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presque universellement admise. « C'est un préjugé généralement répandu que les charpentes de nos cathédrales, dites ordinairement les forêts, sont en châtaignier ou en marronnier, et que c'est à la qualité de ce bois qu'est due l'absence des araignées et des mouches. Les châtaigneraies n'auraient jamais pu suffire à une pareille consommation. D'ailleurs, lorsque le châtaignier et le marronnier ont acquis le développement nécessaire pour servir à la charpente, ils se creusent et ne peuvent plus être employés. Toutes les charpentes des cathédrales sont en chêne, de cette variété, rare aujourd'hui, le chêne blanc, qui ne vient bien que dans les localités tourbeuses et marécageuses. »

«M. Schmit, inspecteur général des cathédrales de France, annonce qu'on a fait des recherches sur les charpentes des grandes églises du moyen âge. Des échantillons de poutres et de solives ont été livrés à l'expertise des charpentiers et des menuisiers, et de cet examen il est résulté qu'on a reconnu que ces charpentes sont en chêne. » (Bulletin des séances du com. hist. des arts et monum., no iv.)

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CHAUSSURE. Les chaussures des anciens Romains furent d'abord de cuir cru, et même avec le poil. Dans la Campagne romaine et en plusieurs provinces d'Espagne, les paysans ne portent pas d'autres chaussures qu'un morceau de peau, ayant encore le poil, s'enveloppant autour du pied et du bas de la jambe. On en faisait aussi anciennement de toile de lin: le fer même et l'airain, l'argent et l'or y étaient employés. On se servait souvent de liége pour mettre sous les souliers et rendre la chaussure plus haute.

Nos anciens Français, dit le moine de Saint-Gall, avaient des chaussures dorées par dehors, et ornées de courroies et lanières de cuir longues de trois coudées. Telle était la chaussure de Charlemagne et de Louis le Débonnaire, comme il paraît par les notes de Baluze sur les Capitulaires des rois de France, pag. 1280.

L'archéologie a remarqué que plusieurs personnages, dans l'iconographie du moyen age, ne sont jamais chaussés, tels que le Christ, les anges et les apôtres. Tous les autres saints sont chaussés, et ce serait s'écarter gravement du génie du moyen âge de reproduire les images des saints d'une autre manière. Il faut encore noter que les évêques portent toujours une chaussure de couleur dans les vitraux peints. La couleur de leur chaussure doit être en rapport avec celle des vêtements sacerdotaux.

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l'extrémité de l'église, derrière le maître-autel. Voy. ABSide.

Le chevet des églises a pris diverses formes: il fut d'abord semi-circulaire; cette disposition s'observe dans les églises de la période romano-byzantine, et quelquefois dans celles qui ont été bâties au commencement du xin siècle. Pendant le règne du style ogival, le chevet est communément bâti sur les pans d'un polygone régulier. Un petit nombre d'églises, en France, de style ogival, ont le chevet rectiligne et plat, comme à la cathédrale de Laon, à Saint-Julien de Tours, à Saint-Martin de Clamecy. En Angleterre, c'est le contraire la plupart des églises ogivales ont un chevet plat.

On trouve l'étymologie du mot chevet, et gnation des diverses parties d'une église, surtout l'origine de son emploi dans la désidans le symbolisme des monuments religieux. La région absidale représente la partie supérieure de la croix où Jésus-Christ, en mourant, appuya sa tête et l'inclina. Le sanctuaire est donc le chevet mystique sur lequel le Sauveur appuie sa tête, et l'autel lui-même représente le chef auguste de notre divin Maître. Ce symbolisme explique la disposition des chapelles rayonnantes tout autour de l'autel principal. Ces chapelles, suivant cette idée, seraient la couronne glorieuse qui ceint cette tête vénérable. Nous disons la couronne glorieuse, parce que la liturgie catholique nous montre toujours le Christ triomphant, même dans la commémoration des mystères douloureux de sa passion.

CHEVRON. Le chevron est une moulure romane formée d'un tore brisé qui décrit une suite régulière d'angles aigus, ou de zigzags, ce qui fait qu'on l'a souvent désigné

sous ce dernier nom. C'est un des ornements

géométriques que l'architecture romano-byzantine a le plus répandus sur les faces des grandes archivoltes. Au x1° siècle et au xi, il n'y a pas d'ornement plus commun dans le nord-ouest de la France et en Angleterre. Dans ce dernier pays, on le retrouve encore au commencement du x siècle, et son emploi même n'y est pas très-rare; en France, les monuments de style ogival purne présentent de chevrons, parmi leurs ornements, que très-rarement. C'est une remarque qui a été faite chez nous, que généralement les moulures et les ornements de la période romano-byzantine ne sont guère employés dans les édifices de la période ogivale.

Les chevrons sont formés d'une seule, de deux, de trois frettes, bandes ou baguettes en relief. Lorsqu'il y a plusieurs rangs de chevrons serrés les uns contre les autres, on les appelle chevrons multiples ou tores guivrés. Quelquefois deux chevrons sont opposés l'un à l'autre; alors on les appelle chevrons contre-chevronnés, ou simplement tores

contre-chevronnés.

Le chevron contre- chevronné diffère du losange ou rhombe, en ce que les deux bandes du premier ne se confondent jamais,

et sont quelquefois même séparées par un filet.

M. Smith, dans son livre l'Architecture des monuments religieux, dit qu'il ne faut point confondre les chevrons avec les zigzags; ceux-ci, suivant lui, se composeraient de moulures différentes et parallèles, tandis que les chevrons se composeraient de moulures semblables, également parallèles. Cette distinction est assez ingénieuse : elle n'a pas été généralement suivie par les antiquaires dans la description des monuments.

CHIFFRE. Les auteurs ne sont pas tous d'accord sur l'origine des chiffres dits arabes. Nous n'entrerous point dans cette discussion, qui est absolument étrangère à notre but. Nous devons seulement mentionner ici que l'emploi des chiffres arabes ne remonte pas, chez nous, à une époque de beaucoup antérieure au XIIIe siècle. Par conséquent, les inscriptions murales que l'on trouve si fréquemment dans nos églises, ne doivent jamais présenter de dates autrement qu'en chiffres romains, quand elles remontent à une époque plus reculée que le xi siècle. Nous devons ajouter que, même après que l'emploi des chiffres arabes fut généralement répandu, on continua néanm ins, dans les inscriptions, à se servir de chiffres romains. Ce serait donc une raison suffisante de suspecter l'authenticité et la vérité d'une inscription, que d'y voir des chiffres arabes avant le xv siècle. Nous n'avons jamais eu occasion de voir d'exemples de l'emploi des chiffres arabes dans les monuments avant le xv siècle.

CHIFFRE. On appelle encore chiffre un entrelacement de lettres fleuronnées en basrelief ou découpées à jour, qui sert d'ornement, en architecture, dans la serrurerie et la menuiserie. On a fait usage au moyen âge de chiffres de différents genres. Il n'est pas rare d'en trouver des spécimens curieux sur les clefs de voûte, dans des écussons, sur les tapisseries, sur les anciens ornements ecclésiastiques. Voy. MONOGRAMME.

Autrefois les marchands, au lieu d'armoiries, portaient des chiffres : c'étaient les premières lettres de leurs nom et surnom, entrelacées dans une croix, comme on en voit des exemples sur plusieurs anciennes épitaphes.

C'est surtout sur les édifices de la renaissance que l'on retrouve le plus souvent des chiffres. On en voit, non-seulement sur les murailles et dans des écussons d'armoiries, mais encore dans des panneaux de vitraux peints. Les artistes anciens signaient souvent leurs œuvres par un chiffre.

CHIMÈRE. On donne le nom de chimères, en architecture, et en général dans les arts du dessin, aux animaux qui n'existent pas dans la nature; tels sont les centaures, les sphinx, les sirènes, les griffons, les gargouilles, les pégases, etc. On voit aussi des chimères qui n'ont que la moitié d'un corps, et dont l'autre moitié est un feuillage, une gaîne, ou tout autre objet privé de vie ou de mouvement.

Les artistes du moyen âge ont fort souvent sculpté des chimères dans les monuments religieux. Il n'y a point d'édifice appartenant à la période romano-byzantine qui n'en présente soit sur les chapiteaux des colonnes, soit sur les corbeaux ou modillons extérieurs.

Durant la période ogivale,les artistes sculptèrent des chimères sous les corniches extérieures et les rendirent saillantes sous le nom de gargouilles. (Voy, ce mot.)

A l'époque de la renaissance, les sculpteurs multiplient les figures de chimères et les modifient en mille manières différentes.Ce n'est plus qu'au caprice de l'imagination que l'on peut attribuer les innombrables formes créées sous le ciseau de l'artiste. Il en est de même dans la peinture sur verre, où l'on voit des animaux chimériques dans les bordures, dans l'ornementation ou dans des panneaux de petite dimension.

CHOEUR. Le chœur est la partie d'une église où se tiennent les clercs qui chantent l'office. Voy. CANCEL, CHANCEL.

Dans les anciennes basiliques il y avait, en avant de l'abside, un espace fermé par une balustrade, où se tenait le chœur des chantres, cœtus canentium. Cette disposition n'avait aucune influence sur le plan de la basilique elle-même le choeur consistait uniquement en une clôture qui s'étendait plus ou moins sur la grande nef; ce n'était, à proprement parler, qu'un arrangement intérieur. On peut donc dire, rigoureusement parlant, qu'il n'existait pas de chœur dans les basiliques chrétiennes primitives. Ce fut après la conversion de l'empereur Constantín, lorsque le clergé fut libre de donner quelque pompe aux cérémonies sacrées, que le chœur commença à avoir une délimitation bien marquée. Voy. BASILIQUE.

Il est à remarquer que le clergé, dès l'origine, fut seul admis à l'intérieur du chœur : les femmes en furent toujours exclues, lors même qu'on permit aux laïques d'y entrer dans quelques rares circonstances. Nous avons donné d'assez amples détails à ce sujet à l'article AUTEL.

Le chœur, dans les monuments religieux de la période romano-byzantine, est d'une étendue fort restreinte dans beaucoup d'églises paroissiales, il n'est composé que d'une seule travée. Au x1' siècle, le chœur, même dans les monuments de la plus haute importance, ne dépasse jamais les limites de deux ou trois travées. Au xII° siècle, il se développe, ainsi qu'au XIe siècle, jusqu'à ce qu'il atteigne en longueur le tiers environ de la longueur totale de l'église, ou la moitié environ de la longueur de la nef, ce qui est à peu près la proportion qu'il présente le plus souvent.

Dans les églises romano-byzantines, le toit du chœur est souvent moins élevé que celui de la nef. Cela ne se voit jamais dans les églises ogivales, à moins que le chœur et la nef n'aient été bâtis à des époques diffé

rentes.

Dans plusieurs églises l'aire du chœur est

plus élevée que celle de la nef et des collatéraux, comme à Notre-Dame de la Couture (B. Maria de Cultura Dei), au Mans. Sous le choeur il y a dans cette circonstance une crypte plus ou moins grande et plus ou moins profonde. L'exhaussement du chœur au-dessus du niveau de la nef n'eut pas lieu constamment, car nous trouvons des faits entièrement contraires dans des monuments où l'aire du chœur est au-dessous de celle des nefs.

Au XIe siècle, le choeur des cathédrales se développe dans des dimensions majestueuses, et dans des proportions qui ne furent pas changées plus tard. C'est à partir de cette époque que l'on établit dans les grands chœurs des cathédrales et des collégiales, ces stalles magnifiques qui mériteront toujours à juste titre le nom de chefs-d'œuvre de la menuiserie gothique, depuis les stalles simples du x siècle de la cathédrale de Poitiers, jusqu'aux stalles splendides du xy siècle et du xvi, de la cathédrale d'Amiens et de celle d'Auch. Voy. STALLE. Dans certaines provinces, il y a des églises à deux chœurs, l'un situé dans la région orientale, l'autre dans la région occidentale, par exemple à Mayence, à Worms, à Spire, à Besançon, à Nevers. Voy. Abside.

En décrivant le chœur d'une église, ou les objets qui en font l'ornement ou en constituent le mobilier, les antiquaires ont été quelquefois embarrassés pour déterminer la droite et la gauche. Dans le chœur des églises ogivales, où l'autel doit être placé au fond de l'abside, il ne saurait exister d'incertitude. Comme les membres du clergé 'doivent être tournés vers l'autel, au moins ceux qui sont aux premières places en entrant, la droite et la gauche se déterminent par la position de la personne qui entre dans le choeur par la porte de l'ambon ou la porte principale, et qui a la face tournée vers l'autel. Cette détermination est ainsi faite dans nos vieux Cérémoniaux, où l'on marque comment la procession doit sortir du chœur, ou y rentrer, soit par le côté droit, soit par le côté gauche. La désignation liturgique des côtés du sanctuaire est différente, parce que le point de comparaison n'est pas le même. CHOU (FEUILLE DE). Les feuilles de chou ont été très-fréquemment imitées par la sculpture des monuments gothiques au XVe siècle et au xvI. On les voit souvent sur les rampants des lignes obliques servant de crochets, ou remplissant l'espace triangulaire qui se trouve entre l'extrados d'un arc surbaissé et l'intrados de l'arc en accolade qui le surmonte et se fond avec lui. La feuille de chou frisé a aussi été très-souvent imitée.

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CHRISMATORIUM. — C'est le vase dans lequel on conserve dans les églises les huiles bénites solennellement par l'évêque, le jour du jeudi saint; ce sont l'huile des infirmes, l'huile des catéchumènes et le saint chrême. Il y avait autrefois dans les églises des vases, ayant cette destination, en matières précieuses, ornées de pierreries et d'émaux, et de dessins de différents genres, soit en relief,

soit en creux. On conserve encore à NewCollege, à Oxford, le chrismatorium qui avait appartenu au grand et saint évêque William Wykeham. Dans l'inventaire de la cathédrale de Lincoln, on trouve les détails suivants : « Un chrismatorium en argent, doré en dedans et en dehors, ayant seize images émaillées, avec dix petits contre-forts sans clochetons, avec créneaux tout autour du couvercle, lequel est surmonté de deux croix et d'une crête; il y a trois vases à l'intérieur avec couvercles, pour renfermer les saintes huiles et le chrême, du don de William Skelton, autrefois trésorier de l'église de Lincoln. Ce chrismatorium pèse vingtsept onces. (Dugdale, Monast. Anglican.)

CHRONOGRAMME ou CHRONOGRAPHE. On appelle chronogramme ou chronographe l'assemblage de plusieurs mots qui font un sens et qui sont choisis de manière que les lettres numérales qui s'y rencontrent marquent l'année ou le millésime de quelque événement. On ne sait à quelle époque faire remonter le premier emploi des chronogrammes. Un auteur, qui a fait des recherches à ce sujet, n'en faisait pas remonter l'usage au delà du temps des derniers ducs de Bourgogne; mais on voyait autrefois dans l'église de Saint-Pierre, à Aire, sur une vitre, le chronogramme suivant: bls septeM præbendas, wbaLdVIne, dedisti, qui marque l'année 1062, MLVVII, ou MLXII. Il y a une dissertation analytique sur les chronographes, imprimée à Bruxelles en 1718. On écrit les lettres numérales en caractères plus gros deux ou trois fois que le reste du contexte, afin de les distinguer plus facilement. Les chronogrammes ne sont pas toujours en vers, ils sont quelquefois en prose, et ce sont les meilleurs; car on est trop gêné dans le choix des mots qui n'aient que les lettres numérales nécessaires, pour qu'on en puisse aisément faire de bons en vers. Les seules lettres qui puissent servir dans les chronogrammes sont les M, les C, les L, les X, les V et les I.

Ces espèces de jeux d'esprit ont été à la mode pendant fort longtemps; ils sont aujourd'hui complétement abandonnés.

CHRYSOCLAVE. C'est le nom ancien de ce que nous appelons aujourd'hui orfroi.

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CIBOIRE. L'étymologie du mot ciboire, au premier abord, paraît venir de cibus, parce que ce vase est destiné à contenir la nourriture par excellence, le pain eucharistique; mais il est plus probable que ce mot est emprunté du grec κιβώριον, qui signifie simplement une coupe, à cause de la forme primitive du ciboire. Le mot grec lui-même à une origine assez curieuse; il désigne l'enveloppe d'une grosse fève d'Egypte, pareille à la capsule du gland commun, dont on se servait en guise de coupe ordinaire. Telle est l'opinion de Fleury et de Dacier. On pourrait ajouter à cette autorité que les Romains donnaient à leurs coupes de festins le nom de ciboria, au témoignage d'Horace.

Ce terme est devenu liturgique, dès la plus

haute antiquité ecclésiastique, pour désigner le baldaquin étendu au-dessus de l'autel, qu'il recouvrait en entier. Nous en avons longuement parlé ailleurs. Voy. BALDAQUIN. Ce fut beaucoup plus tard qu'on l'appliqua aux vases actuellement en usage pour enfermer les espèces consacrées.

On comprend aisément par quelles causes s'introduisirent l'usage et la forme des ciboires modernes. L'eucharistie fut conservée, non-seulement pour les malades, mais encore pour les personnes valides, dont le nombre diminuait de jour en jour, qui s'approchaient de la sainte table. Il fut alors nécessaire d'avoir des vases particuliers, fermés exactement et portatifs.

Dans beaucoup de paroisses aujourd'hui on possède deux ciboires, l'un plus grand, destiné à rester dans le tabernacle, et servant à administrer la sainte communion aux fidèles qui se présentent à la messe; l'autre plus petit, destiné à porter le viatique aux malades.

Les ciboires sont assujettis, quant à la matière, aux mêmes règles que les calices et les patènes; ils doivent donc être d'or ou d'argent, du moins pour la coupe, qui sera dorée à l'intérieur si elle est en argent. Du reste, ce qui concerne les ciboires est réglé par les statuts de chaque diocèse.

Les ciboires ne sont pas consacrés, mais simplement bénits. Tous les prêtres qui ont de l'évêque la permission de bénir les vêtements sacerdotaux, peuvent aussi bénir les ciboires telle est la règle générale. Il ne faut pas se servir de ces vases sans qu'ils aient été bénits, et l'on aurait de la peine à excuser de quelque péché celui qui agirait autrement sans raison.

:

Le ciboire, suivant la coutume générale, et suivant une prescription du Rituel de Tours, doit être recouvert d'un petit pavillon de soie. I perdrait sa bénédiction, s'il ne pouvait plus décemment être employé à sa destination spéciale: il y aurait aussi sacrilége à s'en servir à des usages profanes.

Les églises orientales ne connaissent point le ciboire. Les espèces eucharistiques sont distribuées aux communiants à l'aide d'une patène. Le saint sacrement réservé pour les malades est placé dans une boîte d'argent, à la sacristie, ou bien cette boîte est enfermée dans un petit sac de soie, et suspendue sous le ciboire ou baldaquin qui recouvre l'autel grec.

Comme nous l'avons dit à l'article BALDAQUIN, le mot de ciboire se disait de toute sorte de construction faite en voûte, portée sur quatre piliers. On peut consulter à ce sujet les Acta sanctorum, Febr. tom. III, pag. 104; c. D., pag. 105; B. et Aprilis, tom. II, p. 11; E., où l'on fait la description d'un ciboire de marbre.

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que l'art moderne le pouvait permettre. Nous regardons comme un devoir pour nous de donner, avec quelque étendue, l'histoire du ciboire. Nous en empruntons quelques détails à un intéressant Mémoire publié par M. l'abbé Corblet.

« Je ne connais aucun antiquaire, aucun liturgiste qui at traité avec quelques développements la question des ciboires du moyen âge; ce sujet me paraissant devoir offrir quelque intérêt sous le point de vue religieux et archéologique, j'ai tâché de réunir dans le cadre d'une notice les renseignements épars que j'ai puisés dans les Pères de l'Eglise grecque et latine, dans les conciles, dans les chroniqueurs, les historiens et les liturgistes.

Dans les trois premiers siècles de l'Eglise, il était assez rare que l'on conservât la sainte eucharistie dans les églises, parce qu'il était à craindre qu'elle ne devint un objet de profanation pour les païens. Les fidèles l'einportaient dans leurs demeures (1) et la conservaient dans des armoires ou dans de petites boîtes destinées à cet usage (2). Siméon le Métaphraste dit que saint Indes et sainte Domne gardaient chez eux un petit coffret de bois, dans lequel ils renfermaient la sainte hostie, avec un chandelier et un encensoir de terre (3). Saint Cyprien rapporte qu'une femme, ayant fléchi le genou devant les idoles, ouvrit de ses mains profanées la boîte où était le Saint du Seigneur, et qu'une flamme vengeresse en sortit subitement. Saint Jérôme (4), saint Basilique (Epist. 59), Victor de Vite (Epist. 289), etc., font plus d'une fois allusion à cette coutume des premiers chrétiens. Au Ive siècle, l'histoire du vieil ard Sérapion (5), celle de la mort de saint Ambroise et de la guérison miraculeuse de sainte Gorgonie (6), démontrent indubitablement que l'eucharistie était alors réservée dans beaucoup d'églises (7), et donnent un démenti formel à l'assertion

(1) Ils la portaient quelquefois sur eux; ils furent en cela imités par plusieurs papes et plusieurs grands personnages des siècles suivants. Génébrard (in Chronog.) rapporte que Louis IX la portait toujours aux armées, qu'il laissa son ciboire au soudan d'Egypte s'empressa de l'envoyer réclamer.(Jovius, Vir.illust.) pour gage de sa rançon, et que, de retour en France, (2) Tertullien, de Orat., c. 14.

(5) Voyez encore les actes de sainte Agape et de sainte Théophile, apud Surium, 28 déc. (4) De Afr. pers., 1. 1.

(5) Eusèbe, Hist., VI, 44.

(6) Saint Grégoire de Nazianze dit que sainte Gorgonie vint adorer Jésus-Christ dans l'église de invoqua celui qui y résidait: Eum qui super ipso alNazianze, et que, s'agenouillant près de l'autel, elle tare honoratur cum ingenti clamore invocat.

(7) Le poëte Prudence dit, en parlant de l'autel : Illa sacramenti donatrix mensa eademque custos fida (hymne de saint Hippol.). Le deuxième concile de Tours, tenu en 567, ordonne dans son troisieme canon Ut corpus Domini non imaginario ordine, sed broise, De Elia et jej., c. 1;-epist. ad Felician. sub titulo crucis componatur (Voy. aussi saint AmScheelstrate, De disciplin. arcan. Pouget, Institut. cathol., t. II.-Grandcolas, Ancien Sacrament., 1. IV. — C. Duperron, Traité de l'euch., 1. 111).

d'Hospinien (1), qui prétend que cette coutume ne s'est introduite qu'après la célébration du quatrième concile de Latran, sous Innocent III (2). On gardait même quelquefois l'eucharistie sous les deux espèces (3), et saint Ambroise (Ep. 4, n. 4) nous apprend que le précieux sang était réservé à Milan dans un tonneau d'or (4). Il est à remarquer qu'on ne conservait autrefois le pain consacré que pour le viatique des malades (5); l'usage de s'en servir pour la communion des fidèles hors le temps du sacrifice a été introduit par les Ordres mendiants, s'il faut s'en rapporter au témoignage du P. Morin (6). Ajoutons que la réserve du viatique ne se faisait point partout, et qu'elle n'était pas même usitée dans quelques églises importantes (7).

« Le plus ancien mode d'asservation pour l'eucharistie fut de la placer dans les sacristies désignées autrefois sous les noms de pastophorium, diaconicon, vestiarium, secretarium, episcopium, sacrarium (8). C'était dans ces appartements attenant à l'église qu'on déposait les choses saintes (9) et qu'on laissait les boîtes en forme de tour qui contenaient les vases sacrés et le saint sacrement, et sur lesquels nous reviendrons dans un instant (10). Quand les espèces consacrées n'étaient point gardées dans l'episcopium, on les plaçait dans une petite armoire nommée sacrarium, creusée dans la muraille ou dans un pilier, et presque toujours du côté de l'Evangile (Grandcolas, Anc. liturg.) (11). « Parmi les églises qui conservèrent plus (1) De orig. et ritib. vet.

(2) Dans le ve siècle, saint Cyrille d'Alexandrie écrivit contre les anthropomorphites, dont une des erreurs était de prétendre qu'on ne devait point conserver l'eucharistie pour le lendemain (Saint Cyr. Adv. anthr.; C. Bona, Rer. lit., p. 485). Le concile œcuménique de Trente anathématisa cette même

erreur dans sa XII session.

(3) Saint J. Chrysost., Ep. 4 ad Inn. P. P. (4) Comment se fait-il qu'en présence de pareils faits Gabriel Biel et Duplessis Mornay aient avancé que l'on ne conservait point l'eucharistie avant le troisième concile de Latran.

(5) Quelquefois aussi, quoique fort rarement, on la conservait dans un ciboire, uniquement pour l'exposer à l'adoration des fidèles. Il en était ainsi du temps de Claude de Vert à la cathédrale d'Amiens où cet usage s'est conservé jusqu'à nos jours..... J'ai oui dire à un ecclésiastique d'Amiens que le saint sacrement suspendu dans l'église cathédrale n'avait pour objet que d'attirer l'adoration des fideles. (Cl. de Vert, Expl. des cér. de l'Egl., t. III, p. 389.)

(6) De pœnit., 1. vin, c. 9.

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Elle ne l'était pas à Saint-Jean de Lyon. (Moléon, Voyage liturg.. p. 60.)

(8) Constitut. apost.

(9) Ulpien (Lib. 1 Digest. tit. 8) nomme la sacristie: Locus in quo sacra reponuntur. Sur la porte de plusieurs sacrísties on voyait inscrit ce distique de saint Paulin :

Hic locus est veneranda penus quo conditur et quo
Promitur alma sacri pompa ministerii.

(Saint Paulin, Ep. 12 ad Sev.-V. Baronius,
An. 57, n. 105.)

(10) Fleury, Mœurs des Chrét.. p 327.

(14) Le pape Léon IV s'exprime ainsi : Ut in sacrario eucharistia Christi non desit.

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ou moins longtemps cet antique usage, nous citerons celles de Saint-Julien d'Angers (1), de Notre-Dame de la Ronde et de Saint-Vincent à Rouen (2), de Tournus près de Mâcon (3), des abbayes de Saint-Jean-le-Grand à Autun (4), et d'Abdinghoff en Allemagne (5), et l'é glise de Saint-Jean-Baptiste à Péronne (6). Mais, sauf quelques exceptions, on abandonles ciboires suspendus, qui réunissaient la na assez généralement les sacrarium pour grâce à la commodité.

« Les érudits sont loin d'être d'accord sur l'étymologie du mot ciboire: Grandcolas et l'abbé Thiers veulent qu'on ait appelé les vases eucharistiques ciboires, parce qu'autrefois ils étaient suspendus sous des baldaquins nommés ciborium; Périon et Duranti (7) font dériver ciboire de xpion, coupe: Robert Etienne de x16wròs, coffret; Casalius 8 et M. du Sommerard de cibus, parce que l'âme; Hesychius, Saumaise, Casaubon, Dal'hostie qu'il contient est la nourriture de cier (9), etc., pensent que ce mot vient de l'égyptien, et qu'il signifiait dans cette langue une espèce de fève dont la forme servait de modèle à certains vases, ou qui servait ellemême de matière à leur confection (10). Le mot ciboire n'est pas plus pauvre en synonymes qu'en étymologies: les auteurs du moyen âge l'ont appelé cibolum, cymbarium, ciboreum, civorium, civorius, cybureum, pyxis, hosteria, hostiaria, custode, chiboire, ciboingre, syboingre.

« Les ciboires furent suspendus, dès le commencement du moyen âge, à l'aide de cordons ou de petites chaînes. Un ancien rituel ms. de l'église de Soissons, cité par dom Martenne (11), prescrit au diacre d'encenser l'eucharistie suspendue sur l'autel; le troisième canon du deuxième concile de Tours, tenu en 567, marque l'usage de cette suspension; dans les monastères de l'ordre portant l'Enfant-Dieu sur le bras gauche qui de Citeaux, c'était une image de la Vierge soutenait de la main droite un petit pavillon sous lequel était suspendue l'hostie consacrée (12); mais cet usage particulier ne me quoique Félibien, dans sa description de paraît guère remonter qu'au x siècle,

(1) Moléon, Voy. Liturg., p. 103.
(2) Mol., Op. cit., p. 407 et 409.

(3) Voy. litt. de deux béned., t. Ier, pre part.,

p. 231.
(4) Id., p. 160.

(5) Id., t. II, p. 244.

D. Martenne, De ant. Eccl. rit., l. 1, c. 5. De ritib. Eccl. cathol. contestent cet ouvrage au président Duranti et l'atQuelques critiques tribuent à Pierre d'Anès, évêque de Lavaur. V. Ellies Dupin, D. Ceillier et D. Guéranger (Inst. lit. t. I).

(8) De Christ. vet. sacr. rit.

(9) Comm. sur Horace, lib. 11, od. 7.
(10) V. Ménage, Moreri, Cl. de Vert.

(11) A la Ferté, près de Châlons-sur-Saône, le saint sacrement est élevé dans un ciboire soutena par une vierge enlevée dans le ciel par des anges (dom Martenne et Durand, Voy. litt., t. I, 1" part., p. 226).

(12) Op. cit., p. 575.

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