple les cloches de Champlieu, de Saint-Quentin-des-Prés, de Tarligny, de Pont-Sainte-Maxence, de Duci, de Verberie, de Saint-Vaast, de Longmont, de Morcourt, d'Auger-Saint-Vincent, de Roquemont, d'Orrouy, de Mello. Le patron de l'église a été aussi très-souvent représenté ; ainsi sur la cloche de 1597, qui se trouve dans l'ancienne église de Saint-Thomas, à Crépy-en-Valois, on voit saint Thomas de Cantorbéry en habits pontificaux ; à Gilocourt l'on remarque saint Martin; à Pont-Point, saint Gervais; à Auger, saint Vincent, diacre; à Beauvoir, saint Denis; à Bailleu-surThérain, saint Lubin; à Mello, saint Nicolas; à l'Héraule, saint Prix ; à Pierrefonds, saint Sulpice; à Notre-Dame du Thil, saint Lucien. Les patrons des collateurs, ceux des donateurs et des donatrices, ceux des parrains et des marraines, et une multitude d'autres saints accompagnent souvent le patron de l'église. Une cloche de Briot, de l'an 1680, porte dix images de saints, parmi lesquels on distingue saint Eloi et saint Nicolas; sur une autre cloche de la même église, de 1693, on compte jusqu'à 38 figures. Au xv et au XVI siècle, ces images sont ordinairement renfermées dans des espèces d'encadrements carrés, que surmonte une arcade ornée de crochets.

A partir de la fin du xiv siècle, on rencontre presque toujours sur les cloches les armoiries des églises ou des monastères pour lesquels elles ont été faites, celles du sei

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