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des fidèles, prit la place du juge au fond de l'abside. Il était entouré des prêtres et des diacres, qui remplacèrent les juges assesseurs. L'hémicycle de l'abside devint par conséquent le lieu saint, le sanctuaire, où l'on érigea l'autel et le trône épiscopal. Afin d'en rendre l'aspect plus majestueux et en même temps plus accessible à la multitude, on en éleva l'aire de plusieurs degrés de la le nom d'apsis gradata qui lui fut donné par d'anciens liturgistes.

L'abside, dans les basiliques chrétiennes, était un enfoncement formé par un demicercle, couvert par une demi-coupole, d'où on lui donne quelquefois le nom de conque, pratiqué au fond de l'édifice, en face de l'enirée principale. Lorsque le sol de l'abside est plus élevé que celui du reste de l'édifice, l'abside s'appelle encore béma. Elle était entourée d'un banc continu de pierre, sur le quel les prêtres et les diacres s'asseyaient pendant l'office. Le trône de l'évêque était souvent en pierre également, mais il était recouvert de draperies lorsque l'évêque officiait. L'ensemble de ces siéges s'appelait en grec synchronos et en latín consessus; on désignait encore le tout par le nom de tribunal, de presbyterium ou de sanctuarium.

Dans le symbolisme des églises on ne tarda pas à représenter la croix dans la forme du plan géométral. Le corps de NotreSeigneur était supposé attaché sur cette croix, les bras étendus dans le transsept, la tête appuyée sur l'autel de là le nom de chevel ou de capitium attribué à la région absidale.

Primitivement l'abside était séparée du reste de l'église, pendant une certaine partie de l'office, au moyen de rideaux ou de voiles destinés à cet usage. Guillaume Durand entre dans de longs détails, dans le premier livre de son Rati nal des divins offices, sur le voile du sanctuaire dont on se servait encore dans un grand nombre d'églises au moment où il vivait.

L'abside n'était éclairée originairement par aucune fenêtre. Ce fut plus tard, lorsque les églises furent orientées, que l'abside fut percée d'une fenêtre centrale et de deux ou quatre fenêtres latérales. Ce fut à la même époque que l'autel fut fréquemment placé à la partie la plus profonde de l'hémicycle de T'abside. Cette disposition était mieux en harmonie avec le symbolisme de l'orientation et des fenêtres absidales. Nous sommes portés à croire, par suite d'un grand nombre d'observations, que, dans notre pays, l'autel fut de bonne heure élevé au fond de l'abside et ne conserva pas la position dite vulgairement à la romaine. Il n'y eut que les églises épiscopales qui conservèrent plus longtemps les traditions primitives sous ce rappert. Mais elles les abandonnèrent généralement pendant la période ogivale. Alors on plaça presque partout le maitre-autol au fond de la courbure de l'abside, et le chœur acquit des dimensions et prit une distribution jusqu'alors inconnues. Au lieu de se grouper autour du sanctuaire, les membres

du clergé se rangèrent de chaque côté du choeur, suivant l'ordre des dignités ecclésiastiques, ayant à leur tête l'évêque luimême. C'est par suite de cette organisation hiérarchique, que les grands choeurs des cathédrales gothiques conservent toujours la même disposition. Ce ne fut que dans de très-rares églises que le siége épiscopal resta au fond de l'abside: les églises de Vienne et de Lyon furent le plus longtemps fidèles à l'antique usage. Dans l'ancienne église épiscopale d'Autun, aujourd'hui détruite, on voyait au fond du chevet le siége épiscopal de saint Léger; il en était de même à Reims, avant la réédification de la cathédrale, où se trouvait le siége de saint Rigobert. Tout en accordant à la tradition les droits qui lui appartiennent, il faut convenir que les importantes transformations opérées dans le plan basilical par l'architecture ogivale, ont nécessité le déplacement du trône de l'évêque et de l'autel majeur. Comment, en effet, n'eût-on pas élevé au centre de l'œuvre architecturale, à ce point vers lequel toutes les lignes convergent, où elles se réunissent, où la perspective dirige l'œil comme malgré lui, le maître-autel, l'âme de l'église chrétienne! Ce placement est si impérieusement commandé, que toute l'ordonnance de l'édifice semble brisée, que l'harmonie est détruite, dans les vastes monuments de style ogival où l'on a établi un autel à la romaine. Dans ce cas, le rayonnement des chapels absidales n'est plus motivé, les dispositions du plan cù reluit un symbolisme admirable, sont inexplicables. Nous n'avons vu nulle part un autel plus remarquable que celui de Saint-Maurice d'Angers, produire un plus fâcheux effet. Cet ́e cathédrale, si intéressante pour l'antiquaire, d'une construction si hardie, si curieuse sous tant de rapports, peri considérablement de grandeur, de dignité, d'harmonie par l'existence d'un immense autel élevé sous la travée de l'intertranssept. Il en est de même à Notre-Dame de Reims, cette cathédrale que nous regardons comme le joyau le plus précieux de l'écrin monumental de la France, où le déplacement du maître-autel et en même temps une nouvelle délimitation du chœur ont amené l'abandon de la partie la plus sacrée de l'église. A Reims donc, le chevet est désert, ou bien il est rempli de laïques. C'est un devoir pour tous de réclamer hautement en faveur des traditions ecclésiastiques des différents âges. De même que ce serait un ridicule contresens de placer le siége épiscopal ailleurs qu'au fond de l'abside et l'autel à la tête du choeur dans les basiliques de Saint-Paul, de Saint-Clément, de Sainte-Agnès, à Ronie; de même aussi ce serait violer les premiers principes de l'art chrétien, de la période ogivale, en placant l'autel majeur ailleurs que dans l'hémicycle du chevet. Adopter le parti contraire serait un contre-sens aussi choquant que d'élever des autels en style primitif, avec rideaux et grands voiles de soie, dans des églises construites à une époque

où ces autels étaient totalement tombés en désuétude. (Voy. AUTEL.)

L'abside centrale était donc destinée à recevoir l'autel et les siéges du clergé. Elle était ordinairement accompagnée, dès les mps les plus anciens, de deux moindres absides, bâties sur les parties latérales, servant, l'une de diaconicum ou sacrarium, l'autre de prothèse. (Voy. ce mot.) A l'extrémité de chaque nef collatérale, on établit quelquefois une petite abside arrondie, en sorte que l'on vit quelquefois jusqu'à quatre de ces absides secondaires, disposées sur la même ligne. Il arriva que ces absides étaient parfois constamment closes avec des espèces de portières en étoffes plus ou moins précieuses.

Pendant toute la durée de la période romano-byzantine, les absides affectent la forme semi-circulaire. Ce n'est que par exception que l'on en bâtit sur un plan quadrangulaire ou polygonal. Les exemples les plus remarquables de cette forme exceptionnelle se trouvent dans les magnifiques églises romaines et romano-byzantines de l'Auvergne. M. Mallay, dans un ouvrage intéressant, en a donné la figure et la description.

Lorsque vers le commencement du xr siècle, comme à Preuilly, au diocèse de Tours, les nefs collatérales se prolongèrent en déambulatoires autour du choeur, l'ancien presbyterium fut transformé en chapelle ordinairement dédiée à la sainte Vierge, et les absides secondaires furent quelquefois transportées dans les bras du transsept, où on les vit même se doubler, comme à Bellaigne, au diocèse de Clermont.

Durant la période ogivale, depuis le x siècle jusqu'au xvi, les absides sont rarement circulaires; elles sont communément polygonales. Au contraire de ce qui se pratiqua pendant l'époque précédente, ce fut par exception que les absides arrondies se montrèrent dans quelques rares édifices. L'arrangement que l'on rencontre le plus fréquemment est celui du polygone à trois, cinq, sept et neuf pans on suppose la construction élevée sur la moitié seulement du polygone régulier. Rien n'est plus gracieux que certaines absides du x siècle, disposées avec un goût sévère, mais pur, sur un plan pentagonal; les lignes, sot à l'intérieur de l'édifice, soit à l'extérieur, s'unissent ensemble avec beaucoup d'harmonie, et se prêtent admirablement à l'établissement de voûtes légères et élégantes.

Les absides carrées se retrouvent à toutes les époques. On les observe dans certaines églises peu développées, dans les campagnes, et jusque dans des monuments de premier ordre. Dans le diocèse de Nevers, on en voit plusieurs du x et du xvi siècle bâties avec beaucoup de soin; et, bien qu'elles ne produisent pas un effet aussi satisfaisant que les absides à plusieurs côtés, elles ne laissent pas cependant de plaire à l'œil, comme dans l'église de Thannay, par exemple, dans l'ancien Auxerrois. Nous avons beaucoup de peine à donner le nom d'abside à la muraille

qui termine brusquement à l'orient les grandes et belles églises de Notre-Dame de Laon, de Saint-Martin de Clamecy, de SaintJulien de Tours. Cette disposition originale est plus curieuse que belle. Elle rompt brusquement les lignes architecturales et ne permet pas à la perspective de développer ses illusions, si imposantes et si séduisantes à la fois dans la plupart de nos grandes cathédrales.

En Angleterre, la plupart des cathédrales construites au moyen âge sur des plans si grandioses et dans de si magnifiques proportions, sont terminées à l'orient par des absides carrées. Il en résulte pour l'observateur accoutumé à voir, en France, en Belgique et en Allemagne, des formes différentes, une impression qui n'est pas toujours favorable au premier abord, mais qui se modifie promptement à l'aspect de cette mâle et noble architecture. Nous citerons, comme présentant une abside terminale carrée, les cathédrales de Salisbury, York, Rochester, Winchester, Lincoln, Chichester, Ely, Peterborough, Exeter, Bristol, Oxford, Gloucester, Hereford, Worcester, Durham, Carlisle, Chester; les cathédrales de Wells et de Lichfield offrent une abside polygonale; quant à la cathédrale de Cantorbéry, elle montre une abside originale, fort intéressante, connue sous le nom de couronne de saint Thomas Becket, ou, conme disent aujourd'hui les protestants anglais, Becket's crown.

Lorsque la chapelle absidale est accompagnée de plusieurs chapelles ou absidioles Voy. ABSIDIOLE), elle n'est pas assujettie à une forme déterminée. Elle se modifie suivant les époques et suivant les ressources déployées dans la eonstruction. Dans plusieurs grandes églises, c'est comme une autre église consacrée à la sainte Vierge, ayant son plan et ses accesso res. A la Charité-sur-Loire, au diocèse de Nevers, l'abside a la forme d'une croix; il en est de même à la cathédrale de Gloucester, en Angleterre.

Il arrive quelquefois, mais rarement, que la chapelle absidale manque au fond du chevet on en voit un exemple à NotreDame-du-Port, à Clermont et à Orcival. Dans certaines églises, elle a plus rarement encore reçu une déd cace particulière, comme au dôme de Cologne, où elle est consacrée aux Rois-Mages. La tradition générale veut que cette chapelle privilégiée soit dédiée à la sainte Vierge. Il fallait que cette tradition fût bien vivace pour que, dans la protestante Angleterre, la chapelle du chevet soit encore actuellement désignée sous le vocable de chapelle de Notre-Dame.

Les bras du transsept sont parfois terminés en abside. La cathédrale de Notre-Dame de Noyon, de la dernière moitié du xìo siè– cle, nous offre un des plus magnifiques spécimens de cette curieuse disposition. La partie méridionale du transsept de la cathédrale de Soissons n'est pas moins intéres sante. Dans le grand atlas de la monogra

phie de la cathédrale de Noyon (texte par M. Vitet, dessins par M. Daniel Ramée), on trouve la figure de toutes les églises importantes qui présentent la même modification à la terminaison des branches de la croisée. On y remarque les églises de Sainte-Marie du Capitole, à Cologne; de Saint-Martin-leGrand et des Saints-Apôtres, aussi à Cologne; de Saint-Cassius et de Saint-Florent à Bonn; la cathédrale de Pise, la cathédrale de Tournay; Saint-Cyriaque à Ancône; Saint-Liphard de Meung, au diocèse d'Orléans; l'église de Saint-François-d'Assise, dans les Etats-Romains; Saint-Quirin de Neuss, dans la Prusse-Rhénane; l'église de Sainte-Elisabeth de Marbourg, dans la Hesse électorale; SainteCroix de Quimperlé, au diocèse de Quimper; Saint-Jean-Baptiste de Ristord, au diocèse du Puy; Saint-Germain de Querqueville, au diocèse de Coutances; la Sainte-Trinité de Germigny-des-Prés, au diocèse d'Orléans; Saint-Saturnin, près de Saint-Wandrille, au diocèse de Rouen; Saint-Sauveur de SaintMacaire, au diocèse de Bordeaux. Les plus anciens exemples. de cette disposition se voient à la basilique de Saint-Pierre-ès-Liens, à Rome, et à Sainte-Marie de la Conception

de Betbléem.

Dans le midi de la France et en Italie, l'abside des églises est souvent ornée à l'exterieur de frises, d'archivoltes, d'arcatures, d'en roulements et d'incrustations en mosaïque de pierres de diverses couleurs. Cette décoration produit de loin un effet agréable par l'opposition des couleurs et par la forme des ornements géométriques. Nous retrouvons l'application de ce système fréquemment en Auvergne, où les constructeurs avaient sous la main des laves de couleurs variées. Dans le centre et le nord de la France, ce mode d'ornementation est à peu près inconnu.

Dans certaines églises, on a établi deux absides à chacune des extrémités orientale et occidentale de l'édifice. Ces monuments curieux ont été désignés sous le nom d'églises à contre-abside. Nous citerons en exemple les cathédrales de Mayence, de Worms et de Spire, sur le Rhin; celles de Nevers et de Besançon en France. Nous avons signalé, il y a plusieurs années, dans notre ouvrage Les cathédrales de France, ces faits si intéressants dans l'histoire de l'architecture chrétienne, dans les termes suivants « La cathédrale de Nevers, construite sur un plan qui n'a guère d'analogic en France, présente à ses deux extrémités deux grandes absides terminales, comme les églises allemandes de Mayence, de Worms et de Spire. La cathédrale de Verdun, avant la prétendue restauration consommée dans le cours du siècle dernier, présentait également deux absides qui avaient la plus frappante ressemblance avec l'abside actuelle de Sainte-Julitte. L'abside orientale est destinée aux offices du chapitre; l'abside occidentale est consacrée à sainte Julitte, mère de sant Cyr, patron de la cathédrale. Le transsept n'occupe pas la position qui lui est propre dans nos autres monuments, c'est

à-dire entre le choeur et la nef; il est rejete à la base de la nef, absolument comme dans l'église des Saints-Apôtres, que nous avons visitée avec tant d'intérêt à Cologne, où l'on trouve tant de monuments remarquables de divers âges. Mais comment expliquer l'existence de deux absides dans la cathédrale de Nevers? Adopterons-nous l'opinion de ceux qui pensent que l'édifice n'était pas dans l'origine régulièrement orienté et que l'entrée principale était située au levant? ou bien ne verrons-nous dans cette disposition que l'effet d'un bizarre caprice? Ne pourrait-on pas présumer, avec quelque apparence de vérité, que les deux abs des de Nevers avaient primitivement la même destination que celle qu'elles ont actuellement selon l'usage encore en vigueur à Mayence, où l'abside orientale sert aux offices capitulaires, tandis que l'autre est consacrée aux besoins religieux de la paroisse? Telle est notre opinion. Elle est confirmée par les coutumes de plusieurs églises épiscopales, et elle pourrait s'appuyer encore sur le plan d'un édifice fort curieux du Nivernais et qui malheureusement a disparu. L'église de la Marche avait été bâtie de manière à présenter deux absides opposées on en voit le plan dans l'Album pittoresque du Nivernais. »

Dans les églises à contre-abside, il n'y a point de façade occidentale, avec tours et portails chargés de statues et de statuettes. Les portes sont forcément rejetées sur les flancs de l'édifice, où elles n'ont pas l'impor tance dont elles jouissent dans tous les monuments élevés sur de grandes proportions.

Les absides sont assez souvent peintes à fresque, et l'on y représente plusieurs sujets religieux on y a placé communément l'image de Notre-Seigneur, la tête entourée du nimbe crucifère, accompagné des quatre évangélistes ou de leurs figures symboliques. Plusieurs des basiliques romaines conservent encore cette décoration de l'abside qui produit toujours un effet imposant et qui communique au reste de l'édifice un caractère majestueux. Malheureusement nous avons perdu en France les chefs-d'œuvre que le moyen âge nous avait légués sous ce rapport; nous n'en possédons plus aujourd'hui que de faibles débr's.

L'usage de peindre l'abside des églises remonte à la plus haute antiquité ecclésiastique. Voici les paroles de Dosithée dans le synode de Jérusalem: « Il est étonnant, ditil, que les hérétiques n'aient pas vụ JésusChrist représenté dans l'hémicycle du sanctuaire sous la figure d'un petit enfant, dans le disque sacré cu l'auréole; car ils pouvaient reconnaître que, comme les Orientaux représentent au d dans du d'sque, non pas la figure, ni la grâce, ni aucune autre chose, mais Jésus-Christ lui-même ; ainsi ils croient que le pain de l'eucharistie n'est pas autre chose, mais qu'il est substantiellement le corps même de Jésus-Christ. » Les Grecs ont toujours gardé cet usage; leurs églises et surtout la partie absidale sont constam

ment ornées de peintures. (Voy. PEINTURE.) ABSIDIOLE. On appelle de ce nom les chapelles secondaires bâties en forme d'abside autour du sanctuaire et des nefs des églises romano-byzantines ou ogivales. A partir du I siècle, le plan basilical éprouva des modifications profondes. Les ailes ou collatéraux s'allongèrent et embrassèrent, dans leur contour, le rond-point du sanctuaire. On s'en servit pour donner un libre accès aux absidioles qui se déployèrent en rayonnant autour du chevet: couronne mystique entourant la tête du Sauveur, selon le symbolisme chrétien. L'absidiole formait, dans la grande église, comme un sanctuaire séparé, que la piété catholique se plut à décorer. Pendant fort longtemps et suivant une idée chère à la dévotion de nos ancêtres, chaque corporation avait un patron particuJier, sous la bannière duquel les membres venaient se ranger aux jours de solennité et dans les cérémonies publiques. Tout patron avait originairement son oratoire spécial, sa chapelle, où chacun tenait à laisser des inarques de sa reconnaissance, de sa générosité et de sa confiance. C'est à cette origine si pieuse et si naturelle: qu'il faut rapporter l'établissement dans nos églises d'un si grand nombre de chapelles, de confréries, de statues, de tableaux, de fondations et de legs.

On appelle encore absidioles des oratoires secrets, que les Grecs nommaient doralia ou doxologia, parce qu'on y chantait les louanges de Dieu. Dans les villes et les campagues, ces petits monuments étaient jadis assez communs aujourd'hui ils ont à peu près entièrement disparu.

On pourrait encore désigner sous ce nom des sanctuaires souterrains, dont la disposition rappelle exactement la forme des absides primitives: ce sont des espèces de chapelles resserrées, où l'hémicycle des basiliques a conservé sa physionomie native. On dirait que l'espace libre est destiné uniquement à donner accès à l'abside, tant il semble qu'on ait tout sacrifié à cette partie essentielle. Nous avons eu l'occasion d'en visiter plusieurs nous citerons particulièrement Tabsidiole de Saint-Gatien, près de l'église de Notre-Dame-la-Riche, à Tours, et celle de Notre-Dame-de-Lorette, dans les rochers de la valléc de Pont-Neuf, non loin de la ville de Sainte-Maure.

ACANTHE. L'acanthe est une plante dont les feuilles larges et profondément découpées ont été appliquées d'abord à l'ornement des frises et des corniches, et ensuite à la décoration des autres membres d'architecture et principalement du chapiteau corinthien. Les Grecs ont employé à cet usage les feuilles de l'acanthe cultivée, acantha mollis, qui croit spontanément dans l'Italie et la Grèce elles sont d'un effet piquant, qu'aucun autre feuillage ne peut surpasser. Non-seulement l'acanthe a été employée dans l'ornementation architecturale, mais encore pour l'embellissement des autres uvres d'art. On trouve chez les anciens et chez les modernes des instruments, des

meubles, des ustensiles ornés de feuilles d'acanthe. Les artistes, en conservant la forme des feuilles de l'acanthe, se sont plu à leur donner des sinuosités plus ou moins profondes, et à les rendre ainsi d'un effet plus pittores que. Dans le chapiteau corinthien, elles étaient travaillées avec plus de filélité et d'élégance; la plante entière entourait de ses feuilles un vase dont le couvercle les empêchait de s'élever et les forçait de se rouler en petites volutes. (Voy. CHAPITEAU CORINTHIEN.) Peut-on rien voir de plus élégant qu'un chapiteau corinthien de la belle époque grecque ou romaine? L'acanthe sans épines, avec ses feuilles larges, flexibles, bien formées, et terminées par des découpures élégantes, est assurément une des plantes qui se prêtent le mieux aux exigences de la décoration architectonique. Aussi, depuis l'antiquité grecque, est-elle en possession d'y jouer un grand rôle. C'est à l'imitation de la plante naturelle que Vitruve attribue l'origine du chapiteau corinth en; mais il ne faut pas croire que l'art ait été tellement imitateur de la forine naturelle, qu'il n'ait fait autre chose que transporter sur ses chapiteaux et dans ses divers motifs d'ornementation les feuilles du végétal. L'artiste Callimaque a pu puiser dans une rencontre fortuite une inspiration, mais non un modèle. On ne sait pas même, dit l'auteur de l'article Acanthe, dans l'Encyclopédie pittoresque, si l'acanthe qui lui suggéra la première idée du charmant chapiteau corinthien était l'acanthe épineuse où l'acanthe sans épines, bien qu'il soit vrai de dire que la feuille architectonique se rapproche bien plus de la dernière que de la première. Mais le docteur Sibthorp, qui a parcouru la Grèce et l'Archipel, n'y a rencontré nulle part l'acanth sans épines, tandis, au contraire, qu'il y a fréquemment observé l'acanthe épineuse, telle que Dioscoride la décrit et sous le nom d'acantha, qui signifie épine. On voit d'après cela qu'il ne faut pas chercher dans les ornements de nos édifices une reproduction bien exacte. des contours précisés par la botanique. Ni les Grecs ni les Romains ne se sont beaucoup embarrassés de ce soin: ils ont modifié constamment les formes de la feuille naturelle, de manière à la mettre en harmonie avec leurs systèmes d'architecture et avec les différents caractères des édifices à l'ornement desquels elle était employée. Les découpures inégales et légèrement arrondies de l'acanthe ont été fréquemment remplacécs par d'autres découpures plus régulières et plus pointues, qui paraissent avoir été inspirées par les feuilles du laurier ou de l'olivier. On trouve, en général, plus de finesse et d'élégance dans la feuille grecque; dans la feuille romaine, quelque chose de plus vigoureux et de plus ferme.

Dans l'architecture romano-byzantine, la feuille d'acanthe a été souvent imitée de l'antique; mais l'imitation n'a pas toujours été également heureuse. On remarque dans les monuments du midi et du centre de la

France des sculptures très-bien comprises, où les sinuosités de la feuille d'acanthe sont accusées avec une netteté, une précision et une fermeté surprenantes. Certains chapiteaux des églises de la Bourgogne ne sont pas inférieurs à ceux d'un grand nombre de monuments romains du commencement de la décadence, même à une époque où les traditions n'étaient pas perdues. Dans d'autres édifices, la feuille d'acanthe romane s'est pliée à des agencements nouveaux qui ne sont dépourvus ni de grâce ni d'originalité.

Durant la période ogivale, les artistes copièrent assez souvent dans leurs sculptures la feuille d'acanthe, en lui faisant subir des modifications en rapport avec la manière dont ils comprenaient l'ornementation végétale de l'architecture. Adolphe Berty prétend que d'Aviler s'est trompé en prenant la feuille de chardon pour celle de l'acanthe épineuse, et que les artistes de l'époque ogivale n'ont jamais sculpté la feuille d'acanthe. Nous croyons que ce reproche est injuste; l'étude attentive de nos édifices de style ogival absout complétement d'Aviler. Il est évident que les sculpteurs de cette époque ont traité fréquemment cette feuille, en lui donDant des contours aigus, qui n'existent pas dans l'acanthe molle, mais qui se trouvent dans l'acanthe épineuse, qui croit naturelle ment dans le midi de la France, dans les lieux humides et ombragés. On peut encore reconnaître, en divers lieux, qu'ils ont cherché à imiter l'acanthe dans sa forme artistique antique, et leurs efforts, pour n'être pas entièrement heureux, n'en sont pas moins visibles.

ACCESSOIRES. On appelle accessoires tout ce qui entre dans la composition d'un ouvrage d'art, sans y être d'une indispensable nécessité. Les artistes les plus célèbres de l'antiquité ont, à dessein, négligé les accessoires même dans leurs chefs-d'oeuvre les mieux achevés, afin que l'œil ne fût ni détourné ni distrait de la vue de l'objet prineipal. Cette manière de procéder, au jugement de grand nombre d'artistes et d'écrivains, est rationnelle et doit être suivie par ceux qui aspirent à marcher sur les traces des grands maitres. Il ne semble pas cependant, tout en admettant cette opinion, qu'on doive approuver la négligence avec laquelle les sculpteurs grecs ont généralement traité les accessoires; il y a dans cette négligence, parfois affectée, quelque chose qui blesse les exigences du goût artistique chez les modernes. Aujourd'hui, l'on ne supporterait pas dans une composition soignée des détails, quelque secondaires qu'on les suppose, exécutés d'une manière incorrecte. Un des premiers principes en matière d'art, dont on ne saurait se départir impunément, c'est que les diverses parties d'une œuvre artistique doivent être subordonnées les unes aux autres, de telle sorte qu'elles se fassent valoir les unes les autres suivant leur importance propre. C'est en cela que les artistes du moyen âge paraissent surtout avoir ex

cellé. Dans un monument du XII siècle, par exemple, tous les éléments qui entrent dans la composition de l'édifice sont étroitement unis ensemble et reliés entre eux suivant les lois de la plus heureuse symétrie. Dans les principales églises de la première période ogivale, les lignes essentielles de la construction se dessinent vigoureusement, sans jamais être étouffées sous une ornementation trop abondante; les dispositions. fondamentales qui concernent la solidité et qui sont destinées à satisfaire la raison, ne sont jamais sacrifiées à des motifs de décoration. Aussi, quand on entre dans une de Los grandes cathédrales, le regard embrasse aisément l'ensemble d'un coup d'œil, sans être empêché par des accessoires trop multipliés.

La perfection architecturale brille précisément dans cette harmonie des formes, se développant dans une juste mesure, selon leur destination, sans se nuire les unes aux autres. Quand l'œil et la raison du spectateur auront été satisfaits par la savante combinaison des lignes, la sage distribution des forces, l'équilibre de la masse, le goût réclamera encore des embellissements et des formes agréables pour plaire à l'imagination. Il faut alors que les accessoires répondent par leur élégance et leur bonne exécution à l'importance du corps principal qu'ils doivent accompagner et orner. Or, c'est là une des gloires des architectes de la période ogivale jamais ils ne négligent les détails en apparence les plus insignifiants. Examinez un édifice de style ogival depuis les fondations jusqu'au faite; regardez dans les angles les plus retirés et jusque dans les anfractuosités le moins accessibles au regard; depuis le chapiteau finement ciselé des colonnes de l'abside, jusqu'aux feuilles recourbées qui grimpent le long des angles de la flèche: tous les détails sont travaillés avec cette patience amie de la perfection, avec cette recherche sévère qui ne se pardonne pas la moindre négligence. Cette observation a été faite mille fois; tout le monde n'en tire pas la même conséquence. Pour nous, partageant en cela le sentiment de beaucoup d'antiquaires chrétiens, nous voyons dans ce fait une preuve de la foi admirable qui régissait la société entière à cette époque, comme elle guidait le génie des artistes et conduisait le ciseau des sculpteurs. L'artiste chrétien, en se consacrant à l'œuvre de l'église, ne perdait pas de vue qu'il travaillait pour la maison de Dieu, et il n'ignorait pas que l'œil de Dieu pénètre partout, et que son talent, en s'exerçant dans un si noble but, aurait infailliblement sa récompense. Quiconque recherche avant tout la gloire humaine et se montre avide de cette fumée qu'on nomme la louange et de ce vain bruit qu'on appelle renommée, tient absolument à ce que ses œuvres soient exposées aux regards; il n'est pas disposé à déployer les ressources de son talent sur des objets destinés à demeurer inconnus Et voilà la cause de l'immense différence

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